Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
NOA_1/NOA53
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
II
LES CLIMATS
LES SOIRS DE CATANE
Catane languissait, éclatante et maussade ; 6+6 a
Le laurier-rose en fleurs du jardin Bellini 6+6 b
Portait un poids semblable à de pourpres grenades ; 6+6 a
C'était l'heure où le jour a lentement fini 6+6 b
5 De harceler l'azur qu'il flagelle et poignarde. 6+6 a
Les voitures tournaient en molle promenade 6+6 a
Sous le moite branchage aux parfums infinis… 6+6 b
On voyait dans la ville étroite et sulfureuse 6+6 a
Les étudiants quitter les Universités ; 6+6 b
10 Leur figure foncée, active et curieuse, 6+6 a
Rayonnait de hardie et fraîche liberté 6+6 b
Sous le fléau splendide et morne de l'été… 6+6 b
Bousculant les marchands de fruits et de tomates, 6+6 a
Encombrant les trottoirs comme un torrent hâtif, 6+6 b
15 Les chèvres au poil brun, uni comme l'agate, 6+6 a
Dans ce soir oppressant et significatif, 6+6 b
Fixaient sur moi leurs yeux directs, où se dilate 6+6 a
Un exultant entrain satanique et lascif. 6+6 b
Comme un tiède ouragan presse et distend les roses, 6+6 a
20 Le soir faisait s'ouvrir les maisons, les rideaux ; 6+6 b
Des balcons de fer noir emprisonnaient les poses 6+6 a
Des nostalgiques corps, penchés hors du repos, 6+6 b
Comme on voit s'incliner des rameuses sur l'eau… 6+6 b
Des visages, des mains pendaient par les fenêtres, 6+6 a
25 Tant les femmes, ployant sous le poids du désir, 6+6 b
S'avançaient pour chercher, attirer, reconnaître, 6+6 a
Parmi les bruns garçons qui flânaient à loisir, 6+6 b
Le porteur éternel du rêve et du plaisir… 6+6 b
Tout glissait vers l'amour comme l'eau sur la pente. 6+6 a
30 Le ciel, languide et long, tel un soupir d'azur, 6+6 b
Étalait sa douceur langoureuse et constante 6+6 a
Où gisaient, comme l'or dans un fleuve ample et pur, 6+6 b
Les jasmins safranés mêlés aux citrons mûrs. 6+6 b
L'espace suffoquait d'une imprécise attente 6+6 a
35 Élégants, débouchant de la rue en haillons, 6+6 a
Des jeunes gens montaient vers le bruyant théâtre 6+6 b
Que d'électriques feux teintaient de bleus rayons. 6+6 a
Leur hâte ressemblait à des effusions, 6+6 a
Chacun semblait courir aux nuits de Cléopâtre. 6+6 b
40 Des mendiants furtifs, quand nous les regardions, 6+6 a
Nous offraient des gâteaux couleur d'ambre et de plâtre. 6+6 b
Sur la place, où brillaient des palais d'apparat, 6+6 a
La foule vers minuit s'entassait, sinueuse : 6+6 b
Les pauvres, les seigneurs glissaient bras contre bras ; 6+6 a
45 Un orchestre opulent jouait des opéras, 6+6 a
L'air se chargeait de sons comme une conque creuse ; 6+6 b
Enfin tout se taisait ; la foule restait tard. 6+6 c
On voyait les serments qu'échangeaient les regards, 6+6 c
Et c'était une paix limpide et populeuse 6+6 b
50 Au lointain, par delà les façades, les gens, 6+6 a
La mer de l'Ionie, éployée et sereine, 6+6 b
Sous l'éclat morcelé de la lune d'argent 6+6 a
Comme une aube mouillée élançait son haleine 6+6 b
Les bateaux des pêcheurs, qu'un feu rouge éclairait, 6+6 a
55 Suivaient nonchalamment les vagues poissonneuses. 6+6 b
Le parfum du bétail marin, piquant et frais, 6+6 a
Ensemençait l'espace ainsi qu'un rude engrais. 6+6 a
Le ciel, ruche d'ébène aux étoiles fiévreuses, 6+6 b
A force de clarté semblait vivre et frémir… 6+6 c
60 — Et je vis s'enfoncer sur la route rocheuse 6+6 b
Un couple adolescent, qui semblait obéir 6+6 c
A cette loi qui rend muets et solitaires 6+6 d
Ceux que la volupté vient brusquement d'unir, 6+6 c
Et qui vont,-n'ayant plus qu'à songer et se taire, — 6+6 d
65 Comme des étrangers qu'on chasse de la terre 6+6 d
mètre profil métrique : 6+6
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