Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
NOA_1/NOA107
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
III
LES ÉLÉVATIONS
ÉLÉVATION
Je n'ai rien accepté du séjour sur la terre, 6+6 a
Jamais le sort humain n'eut mon consentement ; 6+6 b
J'ai langui, j'ai bondi, nomade et solitaire, 6+6 a
Des paradis de joie aux enfers du tourment. 6+6 b
5 La vie en me touchant a décuplé sa force : 6+6 a
Pour mieux combler mon âme et creuser mon émoi, 6+6 b
L'espace, les soleils, les pays, les écorces 6+6 a
Se joignaient à mon corps et brûlaient avec moi ! 6+6 b
Enfant, j'ai dési le sort, l'amour, la vie 6+6 a
10 Avec l'arrachement des fleuves vers la mer ; 6+6 b
Je me retourne encor, étonnée et ravie, 6+6 a
Vers l'image que j'eus d'un si tendre univers : 6+6 b
Que les jours se levaient splendides dans ma joie ! 6+6 a
Quel torrent ascendant de mon cœur vers les cieux ! 6+6 b
15 Mais l'orchestre s'est tu ; la brume qui me noie 6+6 a
M'entraîne mollement aux lieux silencieux. 6+6 b
J'ai la séréni d'être sans espérance, 6+6 a
Je ne souhaite rien, j'ai pris congé de moi ; 6+6 b
Ma force, mes désirs, mes regrets, ma souffrance 6+6 a
20 Ont fui comme le temps laisse tomber les mois. 6+6 b
Mon cœur libre est ouvert à tout écho sublime, 6+6 a
Les fiers chevaux du Cid y font sonner leurs pas ; 6+6 b
J'étends, les yeux penchés au-dessus des abîmes, 6+6 a
Une main qui pardonne et l'autre qui combat. 6+6 b
25 Je sais que l'héroïsme est la suprême ivresse, 6+6 a
Le mont où retentit la trompette d'argent, 6+6 b
Mais plus le bond est haut, plus sûrement il blesse : 6+6 a
Les esprits éblouis sont les plus indigents. 6+6 b
Je vois bien que tout fleuve orgueilleux a sa rive, 6+6 c
30 Que tout a sa mesure et son empêchement, 6+6 b
La chance aux yeux divins, rapidement nous prive, 6+6 c
Et quand le sombre amour a pitié, c'est qu'il ment. 6+6 b
Je ne demande pas à l'énigme du monde 6+6 a
Quel dieu favorisait puis délaissait mon cœur, 6+6 b
35 Ni quel fleuve d'amour, en détournant ses ondes, 6+6 a
A déposé chez moi ce limon de langueur ! 6+6 b
Hélas ! que tout nous fuit ! Comme tout nous rejette ! 6+6 a
Comme tout aboutit à ce hideux repos 6+6 b
Qui de la terre fait un immense squelette 6+6 a
40 Où les foules sans nombre ont aligné leurs os ! 6+6 b
— Et maintenant, debout comme les astronomes 6+6 a
Dans les limpides nuits d'Agra et de Philæ, 6+6 b
Je contemple, au-dessus des mondes et des hommes, 6+6 a
Les signes infinis de mon cœur étoilé !… 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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