Métrique en Ligne
NOA_1/NOA84
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
II
LES CLIMATS
LE CIEL BLEU DU MILIEU DU JOUR…
Le ciel bleu du milieu du jour vibre, travaille, 6+6 a
Encourage les champs, les vignes, les semailles, 6+6 a
Comme un maître exalté au milieu des colons ! 6+6 a
Tout bouge ; sous les frais marronniers du vallon, 6+6 a
5 L'abeille noire, avec ses bonds soyeux et brusques, 6+6 a
Semble un éclat volant de quelque amphore étrusque. 6+6 a
Sur les murs villageois, le vert abricotier 6+6 a
S'écartèle, danseur de feuillage habillé. 6+6 a
Les parfums des jardins font au dessus du sable 6+6 a
10 Une zone qui semble au cœur infranchissable. 6+6 a
L'air fraîchit. On dirait que de secrets jets d'eau 6+6 a
Sous les noirs châtaigniers suspendent leurs arceaux. 6+6 a
L'hirondelle, toujours par une autre suivie, 6+6 a
Tourne, et semble obéir à des milliers d'aimants : 6+6 b
15 L'espace est sillonné par ces rapprochements 6+6 b
— Et parfois, à côté de cette immense vie 6+6 a
On voit, protégé par un mur maussade et bas, 6−6 a
Le cimetière où sont, sans regard et sans pas, 6+6 a
Ceux pour qui ne luit plus l'étincelante fête, 6+6 a
20 Qui fait d'un jour d'été une heureuse tempête ! 6+6 a
Hélas ! dans le profond et noir pays du sol, 6+6 a
Malgré les cris du geai, le chant du rossignol, 6+6 a
Ils dorment. Une enfant, sans frayeur, près des tombes, 6+6 a
Traîne un jouet brisé qui ricoche et retombe. 6+6 a
25 Ils sont là, épandus dans les lis nés sur eux, 6+6 a
Ces doux indifférents, ces grands silencieux ; 6+6 a
Et la route qui longe et contourne leur pierre, 6+6 a
Éclate, rebondit d'un torrent de poussière 6+6 a
Que soulève, en passant, le véhément parcours 6+6 a
30 Des êtres que la mort prête encor à l'amour 6+6 a
— Et moi qui vous avais délaissée, humble terre, 6+6 a
Pour contempler la nue où l'âme est solitaire, 6+6 a
Je sais bien qu'en dépit d'un rêve habituel, 6+6 a
Nul ne saurait quitter vos chemins maternels. 6+6 a
35 En vain, l'intelligence, agile et sans limite, 6+6 a
Avide d'infini, vous repousse et vous quitte ; 6+6 a
En vain, dans les cieux clairs, de beaux oiseaux pensants 6+6 a
Peuplent l'azur soumis d'héroïques passants, 6+6 a
Ils seront ramenés et liés à vos rives, 6+6 a
40 Par le poids du désir, par les moissons actives, 6+6 a
Par l'odeur des étés, par la chaleur des mains 6+6 a
— Vaste Amour, conducteur des éternels demains, 6+6 a
Je reconnais en vous l'inlassable merveille, 6+6 b
L'inexpugnable vie, innombrable et pareille : 6+6 b
45 O croissance des blés ! ô baisers des humains ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
forme globale type : suite de strophes
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