Métrique en Ligne
NOA_1/NOA32
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
I
LES PASSIONS
LA NUE EST RADIEUSE…
La nue est radieuse, et sa splendeur inerte 6+6 a
Étale un mol azur plein de fraîche langueur. 6+6 b
On voit glisser sur l'eau une péniche verte 6+6 a
Où traîne un filet de pêcheur. 8 b
5 La lumière d'argent assaille le feuillage 6+6 a
Avec une fureur de foudre et de frelons ; 6+6 b
Et puis midi s'enfuit, et le doux paysage 6+6 a
Médite dans la paix d'un soir limpide et long. 6+6 b
De blancs oiseaux, posés comme une ronde écume, 6+6 a
10 Dévalent mollement sur le lac aplani. 6+6 b
Septembre est un volcan qui flamboie et qui fume 6+6 a
Dans un ondoiement infini ! 8 b
Les abeilles, tournant parmi d'épais aromes, 6+6 a
Font un remous de chants et de suavité. 6+6 b
15 On voit, sur les chemins, s'éloigner le fantôme 6+6 a
De l'été lourd de volupté 8 b
Et pourtant, ô mon cœur, cette paix onctueuse 6+6 a
Qui t'environne et veut tendrement t'envahir, 6+6 b
S'étend comme un désert aux vagues sablonneuses, 6+6 a
20 Autour de ton triste désir ! 8 b
Tu te sens étranger parmi cette indolence, 6+6 a
Tu ne reconnais rien dans ce calme sommeil ; 6+6 b
Et ton sort fait un poids obscur dans la balance 6+6 a
Où monte un placide soleil 8 b
25 Les feuillages, les flots, la rive romanesque, 6+6 a
La barque qui descend comme un bouquet sur l'eau, 6+6 b
Les montagnes, au loin peintes comme des fresques, 6+6 a
La fumée aux toits des hameaux, 8 b
Ne te captivent plus, car la vie irritée 6+6 a
30 A, depuis ton enfance, arraché tes abris, 6+6 b
Et ton passé tragique est une eau démontée 6+6 a
Où des navires ont péri. 8 b
— Hélas, ô triste cœur, ô marin des rafales, 6+6 a
Vous si brave parmi la nuit et l'océan, 6+6 b
35 Comment goûteriez-vous la douceur qui s'exhale 6+6 a
De ce soir sans douleur, qui ressemble au néant ? 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
forme globale type : suite périodique
schéma : 9(abab)
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