Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
NER_3/NER18
Gérard de NERVAL
ÉLÉGIES NATIONALES ET SATIRES POLITIQUES
1826
ÉLÉGIES NATIONALES
Prologue
Je ne suis plus enfant : trop lents pour mon envie, 6+6 a
Déjà dix-sept printemps ont passé dans ma vie : 6+6 a
Je possède une lyre, et cependant mes mains 6+6 b
N’en tirent dès long-temps que des sons incertains. 6+6 b
5 Oh ! quand viendra le jour où, libre de sa chaîne, 6+6 c
Mon cœur ne verra plus la gloire, son amour, 6+6 d
Aux songes de la nuit se montrer incertaine, 6+6 c
Pour s’enfuir comme une ombre aux premiers feux du jour. 6+6 d
*
J’étais bien jeune encor, quand la France abattue 6+6 a
10 Vit de son propre sang ses lauriers se couvrir ; 6+6 b
Deux fois de son héros la main lasse et vaincue 6+6 a
Avait brisé le sceptre, en voulant le saisir. 6+6 b
Ces maux sont déjà loin : cependant sous des chaînes 6+6 c
Nous pleurâmes long-temps notre honneur outragé ; 6+6 d
15 L’empreinte en est restée, et l’on voit dans nos plaines 6+6 c
Un sans qui fume encor…, et qui n’est pas vengé ! 6+6 d
*
Ces tableaux de splendeur, ces souvenirs sublimes, 6+6 a
J’ai vu des jours fatals en rouler les débris, 6+6 b
Dans leur course sanglante entraîner des victimes, 6+6 a
20 Et de flots d’étrangers inonder mon pays. 6+6 b
Je suis resté muet ; car la voix d’un génie 6+6 c
Ne m’avait pas encor inspiré des concerts ; 6+6 d
Mon âme de la lyre ignorait l’harmonie, 6+6 c
Et ses plaisirs si doux, et ses chagrins amers. 6+6 d
*
25 Ne reprochez donc pas à mes chants, à mes larmes 6+6 a
De descendre trop tard sur des débris glacés, 6+6 b
De ramener les cœurs à d’illustres alarmes, 6+6 a
Et d’appeler des jours déjà presque effacés : 6+6 b
Car la source des pleurs en moi n’est point tarie, 6+6 c
30 Car mon premier accord dut être à la patrie ; 6+6 c
Heureux si je pouvais exprimer par mes vers 6+6 d
La fierté qui m’anime, en songeant à ses gloires, 6+6 e
Le plaisir que je sens, en chantant ses victoires, 6+6 e
La douleur que j’éprouve, en pleurant ses revers ! 6+6 d
*
35 Oui, j’aime mon pays : dès ma plus tendre enfance, 6+6 a
Je chérissais déjà la splendeur de la France ; 6+6 a
De nos aigles vainqueurs j’admirais les soutiens ; 6+6 b
De loin, j’applaudissais à leur marche éclatante, 6+6 c
Et ma voix épelait la page triomphante 6+6 c
40 Qui contait leurs exploits à mes concitoyens. 6+6 b
*
Mais bientôt, aigle, empire, on vit tout disparaître 6+6 a
Ces temps ne vivent plus que dans le souvenir ; 6+6 b
L’histoire seule un jour, trop faiblement peut-être, 6+6 a
En dira la merveille aux siècles à venir. 6+6 b
45 C’est alors qu’on verra dans ses lignes sanglantes 6+6 c
Les actions des preux s’éveiller rayonnantes…. 6+6 c
Puis des tableaux de mort les suivront, et nos fils 6+6 d
Voyant tant de lauriers flétris par des esclaves, 6+6 e
Demanderont comment tous ces bras avilis 6+6 d
50 Purent en un seul jour dompter des cœurs si braves ? 6+6 e
*
Oh ! si la lyre encor a des accens nouveaux, 6+6 a
Si sa mâle harmonie appartient à l’histoire, 6+6 b
Consacrons-en les sons à célébrer la gloire, 6+6 b
A déplorer le sort fatal à nos héros ! 6+6 a
55 Qu’ils y puissent revivre, et si la terre avide 6+6 c
Donna seule à leurs corps une couche livide, 6+6 c
Élevons un trophée où manquent des tombeaux ! 6+6 a
*
Oui, malgré la douleur que sa mémoire inspire, 6+6 a
Et malgré tourtes maux dont son cours fut rempli, 6+6 b
60 Ce temps seul peut encor animer une lyre : 6+6 a
L’aigle était renversé, mais non pas avili ; 6+6 b
Alors, du sort jaloux s’il succombait victime, 6+6 c
Le brave à la victoire égalait son trépas, 6+6 d
Quand, foudroyé d’en haut, suspendu sur l’abîme, 6+6 c
65 Son front mort s’inclinait,… et ne s’abaissait pas ! 6+6 d
*
Depuis, que rien de grand ne passe, ou ne s’apprête, 6+6 a
Que la gloire a fait place à des jours plus obscurs, 6+6 b
Qui pourrait désormais inspirer le poète, 6+6 a
Et lui prêter des chants dignes des temps futurs ? 6+6 b
70 Tout a changé depuis : ô France infortunée ! 6+6 c
Ton orgueil est passé, ton courage abattu ! 6+6 d
De tes anciens guerriers la vie abandonnée 6+6 c
S’épuise sans combats, et languit sans vertu ! 6+6 d
Sur ton sort malheureux c’est en vain qu’on soupire, 6+6 e
75 On fait à tes enfans un crime de leurs pleurs, 6+6 f
Et le pâle flambeau qui conduit aux honneurs 6+6 f
S’allume à ce bûcher, où la patrie expire. 6+6 e
*
Oh ! si le vers craintif de ma plume sorti, 6+6 a
Ou si l’expression qu’en tremblant j’ai tracée, 6+6 b
80 Osaient, indépendans, répondre à ma pensée, 6+6 b
Et palpiter du feu qu’en moi j’ai ressenti,… 6+6 a
Combien je serais fier de démasquer le crime, 6+6 c
Dont grandit chaque jour le pouvoir colossal, 6+6 d
Et, vengeant la patrie outragée et victime, 6+6 c
85 D’affronter nos Séjans sur leur char triomphal ! 6+6 d
Mais on dit que bientôt, à leur voix étouffée, 6+6 e
Ma faible muse, hélas ! s’éteindra pour toujours, 6+6 f
Et que mon luth brisé grossira le trophée 6+6 e
Dressé par la bassesse aux idoles des cours… 6+6 f
*
90 Qu’avant ce jour en cor sous mes doigts il s’anime ! 6+6 a
Qu’il aille, frémissant d’un accord plus sublime, 6+6 a
Dans les cœurs des Français un instant réchauffer 6+6 b
Cette voix de l’honneur, trop long-temps endormie, 6+6 c
Que, dociles aux vœux d’une ligue ennemie, 6+6 c
95 L’intérêt ou la crainte y voudraient étouffer ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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