Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
NER_2/NER14
Gérard de NERVAL
NAPOLÉON ET LA FRANCE GUERRIÈRE
1826
Waterloo
Pleure, Napoléon, ton pouvoir expirant, 6+6 a
Sous d’indignes revers ta gloire est étouffée ; 6+6 b
Qu’en est-il revenu, de ton pompeux trophée ? — 6+6 b
Le char brisé du conquérant !! 8 a
5 L’étranger va fouler ta dépouille mortelle, 6+6 a
Tes amis d’autrefois viennent de te trahir ; 6+6 b
Tu tombes : et déjà sur leurs lèvres cruelles, 6+6 a
Un sourire de sang vient de s’épanouir. 6+6 b
C’est en vain qu’au Destin tu résistes encore, 6+6 a
10 Ta grandeur a passé comme un vain météore, 6+6 a
Comme un son qui dans l’air a long-temps éclaté : — 6+6 a
Peut-être que ce bruit d’une puissance humaine 6+6 b
À frappé les échos de la rive lointaine 6+6 b
Mais les vents ont tout emporté ! 8 a
15 Qu’entends-tu dans les camps ? C’est le bronze qui tonne : 6+6 a
Mais ton oreille est faite à ce bruit monotone ; 6+6 a
« Je crains peu, disais-tu du haut de ton pouvoir, 6+6 a
« Ces rois paralysés cherchant à se mouvoir, 6+6 a
« Esclaves révoltés, que mon regard farouche, 6+6 b
20 « Qu’un signe de ma main, ou qu’un mot de ma bouche 6+6 b
« Fera rentrer dans le devoir. » ! 8 a
Quand tu vis ce torrent, grossi par la tempête, 6+6 a
Si long-temps refoulé, refluer sur ta tête, 6+6 a
Le dépit éclata dans ton œil irrité : 6+6 a
25 Arrête ! as-tu crié : Mais toujours il s’avance ; 6+6 b
Hélas ! ange déchu, pour toi plus d’espérance, 6+6 b
Il est vrai que d’un Dieu tu gardes la fierté 6+6 a
Mais tu n’en as plus la puissance. 8 b
*
Nos guerriers, où sont-ils ? O tableaux déchirans ! 6+6 a
30 Les voilà, renversés sur la terre flétrie, 6+6 b
Sanglans, criblés de coups, abattus, expirans… 6+6 a
Mais expirans pour la patrie ! 8 b
Adieu notre avenir, nos succès, notre orgueil ! 6+6 a
Waterlô, Mont-Saint-Jean, nos légions mourantes 6+6 b
35 Ont jeté leurs débris dans vos plaines sanglantes ; 6+6 b
Pourtant aucuns tombeaux élevés par le deuil, 6+6 a
N’y protègent leurs os, que le vent des montagnes 6+6 a
Enlève dans sa course, et rejette aux campagnes ; 6+6 a
Ils n’ont pas revêtu le funèbre linceul. 6+6 a
40 Quoi, ces fiers conquérans, que la mort seule arrête, 6+6 b
Ces preux, qui de l’Europe avaient fait la conquête, 6+6 b
N’ont pu conquérir un cercueil !… 8 a
Un cercueil, des flambeaux, et des chants funéraires, 6+6 a
Gardez cet appareil pour les mortels vulgaires ; 6+6 a
45 Aux pompes des humains ils ne demandent rien… 6+6 a
Mais la postérité gardera leur mémoire, 6+6 b
Et les échos des temps promèneront leur gloire 6+6 b
Dans les climats les plus lointains. 8 a
*
Portons, portons encor les yeux sur cette plaine, 6+6 a
50 Admirons cette ardeur, ce noble empressement 6+6 b
De courir, de voler vers une mort certaine : 6+6 a
Arrêtez !… Mais l’honneur à la mort les enchaîne, 6+6 a
Tous, d’un commun accord, ont juré noblement 6+6 b
De vaincre ou de mourir pour la cause commune ; 6+6 c
55 Ils n’ont pu triompher de l’ingrate fortune,… 6+6 c
Et le trépas acquitte leur serment ! 4+6 b
Écoutez les foudres brûlantes, 8 a
De tant de peuples assemblés ; 8 b
Voyez, dans ces plaines sanglantes, 8 a
60 Nos preux, sous le nombre accablés : 8 b
Admirez-les ; leur troupe altière 8 a
Combat contre l’Europe entière, 8 a
Contre les destins irrités : 8 a
Gloire au Dieu qui leur donna l’être, 8 b
65 Gloire au pays qui les vit naître, 8 b
Gloire aux seins qui les ont portés ! 8 a
Tandis que les races mortelles 8 a
S’engloutissant dans l’avenir, 8 b
Passent aux ombres éternelles, 8 a
70 Sans laisser même un souvenir ; 8 b
Leur gloire, sans cesse croissante, 8 a
Luira, toujours plus imposante, 8 a
Aux yeux de la postérité. 8 a
O fortune digne d’envie ! 8 b
75 L’avenir, au prix de leur vie, 8 b
Leur donne l’immortalité ! 8 a
On croit entendre encor ce cri mâle et sublime, 6+6 a
Cette voix de leurs cœurs, cet accent unanime, 6+6 a
Que nos preux répétaient en volant au trépas : 6+6 a
80 Quand, tout couverts de sang, et lassés d’en répandre, 6+6 b
Les ennemis surpris, les pressaient de se rendre : 6+6 b
La garde, ont-ils crié, meurt et ne se rend pas ! 6+6 a
Ce cri, que répétaient nos guerriers intrépides, 6+6 a
Couvrit d’abord le bruit des foudres homicides, 6+6 a
85 Mais bientôt il expire en murmure confus ; 6+6 a
C’est le dernier éclat d’un feu qui s’évapore, 6+6 b
Le dernier tintement d’un son sublime encore, 6+6 b
Que bientôt on n’entendra plus ! 8 a
Le son s’éteint et meurt ; mais l’écho s’en empare, 6+6 a
90 Et le porte aux autres échos ; 8 b
Il annonce partout que le destin barbare 6+6 a
Dans la nuit ou cercueil a plongé nos héros : 6+6 b
On pleure, on gémit, on soupire, 8 a
Le deuil plane sur les Français ; 8 b
95 Et l’étranger lui-même admire, 8 a
Et rougit un moment de son lâche succès. 6+6 b
*
Ils sont morts ! Les voilà ! Sur leurs yeux intrépides, 6+6 a
Un tranquille sommeil a semblé s’épancher, 6+6 b
Le calme règne encor sur leurs faces livides : 6+6 a
100 Qu’avaient-ils à se reprocher ? 8 b
Le soin d’une juste défense 8 a
Avait pu seul armer leurs bras, 8 b
C’est pour leur chef, c’est pour la France, 8 a
Qu’ils avaient reçu le trépas ; 8 b
105 Leur gloire n’était point flétrie, 8 a
Ils expiraient dans leurs foyers, 8 b
Et la terre de la patrie 8 a
Ensevelissait ses guerriers. 8 b
L’esprit qu’effraie un tel carnage, 8 a
110 Se plonge avec horreur dans ce champ de la mort, 6+6 b
Il ne voit que sujets d’admirer leur courage, 6+6 a
Et de gémir des coups du sort. 8 b
Chaque sillon qui s’entr’ouvre 7 a
Aux regards offre et découvre 7 a
115 Les restes froids des héros : 7 a
Un pompeux monument ne charge pas leurs os, 6+6 a
Mais chacun d’eux, mourant sur ce sol funéraire. 6+6 a
D’un amas d’ennemis eut soin de le couvrir : 6+6 b
C’est dans cette couche guerrière 8 a
120 Qu’il rendit le dernier soupir. 8 b
mètre profils métriques : 8, 7, 6+6, (4+6)
logo du CRISCO logo de l'université