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Gérard de NERVAL
ÉLÉGIES NATIONALES ET SATIRES POLITIQUES
1826
ÉLÉGIES NATIONALES
À Béranger
De mes rêves brillans douce et frêle espérance, 6+6 a
Ces chants, que produisit un trop rare loisir, 6+6 b
C’est au poète de la France, 8 a
C’est à toi, Béranger, que j’ose les offrir ! 6+6 b
5 J’aurais pu, leur donnant un essor moins rapide, 6+6 a
Les rendre plus dignes de toi ; 8 b
Mais ma Muse a pâli d’effroi 8 b
Devant vin avenir perfide. 8 a
Pourtant, daigne sourire à ses faibles essais ! 6+6 a
10 Par leur patriotisme ils te plairont peut-être, 6+6 b
Et puissent-ils en moi te faire reconnaître 6+6 b
Sinon un bon poète, au moins un bon Français ! 6+6 a
Je le suis, car tes vers plurent à mon enfance, 6+6 a
Car je chéris tes chants nobles ou gracieux, 6+6 b
15 Car je sens se mouiller mes yeux, 8 b
Quand ils nous parlent de la France. 8 a
*
Épouvanté de ses revers, 8 a
Mais animé par ses victoires, 8 b
C’est à ses malheurs, à ses gloires, 8 b
20 Que j’ai voué mes premiers vers. 8 a
Plus de succès peut-être attendaient ma jeunesse, 6+6 a
Si leur vol moins audacieux 8 b
Eût su flatter de sa bassesse 8 a
D’autres autels et d’autres dieux ; 8 b
25 Mais, à ton idole chérie, 8 a
Ma Muse a consacré ses jours : 8 b
Un sourire de la Patrie 8 a
Vaut mieux que la faveur des Cours. 8 b
*
Qu’ils partent, je les abandonne, 8 a
30 Ces vers, poétiques enfans, 8 b
Soit qu’on leur garde une couronne 8 a
Ou qu’on enchaîne leurs, accens ; 8 b
Car déjà l’horizon menace, 8 c
Et le but désiré s’efface 8 c
35 Parmi des nuages sanglans ! 8 b
*
Qui les amoncela ? Quel effrayant murmure 6+6 a
A répandu l’effroi dans nos murs attristés ? 6+6 b
Quel monstre osa flétrir de soi ; haleine impure 6+6 a
L’espoir de la patrie et de nos libertés ? 6+6 b
40 Ah ! déjà ton courage a connu sa puissance, 6+6 a
Et sa fureur, plus d’une fois, 8 b
A su livrer ton innocence 8 a
Aux fers dont on pare les lois. 8 b
*
Mais que dis-je ? Ces fers, ils m’attendent peut-être, 6+6 a
45 Car le monstre odieux nous a tous menacés : 6+6 b
Le disciple comme le maître 8 a
Se verront réunis dans ses liens glacés ; 6+6 b
Il suffit, pour s’en rendre digne, 8 a
D’aimer la patrie et ses droits, 8 b
50 Et sa lâche fureur étouffera la voix 6+6 b
Du faible passereau, comme celle du cigne. 6+6 a
*
Pour mon noble pays, dont il voudrait ternir 6+6 a
La liberté, les lois, l’histoire, 8 b
J’avais conçu pourtant un plus doux avenir ; 6+6 a
55 Mon espoir quelquefois y répandit la gloire, 6+6 b
Et crut y découvrir ces tableaux de victoire, 6+6 b
Dont la morte splendeur n’est plus qu’un souvenir ; 6+6 a
Mais, plus tard, j’écartai cette image flatteuse, 6+6 a
Et, modeste en mes vœux, que je plaçai plus bas, 6+6 b
60 Je rêvai seulement (que ne rêve-t-on pas ?) 6+6 b
Que la France était libre, et qu’elle était heureuse. 6+6 a
*
Était-ce trop ? — Hélas ! j’oubliais ses malheurs, 6+6 a
J'oubliais cette ligue à sa perte archarnée, 6+6 b
Qui voudrait, à son char la sentant enchaînée, 6+6 b
65 Triompher de sa chute, et rire de ses pleurs ; 6+6 a
Puis, sous un joug honteux, avilie, haletante, 6+6 a
Veuve de ses honneurs pour jamais effacés, 6+6 b
L’ensevelir toute expirante 8 a
Dans la poudre des temps passés. 8 b
*
70 Étranger, à l’aspect de la France épuisée, 6+6 a
Alors tu gémirais sur ta lyre brisée, 6+6 a
Et, comme le pouvoir ne peut te pardonner, 6+6 a
Il ne resterait dans nos villes 8 b
Que des serfs, pour te plaindre en regrets inutiles, 6+6 b
75 Et des tyrans pour t’enchaîner ! 8 a
*
Avant ce temps cruel, dont j’aperçois l’aurore, 6+6 a
Avant que notre voix ne t’implore qu’en vain, 6+6 b
Des chants, ô poète divin ! 8 b
La France t’en demande encore ! 8 a
80 Ce noir présage alors fuira loin de nos cœurs, 6+6 a
Bercés dans un songe de gloire ; 8 b
Ainsi qu’aux temps passés, nous nous croirons vainqueurs, 6+6 a
Et pour un avenir nous prendrons leur mémoire. 6+6 b
*
Mais non, craignons plutôt d’endormir nos esprits 6+6 a
85 Sur les dangers qui nous menacent : 8 b
Que d’autres images se placent 8 b
Dans tes énergiques écrits ! 8 a
Que devant nous, surpris en sa marche perfide, 6+6 a
Le crime comparaisse, hypocrite et livide ; 6+6 a
90 Qu’à l’aspect effrayant de ses sombres projets, 6+6 a
Dans tous les cœurs vraiment français 8 a
Le patriotisme s’éveille ! 8 a
Qu’on s’écrie : Il est temps ! Il est temps ! Et, tout bas, 6+6 b
Que la voix du sergent murmure à notre oreille 6+6 a
95 Ces mots : Dieu, mes enfans, vous donne un beau trépas ! 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
forme globale type : suite de strophes
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