Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
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F = "e" féminin
| = césure
NOA_1/NOA120
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
IV
LES TOMBEAUX
LE SOUVENIR DES MORTS
Des nuages, du froid, de la pluie et du vent 6+6 a
Le printemps est sorti sur toute la nature ; 6+6 b
Les arbres ont repris leur verdoyante enflure, 6+6 b
Et semblent protéger les rapides vivants. 6+6 a
5 Ils vont, ces affranchis, à qui la Destinée 6+6 a
Accorde encor un jour de délice ou de paix, 6+6 b
Et leur aveuglement candide se repaît 6+6 b
De ce sursis de vie, humble et momentanée. 6+6 a
Ainsi vont les humains tolérés par le Temps ! 6+6 a
10 — Tel un chaînon léger à la chaîne des âges, 6+6 b
Il tinte clair et frais, le vaniteux printemps, 6+6 a
Et comme un vif grelot excite leur courage ! 6+6 b
Mais je ne louerai pas le hardi renouveau : 6+6 a
Le printemps vient des morts, et je le leur dédie. 6+6 b
15 Tout est vaine, bruyante ou morne comédie, 6+6 b
Puisque tout est détresse accédant au repos. 6+6 a
— Multitude endormie en la cité des pierres 6+6 a
Ils ont l'éternité que nous n'obtenons pas, 6+6 b
L'espace est concentré sous leur faible paupière, 6+6 a
20 L'obsédant mouvement s'arrête sous leurs pas. 6+6 b
Alignés côte à côte, austère compagnie, 6+6 a
Ils sont des étrangers, que seul dérangera 6+6 b
Le convive nouveau, en funèbre apparat, 6+6 b
Qu'on descend au séjour de la monotonie. 6+6 a
25 En vain les yeux vivants, penchés sur leur néant, 6+6 a
Tentent de réveiller ces puissantes paresses, 6+6 b
Et d'absorber les corps à force de caresses 6+6 b
Ainsi que le soleil aspire l'océan ! 6+6 a
Anéantis, fermés et froids comme les astres, 6+6 a
30 Ils restent. Ni les voix, ni le chant des clairons, 6+6 b
Ni le sublime amour flamboyant n'interrompt 6+6 b
Le silence infini de leur calme désastre. 6+6 a
Ah ! les rires, l'espoir, les projets, les étés 6+6 a
Sont d'incertains signaux à qui mon cœur résiste ; 6+6 b
35 La vie est sans aspects puisque la mort existe. 6+6 b
Je vous salue, ô Morts ! Constance, Fixité ! 6+6 a
— On bâtit : des maçons debout sur les tranchées 6+6 a
Font vibrer dans l'azur le bruit vaillant du fer, 6+6 b
Mais mes yeux vont, emplis d'un songe âpre et désert, 6+6 b
40 De nos maisons debout à vos maisons couchées. 6+6 a
Je laisse les oiseaux, dans le laiteux azur, 6+6 a
Acclamer la saison insinuante et tendre ; 6+6 b
Je pense aux froids jardins enfermés dans les murs 6+6 a
Où les morts patients rêvent à nous attendre. 6+6 b
45 Je m'éloigne de tout ce qui vit et qui sert ; 6+6 a
Je pense à vous : mon but, mes frères, mon exemple. 6+6 b
La Mort vous a groupés dans son grave concert, 6+6 a
Et sa sombre unité, nous la chantons ensemble !… 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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