Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
NOA_1/NOA112
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
III
LES ÉLÉVATIONS
O DIEU MYSTÉRIEUX…
O Dieu mystérieux qui n'aimez pas les êtres, 6+6 a
Qui les avez jetés, pleins d'amour et d'espoir, 6+6 b
Dans un monde où jamais rien de vous ne pénètre 6+6 a
Pour rassurer leurs jours, pour éclairer leurs soirs, 6+6 b
5 Peut-être n'avez-vous de soucis paternels 6+6 a
Que pour les verdoyants et calmes paysages, 6+6 b
Qui sont comblés d'azur, d'allégresse, de miel, 6+6 a
Et d'un apaisement que n'ont pas les visages ? 6+6 b
— Les jeux des papillons, des oiseaux, des zéphirs, 6+6 a
10 Une branche qu'un flot de soleil ploie et marque, 6+6 b
Font bouger l'horizon, que l'on croit voir frémir 6+6 a
Comme une frêle tente au-dessus d'une barque. 6+6 b
Se joignant dans un net et décisif amour, 6+6 a
Le cristal bleu de l'air et la lente colline 6+6 b
15 Allongent leur unique et mutuel contour 6+6 a
Dans la molle atmosphère, assoupie et câline. 6+6 b
Les rameaux délicats et gommeux des sapins, 6+6 a
S'offrant, se refusant aux brises qui les pressent, 6+6 b
Et grésillant ainsi qu'un tison argentin, 6+6 a
20 Emplissent l'air de leurs parcelles de caresses : 6−6 b
Caresse étincelante, hésitante et sans fin, 6+6 a
Qui ne se lasse pas, et, toute une journée, 6+6 b
Imite sur l'azur éblouissant et fin 6+6 a
L'élan d'une âme active et toujours enchaînée. 6+6 b
25 Des papillons s'en vont comme des messagers 6+6 a
De la pelouse à l'arbre et de l'arbre à la nue, 6+6 b
Et leur vol oscillant tâche de s'alléger 6+6 a
De l'importune ardeur à leurs flancs retenue. 6+6 b
Tout est heureux parmi ce ploiement des rameaux ; 6+6 a
30 Dans le lointain, un chien impétueux aboie ; 6+6 b
Un train coule, rapide et lisse comme une eau ; 6+6 a
Et partout c'est la joie : antique et neuve joie ! 6+6 b
— Ah ! puisque vous n'étiez, Dieu des cieux enivrés, 6+6 a
Qu'un Sultan amoureux des jardins et des arbres, 6+6 b
35 Qui, la nuit, contemplez les bleus poissons nacrés 6+6 a
Que la lune nourrit dans son bassin de marbre, 6+6 b
Puisque, Dieu d'Orient, opulent et cruel, 6+6 a
Vous n'aimiez du sol noir où les hommes expirent 6+6 b
Que ces tapis de fleurs, ces châles sensuels 6+6 a
40 Bariolés ainsi que de lourds cachemires, 6+6 b
Pourquoi nous avez-vous placés dans ces jardins 6+6 a
Où, l'esprit enfiévré de naïve puissance, 6+6 b
Ignorant votre immense et nonchalant dédain 6+6 a
Nous cherchons à goûter votre invisible essence ? 6+6 b
45 — Pauvres gladiateurs qui n'ont droit qu'à la mort, 6+6 a
La splendeur de l'espoir nous entraîne et nous broie ; 6+6 b
Quel but assignez-vous au courage, à l'effort, 6+6 a
Puisque l'homme n'est pas désigné pour la joie ? 6+6 b
Du haut de vos balcons, sur les divans des cieux, 6+6 a
50 Le bras traînant au bord des pompeuses nuées, 6+6 b
Vous regardez, Sultan d'Asie aux cheveux bleus, 6+6 a
La sombre armée humaine, avide et dénuée. 6+6 b
Vous savez que l'homme est l'esclave révolté, 6+6 a
Celui dont le désir a dépassé vos règles, 6+6 b
55 Et dont l'esprit, plus haut que la sérénité, 6+6 a
A le frémissement des prunelles de l'aigle. 6+6 b
Et vous vous détournez de son sublime orgueil : 6+6 a
Qu'il souffre, qu'il s'obstine ou défaille, qu'importe ? 6+6 b
Son passage ne fait pas d'ombre sur votre œil 6+6 a
60 Qu'enchantent des jets d'eau sous les arceaux des portes. 6+6 b
Vous dites : «Que me veut ce lutteur irrité, 6+6 a
Qui, par moi introduit dans la royale arène 6+6 b
Pour servir de spectacle à mon oisiveté, 6+6 a
Pense pouvoir fléchir ma langueur souveraine ? 6+6 b
65 Que les chaleurs, les eaux, les tigres des forêts 6+6 a
Le détruisent, qu'il aille en ces métamorphoses 6+6 b
Où toujours ma puissance invincible apparaît ; 6+6 a
Je ne distingue pas l'homme d'avec les choses…» 6+6 b
— Que vos jardins sont beaux, que vos vergers sont clairs, 6+6 a
70 Seigneur ! Père des flots, des saisons, des contrées ; 6+6 b
Des cymbales d'argent semblent frapper les airs, 6+6 a
Et soulèvent aux cieux des trombes azurées ! 6+6 b
Non, nous n'avions pas droit à vos soins vigilants, 6+6 a
Notre grandeur n'est pas le fruit d'or de votre œuvre ; 6+6 b
75 Vous nous aviez créés d'un cœur indifférent, 6+6 a
Comme le rossignol et la verte couleuvre. 6+6 b
Vous ne pouviez savoir que de vos frais matins, 6+6 a
De vos nuits, que les vents transportent d'allégresse, 6+6 b
Nous ferions, nous, rêveurs exigeants et hautains, 6+6 a
80 Le temple de notre âpre et frénétique ivresse ; 6+6 b
Que toujours désirant et jamais satisfaits, 6+6 a
Aux flèches du désir ajoutant le reproche, 6+6 b
Nous emplirions l'éther insensible et parfait, 6+6 a
D'un chant plus remuant que l'orage et les cloches ; 6+6 b
85 Que l'amour et la mort, dont vous aviez lié 6+6 a
Les mains, dans une sage et suave harmonie, 6+6 b
Seraient pour nous, héros toujours à l'agonie, 6+6 b
Le mystique portail avec ses deux piliers ; 6+6 a
Que nous appellerions amour, splendeur, désastre, 6+6 a
90 Ce qui n'est à vos yeux que la pente du sort. 6+6 b
Et qu'avec nos orgueils, nos défis, nos transports, 6+6 b
Nous viendrions,-Bouddha qui rêvez dans les astres, 6+6 a
Près de la lune, blanc lotus mort à demi, 6+6 c
Écoutant la musique éparse et frémissante 6+6 d
95 Que font les sphères d'or en leur course dansante,- 6+6 d
Troubler par nos sanglots votre rire endormi… 6+6 c
mètre profil métrique : 6−6
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