Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
NOA_1/NOA79
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
II
LES CLIMATS
CHALEUR DES NUITS D'ÉTÉ…
O nuit d'été, maladie inconnue,
combien tu me fais mal !
Jules LAFORGUE.
Chaleur des nuits d'été, comme une confidence 6+6 a
Dans l'espace épandue, et semblant aspirer 6+6 b
Le grand soupir des cœurs qui songent en silence, 6+6 a
Je vous contemple avec un désespoir sacré ! 6+6 b
5 Les passants, enroulés dans la moiteur paisible 6+6 a
De cette nuit bleuâtre au souffle végétal, 6+6 b
Se meuvent comme au fond d'un parc oriental 6+6 b
L'ombre des rossignols furtifs et susceptibles. 6+6 a
Une femme, un enfant, des hommes vont sans bruit 6+6 a
10 Dans la rue amollie où le lourd pavé luit ; 6+6 a
C'est l'heure où les Destins plus aisément s'acceptent : 6+6 b
Tout effort est dans l'ombre oisive relégué. 6+6 c
Les parfums engourdis et compacts, interceptent 6+6 b
La circulation des zéphyrs fatigués. 6+6 c
15 Il semble que mon cœur soit plus soumis, plus sage ; 6+6 a
Je regarde la terre où s'entassent les âges 6+6 a
Et la voûte du ciel, pur, métallique et doux. 6+6 b
Se peut-il que le temps ait, malgré mes courroux, 6+6 b
Apaisé mon délire et son brûlant courage, 6+6 a
20 Et qu'enfin mon espoir se soit guéri de tout ? 6+6 b
La lune éblouissante appuie au fond des nues 6+6 a
Son sublime débris ténébreux et luisant, 6+6 b
Et la nuit gît, distraite, insondable, ingénue ; 6+6 a
Son chaud torrent sur moi abondamment descend 6+6 b
25 Comme un triste baiser négligent et pesant. 6+6 b
Deux étoiles, ainsi que deux âmes plaintives, 6+6 a
Semblent accélérer leur implorant regard. 6+6 b
L'univers est posé sur mes deux mains chétives ; 6+6 a
Je songe aux morts, pour qui il n'est ni tôt, ni tard, 6+6 b
30 Qui n'ont plus de souhaits, de départs, ni de rives. 6+6 a
Que de jours ont passé sur ce qui fut mon cœur, 6+6 a
Sur l'enfant que j'étais, sur cette adolescente 6+6 b
Qui, fière comme l'onde et comme elle puissante, 6+6 b
Luttait par son amour contre tout ce qui meurt ! 6+6 a
35 Pourtant, rien n'a pâli dans ma chaude mémoire, 6+6 a
Mon rêve est plus constant que le roc sur la mer ; 6+6 b
Mais un besoin vivant, fougueux, aride, amer, 6+6 b
Veut que mon cœur poursuive une éternelle histoire, 6+6 a
Et cherche en vain la source au milieu du désert. 6+6 b
40 — Et je regarde, avec une tristesse immense, 6+6 c
Dans le ciel glauque et lourd comme un auguste pleur, 6+6 d
L'étoile qui palpite ainsi que l'espérance, 6+6 c
Et la lune immobile au-dessus de mon cœur… 6+6 d
mètre profil métrique : 6+6
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