Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
NOA_1/NOA33
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
I
LES PASSIONS
LA PASSION
Lorsque, semblable au vent qui flagelle les monts, 6+6 a
Notre esprit plein d'ardeur indomptable et sublime, 6+6 b
Bondit soudain plus haut que d'invisibles cimes, 6+6 b
Et descend jusqu'aux pieds de ceux que nous aimons ; 6+6 a
5 Quand un front nous paraît si chaud dans les ténèbres, 6+6 a
Qu'enivrés des rayons qui nous viennent de lui, 6+6 b
Nous pourrions à jamais, loin du jour qui reluit, 6+6 b
Vivre contents parmi des tentures funèbres, 6+6 a
Nous ne pouvons pas croire à ces calmes moments, 6+6 a
10 A ces froids lendemains, monotones, paisibles, 6+6 b
Qui reviennent toujours, d'une marche insensible, 6+6 b
Recouvrir la douleur et les emportements. 6+6 a
Non, nous ne voulons pas, ayant été la flamme 6+6 a
Dont le sommet s'arrache et vole vers le ciel, 6+6 b
15 Cesser d'être le lieu du sacre essentiel 6+6 b
Qui, d'un corps foudroyé, fait une plus grande âme. 6+6 a
Nous voulons demeurer ce Dieu crucifié, 6+6 a
A qui, sous un ciel bas, les avenirs répondent, 6+6 b
Et qui, les pieds saignants et pendants sur les mondes, 6+6 b
20 A quelque immense espoir s'est pourtant confié ! 6+6 a
Non, nous ne voulons pas renoncer à ces heures 6+6 a
Où, chargés de transmettre et goûter l'infini, 6+6 b
Nous sommes l'inconnu, transfiguré, béni, 6+6 b
Par qui la race éparse et future demeure… 6+6 a
25 — Que tout vous soit soumis, divine passion, 6+6 a
Prenez les dieux, les morts, les vertus, les victoires, 6+6 b
Les instants radieux ou blessés de l'histoire, 6+6 b
Pour bâtir jusqu'aux cieux vos réclamations ! 6+6 a
Passion qu'un orchestre invisible accompagne, 6+6 a
30 Où, fondu comme l'or bouillant dans les enfers, 6+6 b
Le cœur liquide et chaud dans un autre se perd, 6+6 b
Comme l'eau du printemps s'arrache des montagnes. 6+6 a
Candide passion, dont l'unique remords 6+6 a
Est de ne pas tuer ceux que tu favorises, 6+6 b
35 Quand l'immobile ardeur et les yeux qui se brisent 6+6 b
Ont fait se ressembler le désir et la mort… 6+6 a
Mais l'antique Nature, indolente et lassée, 6+6 a
Rêveuse sans vigueur dont nous sommes issus, 6+6 b
A chaque instant défait l'étincelant tissu 6+6 b
40 Que nos mains suspendaient à sa gorge glacée. 6+6 a
Et l'on vit résistant, révolté, gravissant 6+6 a
L'échelle imaginaire où frémissent les anges, 6+6 b
Et toujours la Nature, indécise, mélange 6+6 b
Sa brume hostile et froide à la splendeur du sang. 6+6 a
45 Et l'on s'efforce en vain, jusqu'à ce que, malade, 6+6 a
Redoutant sa rançon, craintif, irrésolu, 6+6 b
Le pauvre espoir humain, enfin, ne puisse plus 6+6 b
Tenter fidèlement l'intrépide escalade ! 6+6 a
Et c'est sans doute ainsi qu'un jour plus morne encor, 6+6 a
50 A l'heure où dans la nuit l'aube terne se lève, 6+6 b
Sans désir, sans amour, sans révolte et sans rêve, 6+6 b
Les corps désabusés consentent à la mort… 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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