Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
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F = "e" féminin
| = césure
NOA_1/NOA19
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
I
LES PASSIONS
TEL L'ARBRE DE CORAIL…
Tel l'arbre de corail dans les mers pacifiques, 6+6 a
Le rose crépuscule, en l'azur transparent 6+6 b
Jette un feu vaporeux, et mes regards errants 6+6 b
Boivent ce vin rêveur des soirs mélancoliques ! 6+6 a
5 Un oiseau printanier, comme un fifre enchanté 6+6 a
Gaspille de gais cris, acides, brefs, suaves. 6+6 b
L'univers vit en lui, son ardeur sans entrave 6+6 b
Hèle, et semble attirer le vaisseau de l'été ! 6+6 a
— Qui veux-tu fasciner, oiseau de douce augure ? 6+6 a
10 Les morts restent des morts, et les vivants sont las 6+6 b
D'avoir tant de fois vu, sur de froides figures, 6+6 a
Le destin qui les guette et qui les accabla ! 6+6 b
Je sens bien que le ciel est tiède ; l'étendue 6+6 a
Balance sur son lac la promesse et l'espoir. 6+6 b
15 Une étoile, incitant l'hirondelle éperdue, 6+6 a
Fait briller son céleste et liquide abreuvoir. 6+6 b
Et tout est orageux, furtif, païen, mystique ; 6+6 a
Les rêves des humains, aussi vieux que le temps, 6+6 b
Groupent leur frénésie, hésitante ou panique, 6+6 a
20 Dans la vasque odorante et moite du printemps ! 6+6 b
Les nuages pourprés traînent comme un orage 6+6 a
Dont on a dispersé la foudre et le chaos ; 6+6 b
Tout se dilue et luit. Ciel au calme visage, 6+6 a
Tu viens séduire l'homme et les yeux des oiseaux ! 6+6 b
25 — Pauvre oiseau, est-ce donc ces trompeuses coutumes, 6+6 a
Renaissant chaque fois que s'étend la tiédeur, 6+6 b
Qui te font oublier l'incessante amertume 6+6 a
D'un monde qui transmet la ciguë et les pleurs ? 6+6 b
Ton délire est le mien ; je sais qu'on recommence 6+6 a
30 A rêver, à vouloir, d'un cœur naïf et plein, 6+6 b
Chaque fois qu'apparaît le ciel d'un bleu de lin ; 6+6 b
Et que le courage est une longue espérance… 6+6 a
Oui, l'espace est joyeux, le vent, dans l'arbrisseau, 6+6 a
D'un doigt aérien creuse une flûte antique. 6+6 b
35 L'univers est plus vif qu'un bondissant cantique ; 6+6 b
Les fleuves, mollement, gonflent sous les vaisseaux ; 6+6 a
Les torrents, les brebis viennent d'un même saut 6+6 c
Écumer dans la plaine, où l'hiver léthargique 6+6 b
Fond, et suspend sa brume aux hampes des roseaux. 6+6 c
40 L'eau s'arrache du gel, le lait emplit la cruche, 6+6 a
Les abeilles, ainsi que des fuseaux pansus, 6+6 b
Vont composer le miel au liquide tissu, 6+6 b
Blond soleil familier de l'écorce et des ruches ! 6+6 a
C'est cet allègre éveil que tes yeux ont perçu : 6+6 b
45 Oiseau plein de grelots, ô hochet des Ménades, 6+6 a
Héros bardé d'azur, calice rugissant, 6+6 b
Je t'entends divaguer ! Tes montantes roulades 6+6 a
Ont l'invincible élan des jets d'eau bondissants. 6+6 b
Matelot enivré dans la vergue des arbres, 6+6 a
50 Tu mens en désignant de tes cris éblouis 6+6 b
Des terres de délice et des golfes de marbre, 6+6 a
Et tout ce que l'espoir a de plus inouï ; 6+6 b
Mais c'est par ce sublime et candide mensonge, 6+6 a
Par ce goût de vanter ce qu'on ne peut saisir, 6+6 b
55 Que l'esclavage humain peut tirer sur sa longe, 6+6 a
Et que parfois nos jours ressemblent au désir ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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