Métrique en Ligne
NOR_1/NOR17
corpus Pamela Puntel
Jacques NORMAND
TABLETTES D’UN MOBILE
1870-1871
1871
LE 19 JANVIER
I
C’EST le dernier effort ! Allons, Français mes frères ! 6+6 a
Déchaînez vos colères ! 6 a
Armez vos bras vengeurs ! 6 b
Si nous devons mourir, mourons dans cette lutte, 6+6 c
5 Et qu’au moins notre chute 6 c
Soit fatale aux vainqueurs ! 6 b
Pour affermir vos cœurs, grandir votre courage, 6+6 a
Exalter votre rage, 6 a
Il n’est besoin de rien : 6 b
10 Un seul mot vous transporte, un seul nom vous entraîne, 6+6 c
Et ce mot c’est : la haine ! 6 c
Et ce nom c’est : Prussien ! 6 b
Loin de vous, près de vous, à Paris, dans la France, 6+6 a
Partout c'est la souffrance, 6 a
15 Partout le désespoir ; 6 b
Partout il a semé la famine et la guerre, 6+6 c
La honte et la misère, 6 c
Leur long tourbillon noir. 6 b
Ah ! ce cercle d'airain qui nous brise, nous serre. 6+6 a
20 N’est-il pas de colère 6 a
Qui puisse le casser ? 6 b
Ces bataillons nombreux, cette humaine muraille, 6+6 c
N’est-il pas de mitraille 6 c
Qui puisse la percer ? 6 b
25 Pour nous avoir vaincus, sont-ils donc invincibles, 6+6 a
Ces ennemis terribles ? 6 a
N’ont-ils pas, comme nous, 6 b
Un cœur qu’on peut trouer, un sang qu’on peut répandre ? 6+6 c
Et, pour pouvoir les rendre, 6 c
30 Sentent-ils moins nos coups ? 6 b
En avant ! — A Paris la France est attachée. 6+6 a
Notre gloire est tachée, 6 a
Notre honneur est perdu 6 b
Si nous ne luttons pas jusqu’à la dernière heure, 6+6 c
35 Il faut que Paris meure 6 c
Avant d‘être rendu. 6 b
II
Ce jour-là, sur le haut aqueduc de Marly, 6+6 a
Aux rayons du soleil brille un casque poli 6+6 a
Ombrageant une tête avec moustache blanche. 6+6 b
40 Au bout d’une lorgnette énorme, elle se penche 6+6 b
Et sonde l’horizon du côté de Paris. 6+6 a
Derrière, un autre casque, aux gros yeux arrondis, 6+6 a
A la moustache épaisse, attend, imperturbable. 6+6 b
« Bismarck, dit le premier, c’est vraiment incroyable ! 6+6 b
45 Je crois voir les Français avancer ; voyez donc. » 6+6 a
Après un examen minutieux et long : 6+6 a
« Sire, vous vous trompez ; la lorgnette est mauvaise, 6+6 b
Dit l‘autre ; moi, je vois fuir la troupe française. » 6+6 b
III
En avant ! — C’est le jour des prochaines vengeances, 6+6 a
50 La fin de nos souffrances ! 6 a
Le passé s’est enfui ! 6 b
Colères dans les cœurs lentement amassées 6+6 c
Et mortelles pensées, 6 c
Débordez aujourd’hui ! 6 b
55 En avant ! — Notre cause est juste, grande, sainte, 6+6 a
Car notre ville est teinte 6 a
Du sang de nos soldats. 6 b
Leurs obus ont frappé nos enfants et nos femmes, 6+6 c
Et nous serions infâmes 6 c
60 En ne les vengeant pas ! 6 b
En avant ! — A ce cri qui parcourut la terre, 6+6 a
Jadis l’Europe entière 6 a
Frémit et s’étonna : 6 b
Amis, souvenons-nous de l’an quatre-vingt-treize, 6+6 c
65 De la gloire française, 6 c
D’Austerlitz, d’Iéna. 6 b
En avant ! — Voyez-vous cette nombreuse armée 6+6 a
A travers la fumée 6 a
Que balaye le vent ? 6 b
70 C’est la Prusse, la Prusse, exécrable ennemie : 6+6 c
Enfants de la patrie, 6 c
En avant ! en avant ! 6 b
IV
Sur le haut aqueduc sont encor les deux têtes ; 6+6 a
Mais, à voir leurs nez longs, leurs mines inquiètes, 6+6 a
75 Il semblerait que tout ne va pas à leur gré. 6+6 b
Le plus âgé des deux, l’homme au casque doré, 6+6 b
Dit : « Bismarck, la lorgnette est mauvaise sans doute, 6+6 a
Mais là-bas, voyez-vous, sur cette grande route, 6+6 a
Lit-bas, à Montretout, ces bataillons épais 6+6 b
80 Qui s’avancent toujours ? Seraient-ce des Français ? 6+6 b
— Non, sire. — Cependant… regardez… — Je regarde, 6+6 a
Sire, et je vois partout des soldats de la garde. 6+6 a
N’ayez crainte. — Pourtant… — Ce sont des Allemands. 6+6 b
— Leurs pantalons sont… — Noirs, et blancs leurs parements. 6+6 b
85 D’ailleurs, si les Français s’avançaient de la sorte, 6+6 a
C’est qu’ils l’emporteraient ; or, l’armée est si forte, 6+6 a
Sire… vous savez bien que cela ne se peut ! » 6+6 b
Tourné vers l’horizon, rouge d’éclairs, en feu, 6+6 b
De nouveau vers Paris le télescope plonge. 6+6 a
90 « O Bismark, dit le roi, serait-ce donc un songe ? 6+6 a
Ce sont bien les Français… — Sire… — Ce sont bien eux 6+6 b
— Majesté !… — Je les vois, je les vois de mes yeux 6+6 b
Quel est ce sifflement ? — Sire… ce sont des balles 6+6 a
—Que faire, ô conseiller ? — Sire, faisons nos malles. » 6+6 a
mètre profils métriques : 6, 6+6
forme globale type : suite périodique et distiques
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