Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
NOA_1/NOA92
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
II
LES CLIMATS
HENRI HEINE
Quand je respire, des milliers
d'échos me répondent…
H. HEINE.
Henri Heine, j'ai faitavec vous un voyage, 6+6 a
C'était un soir d'automne,encor tiède, encor clair ; 6+6 b
Heidelberg frchissaitsous ses rouges feuillages, 6+6 a
Nous cherchions, dans la rueaux portails entr'ouverts, 6+6 b
5 L'humble hôtel, romantiqueet vieux, du Chasseur Vert. 6+6 c
Je reposais sur vous,compagnon invisible, 6+6 a
Ma tête languissanteet mes cheveux défaits ; 6+6 b
Un souriant vieillardmarchait, lisant la Bible, 6+6 a
Sur la place le jour,lumineux et sensible, 6+6 a
10 Jetait un long appelde désir et de paix… 6+6 b
C'était l'heure engourdie le soleil s'incline ; 6+6 a
Par un mortel besoinde pleurer et de fuir, 6+6 b
J'ai souhaité montersur la verte colline ; 6+6 a
Nous nous sommes ensembleassis dans la berline 6+6 a
15 flottait un parfumde soierie et de cuir, 6+6 b
Et nous vîmes jaillirles romanesques ruines. 6+6 a
Sur la terrasse, auprèsde la tour en lambeaux, 6+6 a
Des étudiants riaientavec vos bien-aimées. 6+6 b
Je regardais bondirles délicats coteaux 6+6 a
20 Qui frisent sous le poidsdes vignes renommées, 6+6 b
Et l'espace semblaità la fois vaste et clos. 6+6 a
Le Neckar, au courantscintillant et rapide, 6+6 a
Entrnait le soleilparmi ses fins rochers. 6+6 b
Nous étions tout ensembleassouvis et avides ; 6+6 a
25 L'insidieux automneavait sur nous lâché 6+6 b
Ses tourbillons de songeet ses buis arrachés… 6+6 b
O sublime, languide,âpre mélancolie 6+6 a
Des beaux soirs l'esprit,indomptable et captif, 6+6 b
Veut s'enfuir et ne peut,et rêve à la folie 6+6 a
30 D'enfermer l'universdans un amour plaintif ! 6+6 b
Tout à coup, dans le parcpublic, humide et triste, 6+6 a
L'orchestre qui jouaitsur les bords de l'étang, 6+6 b
Près d'un groupe attentifde studieux touristes, 6+6 a
Lança le son du corqui chante dans Tristan 6+6 b
35 Henri Heine, j'ai sualors pourquoi vos livres 6+6 a
Regorgent de buéeet de soudains sanglots, 6+6 b
Pourquoi, riant, pleurant,vous voulez qu'on vous livre 6+6 a
La coupe de Thuléqui dort au fond des flots ; 6+6 b
L'amour de la légendeet la vaine espérance 6+6 a
40 Vous hantaient d'un appelsourdement répété : 6+6 b
Hélas ! vous aviez tropécouté, dès l'enfance, 6+6 a
Les sirènes du Rhin,à Cologne et Mayence, 6+6 a
Quand l'odeur des tilleulsgrise les nuits d'été ! 6+6 b
Voyageur égarédans la forêt des fables, 6+6 a
45 Moqueur désespéréqu'un mirage appelait, 6+6 b
Ni le chant de la merd'Amalfi sur les sables, 6+6 a
Ni la Sicile, avecl'olivier et le lait, 6+6 b
Ne pouvait retenirvotre vol inlassable, 6+6 a
Pour qui l'espace mêmeest un trop lourd filet ! 6+6 b
50 O soirs de Düsseldorf,quand les toits et leur neige 6+6 a
Font un scintillementde cristal et de sel, 6+6 b
Et que, petit gaonqui rentrait du collège, 6+6 a
Vous évoquiez déjà,rêveur universel, 6+6 b
L'oriental aspectde la nuit de Noël ! 6+6 b
55 Pourtant vous gtiez bienla sensible Allemagne, 6+6 a
Les muguets jaillissantdans ses bois ingénus, 6+6 b
L'horloge des beffrois,dont les coups accompagnent 6+6 a
Les rondes et les chantsdes filles aux bras nus ; 6+6 b
Vous connaissiez le poidssentimental des heures 6+6 a
60 Qui semblent fascinerl'errante volupté, 6+6 b
Quand l'or des calmes soirsrecouvre les demeures, 6+6 a
Les gais marchés, le Dômeet l'Université ; 6+6 b
Mais, fougueux inspiré,fier ami des naïades, 6+6 a
Les humaines amoursvous beaient tristement, 6+6 b
65 Et vous trouviez, auprèsd'une enfant tendre et fade, 6+6 a
La double solitude sont tous les amants ! 6+6 b
Accablé par la voixdes forêts mugissantes, 6+6 a
Vous inventiez Cordoue,ses palais et ses bains, 6+6 b
La fille de l'alcade,altière et rougissante, 6+6 a
70 Qui, trahissant son âmeofferte aux chérubins, 6+6 b
Soupire auprès d'un jeuneet dédaigneux rabbin 6+6 b
Les frais torrents du Hartzet la mauresque Espagne 6+6 a
Tour à tour enivraientvotre insondable esprit. 6+6 b
Que de pleurs près des flots !de cris sur la montagne ! 6+6 a
75 Que de lâches soupirs,ô Heine ! que surprit 6+6 b
La gloire au front baissé,votre sombre compagne ! 6+6 a
Parfois, vers votre cœur,que brisaient les démons, 6+6 a
Et qui laissait coulersa détresse infinie, 6+6 b
Vous sentiez accourir,par la brèche des monts, 6+6 a
80 Les grands vents de Bohêmeet de Lithuanie ; 6+6 b
Les cloches, les chorals,les forêts, l'ouragan, 6+6 a
Qui composent le cielmusical d'Allemagne, 6+6 b
Emplissaient d'un tumulteorageux, se joignent 6+6 b
Les résineux parfumsdes arbres éloquents, 6+6 a
85 Vos Lieder, à la foisdéchirés et fringants. 6+6 a
— Mais quand le vent se tait,quand l'étendue est calme, 6+6 a
Vous repoussez le verre luit le vin du Rhin ; 6+6 b
Le Gange, les cyprès,la paresse des palmes 6+6 a
Vous font de longs signaux,secrets et souverains ; 6+6 b
90 Et votre œil fend l'azuret les sables marins, 6+6 b
Immobile, extatiqueet vague pèlerin ! 6+6 b
Vous riez, et tandisque tinte votre rire, 6+6 a
Vos poèmes en pleursinvectivent le sort ; 6+6 b
Vous chantez, justement,de ne pas pouvoir dire 6+6 a
95 Les sources et le butd'un multiple délire, 6+6 a
Rossignol florentin,Grèbe des mers du Nord, 6+6 b
Qui mélangez au thymdu verger de Tityre 6+6 a
Les gais myosotisdes matins de Francfort. 6+6 b
— J'ai vu, un soir d'automne,au bord d'un chaud rivage, 6+6 a
100 Un grand voilier, chargéde grappes de cassis, 6+6 b
Ne plus pouvoir voguer,tant le faible équipage, 6+6 a
Captif sous un réseaud'effluves épaissis, 6+6 b
Gisait, transfigurépar le philtre imprécis 6+6 b
D'un arome, grisantplus encor qu'un breuvage. 6+6 a
105 O Heine ! ce parfumlanguissant et fatal, 6+6 a
Cette vigne éthéréeet qui pourtant accable, 6+6 b
N'est-ce pas le lointainet pressant idéal 6+6 a
Qui vous persécutait,quand de son blanc fanal 6+6 a
La lune illuminait,dans les forêts d'érables, 6+6 b
110 Vos soupirs envolésvers sa joue de cristal ! 6+6 a
— Vous me l'avez transmis,ce désir des conquêtes, 6+6 a
Cet enfantin bonheurdans les matins d'été, 6+6 b
Ce besoin de mouriret de ressusciter 6+6 b
Pour le mal que nous faitl'espoir et sa tempête ; 6+6 a
115 Vous me l'avez transmis,ô mon brûlant prophète, 6+6 a
Ce céleste appétitdes nobles voluptés ! 6+6 b
O mon cher compagnon,dès mes jeunes années 6+6 a
J'ai posé dans vos mainsmes doigts puissants et doux ; 6+6 b
Bien des yeux m'ont déçueet m'ont abandonnée, 6+6 a
120 Mais toujours vos regardss'enroulent à mon cou, 6+6 b
Sur le chemin du rêve je marche avec vous… 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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