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NER_3/NER23
Gérard de NERVAL
ÉLÉGIES NATIONALES ET SATIRES POLITIQUES
1826
POÉSIES DIVERSES
Talma
Oh ! De quelle splendeur brillaient nos jours passés, 6+6 a
Quand un autre soleil échauffait la patrie ; 6+6 b
Quand nos jeunes lauriers, vers le ciel élancés, 6+6 a
Agitaient noblement leur tige refleurie ! 6+6 b
5 Ces grands jours, déjà loin, ne vont plus s’éveiller : 6+6 a
Notre avenir se décolore, 8 b
Et le siècle prodigue a jeté dès l’aurore 6+6 b
Tout l’éclat dont il dut briller. 8 a
Sur un rocher désert notre grand capitaine 6+6 a
10 Du poids de ses malheurs se sentit accablé ; 6+6 b
Et comme lui, plus tard, une plage lointaine 6+6 a
Dévora David exilé ! 8 b
Que de gloire, que d’espérance 8 a
On voit s’éteindre chaque jour ! 8 b
15 De la couronne de la France 8 a
Que de fleurs tombent sans retour ! 8 b
Que de mortels de qui l’aurore 8 a
Rayonna d’immortalité, 8 b
Et dont ce siècle, jeune encore, 8 a
20 Est déjà la postérité ! 8 b
Un regret plus profond nous a frappés naguère ; 6+6 a
Le modèle du citoyen, 8 b
De notre liberté le plus digne soutien, 6+6 b
Est descendu dans la poussière ! — 8 a
25 Mais encore une fois le sol s’est divisé : 6+6 a
C’est une autre fosse qu’on ouvre ; 8 b
Près de la terre qui le couvre, 8 b
Un nouveau tombeau s’est creusé ! 8 a
Qu’attend-il ? Quelle autre victime 8 a
30 Doit y descendre cette fois ? — 8 b
C’est cet interprète sublime 8 a
Qui fit souvent parler les rois : 8 b
À sa vue, à ses traits, vers les jours d’un autre âge, 6+6 a
L’homme se croyait transporté, 8 b
35 Et dans sa voix, dans son visage, 8 a
Vivait toute l’antiquité. 8 b
Héros de la Grèce et de Rome, 8 a
O vous, l’honneur des temps passés, 8 b
Vous tombez avec le grand homme 8 a
40 Qui vous a si bien retracés. 8 b
Il meurt, ce flambeau de la scène 8 a
Que long-temps son souffle anima : 8 b
Pleurez, amans de Melpomène, 8 a
Pleurez TALMA ! Pleurez TALMA ! 8 b
45 Ah ! chargez de lauriers la terre enorgueillie : 6+6 a
Des lauriers, des lauriers encor ! 8 b
Français, la gloire et le génie 8 a
Perdent un bien riche trésor ! 8 b
Qui pourra jamais rendre une telle espérance 6+6 a
50 Aux arts surpris et triomphans ? 8 b
Il faut des siècles à la France 8 a
Pour produire de tels enfans. 8 b
Nous ne l’entendrons plus ! — Cet organe sublime 6+6 a
Qui fit si bien parler le courage et le crime, 6+6 a
55 Et pénétra nos cœurs de sentimens si beaux, 6+6 a
S’est éteint pour jamais dans la nuit des tombeaux ! 6+6 a
Nous ne le verrons plus ! — C’est en vain qu’au théâtre, 6+6 a
Qu’il remplit si souvent d’une foule idolâtre, 6+6 a
Nous chercherons ce port si plein de majesté, 6+6 a
60 Cette toge où vivait un air d’antiquité, 6+6 a
Cet œil étincelant d’une si noble flamme, 6+6 a
Ces traits pleins d’énergie, où s’imprimait son âme, 6+6 a
Cet organe brûlant, tant de fois entendu, 6+6 a
Qui trnait après soi notre esprit suspendu… 6+6 a
65 Plus de TALMA ! — La scène, à tous les yeux déserte, 6+6 a
D’inutiles acteurs en vain sera couverte ; 6+6 a
En vain d’attraits nouveaux on voudra l’embellir… 6+6 a
Un vide y restera… qui ne peut se remplir. 6+6 a
Écoutez ! Écoutez ! Je crois entendre encore 6+6 a
70 Les sublimes accens de cette voix sonore : 6+6 a
Ici Brutus, aux yeux du public transporté, 6+6 a
Parle de la patrie et de la liberté ; 6+6 a
Germanicus trahi périt avec courage, 6+6 a
Et Régulus s’écrie : A Carthage ! A Carthage ! 6+6 a
75 Marius et Sylla rappellent par leurs traits ! 6+6 a
Ceux d’un héros plus grand cher encore aux Français ; 6+6 a
Marius indigné contre Rome conspire, 6+6 a
Et César perd la vie en acceptant l’empire. 6+6 a
D’Othello, d’Orosmane, objets de nos terreurs, 6+6 a
80 Qu’il représente bien les jalouses fureurs ! 6+6 a
Que de rage dans leur sourire ! 8 a
Au fils d’Agamemnon qu’il prête en son délire 6+6 a
Une étonnante vérité ! 8 a
Rien de lui-même en lui ne reste, 8 b
85 Ce n’est PLUS TALMA…, c’est Oreste…, 8 b
C’est Oreste ressuscité ! 8 a
Et le voilà ! — Pour lui la tombe s’est ouverte : 6+6 a
La France maintenant peut mesurer sa perte ! 6+6 a
Elle voit son cercueil pour la dernière fois : 6+6 a
90 Où le placera-t-on ? Quelle noble demeure 6+6 b
Garde-t-on pour celui sur qui la France pleure ? 6+6 b
Va t-il, comme Garrick, dans le tombeau des rois ? 6+6 a
— Non ! le grand homme qui succombe 8 a
Est, dit-on, digne de l’enfer ; 8 b
95 L’Éternel le réprouve, et l’Église à sa tombe 6+6 a
Refusera ses pleurs qui se vendent si cher. 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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