Métrique en Ligne
NOA_1/NOA10
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
I
LES PASSIONS
JE ME DÉFENDS DE TOI…
Je me défends de toi chaque fois que je veille, 6+6 a
J'interdis à mon vif regard, à mon oreille, 6+6 a
De visiter avec leur tumulte empressé 6+6 b
Ce cœur désordonné où tes yeux sont fixés. 6+6 b
5 J'erre hors de moi-même en négligeant la place 6+6 a
Où ton clair souvenir m'exalte et me terrasse. 6+6 a
Je refuse à ma vie un baume essentiel. 6+6 b
Je peux, pendant le jour, ne pas goûter au miel 6+6 b
Que ton rire et ta voix ont laissé dans mon âme, 6+6 a
10 Où la plaintive faim brusquement me réclame 6+6 a
— Mais la nuit je n'ai pas de force contre toi, 6+6 b
Mon sommeil est ouvert, sans portes et sans toit. 6+6 b
Tu m'envahis ainsi que le vent prend la plaine. 6+6 a
Tu viens par mon regard, ma bouche, mon haleine 6+6 a
15 Par tout l'intérieur et par tout le dehors. 6+6 b
Tu entres sans débats dans mon esprit qui dort. 6+6 b
Comme Ulysse, pieds nus, débarquait sur la grève ; 6+6 a
Et nous sommes tout seuls, enfermés dans mon rêve. 6+6 a
Nous avançons furtifs, confiants, hasardeux, 6+6 b
20 Dans un monde infini où l'on ne tient que deux. 6+6 b
Un mur prudent et fort nous sépare des hommes, 6+6 a
Rien d'humain ne pénètre aux doux lieux où nous sommes. 6+6 a
Les bonheurs, les malheurs n'ont plus de sens pour nous ; 6+6 b
Je recherche la mort en pressant tes genoux, 6+6 b
25 Tant mon amour a hâte et soif d'un sort extrême, 6+6 a
Et tu n'existes plus pour mon cœur, tant je t'aime ! 6+6 a
Mon vertige est scellé sur nous comme un tombeau. 6+6 b
— Ce terrible moment est si brûlant, si beau, 6+6 b
Que lorsque lentement l'aube teint ma fenêtre, 6+6 a
30 C'est en me réveillant que je crois cesser d'être 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
schéma : 15((aa))
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