Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
NOA_1/NOA61
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
II
LES CLIMATS
UN SOIR A VÉRONE
Le soir baigne d'argent les places de Vérone ; 6+6 a
Les cieux roses et ronds, rayés d'ifs, de cyprès, 6+6 b
Font à la ville une couronne 8 a
De tristes et verts minarets. 8 b
5 Sur les ors languissants du palais du Concile, 6+6 a
On voit luire, ondoyer un manteau duveté : 6+6 b
Les pigeons amoureux, dociles, 8 a
Frémissent là de volupté. 8 b
L'Adige, entre les murs de brique qu'il reflète, 6+6 a
10 Roule son rouge flot, large, brusque, puissant. 6+6 b
Dans la ville de Juliette 8 a
Un fleuve a la couleur du sang ! 8 b
— O tragique douceur de la cité sanglante, 6+6 a
Rue où le passé vit sous les vents endormis : 6+6 b
15 Un masque court, ombre galante, 8 a
Au bal des amants ennemis. 8 b
Je m'élance, et je vois ta maison, Juliette ! 6+6 a
Si plaintive, si noire, ainsi qu'un froid charbon. 6+6 b
C'est là que la fraîche alouette 8 a
20 T'épouvantait de sa chanson ! 8 b
Que tu fus consumée, ô nymphe des supplices ! 6+6 a
Que ton mortel désir était fervent et beau 6+6 b
Lorsque tu t'écriais : «Nourrice, 8 a
Que l'on prépare mon tombeau ! 8 b
25 «Qu'on prépare ma tombe et mon funèbre somme, 6+6 a
Que mon lit nuptial soit violet et noir, 6+6 b
Si je n'enlace le jeune homme 8 a
Qui brillait au verger ce soir !…» 8 b
— Auprès de ta fureur héroïque et plaintive, 6+6 a
30 Auprès de tes appels, de ton brûlant tourment, 6+6 b
La soif est une source vive, 8 a
La faim est un rassasiement. 8 b
Hélas ! tu le savais, qu'il n'est rien sur la terre 6+6 a
Que l'invincible amour, par les pleurs ennobli ; 6+6 b
35 Le feu, la musique, la guerre, 8 a
N'en sont que le reflet pâli ! 8 b
— Ma sœur, ton sein charmant, ton visage d'aurore, 6+6 a
Où sont-ils, cette nuit où je porte ton cœur ? 6+6 b
La colombe du sycomore 8 a
40 Soupire à mourir de langueur… 8 b
Là-bas un lourd palais, couleur de pourpre ardente, 6+6 a
Ferme ses volets verts sous le ciel rose et gris ; 6+6 b
Je pense au soir d'automne où Dante 8 a
Écrivit là le Paradis ; 8 b
45 La céleste douceur des tournantes collines 6+6 a
Emplissait son regard, à l'heure où las, pensifs, 6+6 b
Les anges d'Italie inclinent 8 a
Le ciel délicat sur les ifs. 8 b
Mais que tu m'es plus chère, ô maison de l'ivresse, 6+6 a
50 Balcon où frémissait le chant du rossignol, 6+6 b
Où Juliette qui caresse 8 a
Suspend Roméo à son col ! 8 b
Ah ! que tu m'es plus cher, sombre balcon des fièvres, 6+6 a
Où l'échelle de soie en chantant tournoyait, 6+6 b
55 Où les amants, joignant leurs lèvres, 8 a
Sanglotaient entre eux : «Je vous ai !» 8 b
— Que l'amour soit béni parmi toutes les choses, 6+6 a
Que son nom soit sacré, son règne ample et complet ; 6+6 b
Je n'offre les lauriers, les roses, 8 a
60 Qu'à la fille des Capulet ! 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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