Métrique en Ligne
NOA_1/NOA50
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
II
LES CLIMATS
PALERME S'ENDORMAIT…
Palerme s'endormait ; la mer Tyrrhénienne 6+6 a
Répandait une odeur d'âcre et marin bétail : 6+6 b
Odeur d'algues, d'oursins, de sel et de corail, 6+6 b
Arome de la vague où meurent les sirènes ; 6+6 a
5 Et cette odeur, nageant dans les tièdes embruns, 6+6 a
Avait tant de hardie et vaste violence, 6+6 b
Qu'elle semblait une âpre et pénétrante offense 6+6 b
A la terre endormie et presque sans parfums 6+6 a
Le geste de bénir semblait tomber des palmes ; 6+6 a
10 Des barques s'éloignaient pour la pêche du thon ; 6+6 b
Je contemplais, le front baigné de vapeurs calmes, 6+6 a
La figure des cieux que regardait Platon. 6+6 b
On entendait, au bord des obscures terrasses, 6+6 a
Se soulever des voix que la chaleur harasse : 6+6 a
15 Tous les mots murmurés semblaient confidentiels ; 6+6 a
C'était un long soupir envahissant l'espace ; 6+6 b
Et le vent, haletant comme un oiseau qu'on chasse, 6+6 b
En gerbes de fraîcheur s'enfuyait vers le ciel 6+6 a
— Creusant l'ombre, écrasant la route caillouteuse, 6+6 a
20 L'indolente voiture où nous étions assis 6+6 b
S'enfonçait dans la nuit opaque et sinueuse, 6+6 a
Sous le ciel nonchalant, immuable et précis ; 6+6 b
C'était l'heure où l'air frais subtilement pénètre 6+6 a
La pierre au grain serré des calmes monuments ; 6+6 b
25 Je n'étais pas heureuse en ces divins moments 6+6 b
Que l'ombre enveloppait, mais j'espérais de l'être, 6+6 a
Car toujours le bonheur n'est qu'un pressentiment : 6+6 b
On le goûte avant lui, sans jamais le connaître 6+6 a
Dans un profond jardin qui longeait le chemin, 6+6 a
30 Des chats, l'esprit troublé par la saison suave, 6+6 b
Jetaient leurs cris brûlants de vainqueurs et d'esclaves. 6+6 b
Sur les ployants massifs d'œillets et de jasmins, 6+6 a
On entendait gémir leur ardente querelle 6+6 a
Comme un mordant combat de colombes cruelles 6+6 a
35 — Puis revint le silence, indolent et puissant ; 6+6 a
La voiture avançait dans l'ombre perméable. 6+6 b
Je songeais au passé ; les vagues sur le sable 6+6 b
Avec un calme effort, toujours recommençant, 6+6 a
Déposaient leur fardeau de rumeurs et d'aromes 6+6 a
40 Les astres, attachés à leur sublime dôme, 6+6 a
De leur secret regard, fourmillant et pressant, 6+6 a
Attiraient les soupirs des yeux qui se soulèvent 6+6 b
— Et l'espace des nuits devint retentissant 6+6 a
Du cri silencieux qui montait de mes rêves ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de strophes
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