Métrique en Ligne
NOA_1/NOA55
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
II
LES CLIMATS
AGRIGENTE
O nymphe d'Agrigente aux élégantes parures,
qui règnes sur la plus belle des cités mortelles,
nous implorons ta bienveillance !
PINDARE.
Le ciel est chaud, le vent est mou ; 8 a
Quel silence dans Agrigente ! 8 b
Un temple roux, sur le sol roux 8 a
Met son reflet comme une tente 8 b
5 Les oiseaux chantent dans les airs ; 8 a
Le soleil ravage la plaine ; 8 b
Je vois, au bout de ce désert, 8 a
L'indolente mer africaine. 8 b
Brusquement un cri triste et fort 8 a
10 Perce l'air intact et sans vie ; 8 b
La voix qui dit que Pan est mort 8 a
M'a-t-elle jusqu'ici suivie ? 8 b
Et puis l'air retombe ; la mer 8 a
Frappe la rive comme un socle ; 8 b
15 Tout dort. Un fanal rouge et vert 8 a
S'allume au vieux port Empédocle. 8 b
L'ombre vient, par calmes remous. 8 a
Dans l'éther pur et pathétique 8 b
Les astres installent d'un coup 8 a
20 Leur brasillante arithmétique ! 8 b
— Soudain, sous mon balcon branlant, 8 a
J'entends des moissonneurs, des filles 8 b
Défricher un champ de blé blanc, 8 a
Qui gicle au contact des faucilles ; 8 b
25 Et leur fièvre, leur sèche ardeur, 8 a
Leur clameur nocturne et païenne 8 b
Imitent, dans l'air plein d'odeurs, 8 a
Le cri des nuits éleusiennes ! 8 b
Un pâtre, sur un lourd mulet, 8 a
30 Monte la côte tortueuse ; 8 b
Sa chanson lascive accolait 8 a
La noble nuit silencieuse ; 8 b
Dans les lis, lourds de pollen brun, 8 a
Le bêlement mélancolique 8 b
35 D'une chèvre, ivre de parfums, 8 a
Semble une flûte bucolique. 8 b
— Donc, je vous vois, cité des dieux, 8 a
Lampe d'argile consumée, 8 b
Agrigente au nom spacieux, 8 a
40 Vous que Pindare a tant aimée ! 8 b
Porteuse d'un songe éternel, 8 a
O compagne de Pythagore ! 8 b
C'est vous cette ruche sans miel, 8 a
Cette éparse et gisante amphore ! 8 b
45 C'est vous ces enclos d'amandiers, 8 a
Ce sol dur que les bœufs gravissent, 8 b
Ce désert de sèches mélisses, 8 b
Où mon âme vient mendier. 8 a
Ah ! quelle indigente agonie ! 8 a
50 Et l'on comprendrait mon émoi, 8 b
Si l'on savait ce qu'est pour moi 8 b
Un peu de l'Hellade infinie ; 8 a
Car, sur ce rivage humble et long, 8 a
Dans ce calme et morne désastre, 8 b
55 Le vent des flûtes d'Apollon 8 a
Passe entre mon cœur et les astres ! 8 b
mètre profil métrique : 8
forme globale type : suite de strophes
schéma : 12(abab) 2(abba)
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