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NER_2/NER13
Gérard de NERVAL
NAPOLÉON ET LA FRANCE GUERRIÈRE
1826
La Russie
Bruit, chimères, grandeurs, éclat, tout a cessé !… 6+6 a
Porterons-nous encor les yeux vers la victoire ? 6+6 b
Vers ce passé fameux, chargé de tant de gloire ?… 6+6 b
Un revers a tout effacé ! 8 a
5 Cependant, c’est au bruit de nos mâles courages, 6+6 a
Que s’étaient élancés avec notre laurier, 6+6 b
Ces cris d’étonnement, ces cris d’un âge entier, 6+6 b
Qui retentiront dans les âges. 8 a
Invincible au milieu de ses braves Français, 6+6 a
10 Et n’étant point encore instruit par les défaites, 6+6 b
Bonaparte, éga par de trop longs succès, 6+6 a
Avait fixé les yeux sur l’astre des conquêtes : 6+6 b
Il crut qu’il le suivrait dans le plus froid climat, 6+6 a
Et son œil aveuglé d’un trop brillant éclat, 6+6 a
15 Au milieu des brouillards cherchait le météore, 6+6 b
Et dans un ciel désert croyait le voir encore. 6+6 b
Mais il ne vit plus rien, que l’horreur et la mort, 6+6 a
Rien, que l’aridi d’une terre glae, 6+6 b
Il n’entendit plus rien, que le souffle du Nord, 6+6 a
20 Chassant le dernier son de sa grandeur passée. 6+6 b
S’il veut autour de lui promener ses regards. 6+6 a
Que voit-il ? Les débris de son immense armée, 6+6 b
Des squelettes hideux, errans de toutes parts, 6+6 a
Naguère les appuis de tant de renommée ! 6+6 b
25 Des torrens, des rochers, un ciel toujours couvert, 6+6 a
Qu’un seul reflet du jour dans le lointain colore, 6+6 b
Et les feux de Moscou, qui promènent encore 6+6 b
Leurs funestes clartés sur ce vaste désert. 6+6 a
Alors il réfléchit ; sa pensée incertaine 6+6 a
30 Rappelle du passé le brillant souvenir ; 6+6 b
Et le passé n’est plus qu’une image lointaine 6+6 a
Qui s’abîme dans l’avenir ! 8 b
Souvent son œil voudrait en sonder le mystère, 6+6 a
Il croit voir à sa mort l’avenir trop sévère 6+6 a
35 Lui désigner un rang 6 b
Parmi ces insensés, avides de carnage, 6+6 c
Dont rien dans l’univers ne marque le passage, 6+6 c
Qu’une trace de sang. 6 b
Qu’il tremble, encor vivant, il est mort pour la gloire ; 6+6 a
40 C’est en vain qu’il voudra rappeler la victoire, 6+6 a
Son bonheur est passé : 6 b
Du ciel qu ?elle habita sa grandeur qui s’efface, 6+6 c
Déjà sur l’horizon ne laissant plus de trace, 6+6 c
Semble un astre éclipsé. 6 b
45 Des glaces, des déserts, voilà donc le domaine, 6+6 a
L’empire que, parti d’une terre lointaine, 6+6 a
Il venait conquérir, 6 b
Partout ces monts glacés repoussent l’espérance ; 6+6 c
Là va bientôt régner un éternel silence, 6+6 c
50 C’est là qu’il faut mourir ! 6 b
Il croit, en ce moment voir la France abattue, 6+6 a
Par ceux qu’elle vainquit en un instant vaincue, 6+6 a
Pleurer son seul appui ; 6 b
Encor s’il mourait seul, mais cette armée immense, 6+6 c
55 Ces nombreux combattans, qu’il redoit à la France, 6+6 c
Vont périr avec lui : 6 b
Quel supplice cruel ! victorieux encore, 6+6 a
Des plus nobles lauriers quand leur front se décore, 6+6 a
Ils mourront sans combats : 6 b
60 Ils cherchent l’ennemi, l’ennemi les évite, 6+6 c
Revient, fuit tour-à-tour, et lance dans sa fuite 6+6 c
Un perfide trépas. 6 b
Que craint-il cependant ? Dans là neige profonde, 6+6 a
Il voit ces légions, l’épouvante du monde, 6+6 a
65 S’entasser par monceaux, 6 b
Les vivans appuyés sur leurs armes muettes, 6+6 c
Se trner lentement, comme d’affreux squelettes 6+6 c
Échappés des tombeaux. 6 b
Naguère on vit marcher cette superbe armée, 6+6 a
70 Comme un fleuve dévastateur, 8 b
Sur le front abaissé de l’Europe alarmée, 6+6 a
Passa son flot dominateur : 8 b
Rien encor de son onde avide 8 c
N’avait pu réprimer l’effort, 8 d
75 Mais enfin la glace du Nord 8 d
Enchaîna ce torrent rapide. 8 c
Au lieu des légions dont le vaste appareil 6+6 a
D’un peuple de héros annonçait le réveil, 6+6 a
C’est un amas confus qui s’appauvrit sans cesse, 6+6 a
80 Des bataillons sans chefs, des chefs sans bataillons, 6+6 b
Cachant leur pauvre sous de riches haillons , 6+6 b
Et dont le dénûment accuse la faiblesse. 6+6 a
Qui peut donc effrayer leurs farouches rivaux ? 6+6 a
Est-ce le noble éclat de trente ans de victoire, 6+6 b
85 Qui, même au milieu de leurs maux, 8 a
Semble les couronner d’un long rayon de gloire ? 6+6 b
Les ennemis, fuyant leurs débiles vainqueurs, 6+6 a
Semblent en redouter la guerrière attitude, 6+6 b
Toujours de la défaite une longue habitude, 6+6 b
90 Comme un vieux préjugé, règne encor dans leurs cœurs. 6+6 a
Cependant, c’est le sort qui livre à leur vengeance 6+6 a
De ces fiers conquérans la farouche arrogance ; 6+6 a
Quelle honte pour eux, s’ils laissent en repos 6+6 b
Ces cadavres hideux sortir de leurs tombeaux !… 6+6 b
95 Ils donnent le signal, et la mort se déploie, 6+6 a
S’arrête sur les monts, prête à saisir sa proie ; 6+6 a
Elle part, renversant des bataillons entiers, 6+6 a
Fait pleuvoir son courroux au milieu des guerriers, 6+6 a
Dont les corps mutilés roulent dans les abîmes, 6+6 b
100 Et semble s’acharner sur ses tristes victimes. 6+6 b
Partout c’est l’ennemi, partout c’est le trépas ; 6+6 a
Comme d’affreux volcans, ces roches menaçantes 6+6 b
Vomissent sur nos preux des flammes dévorantes, 6+6 b
Et se couronnent de soldats : 8 a
105 Mais ce spectacle encor ranime leur vaillance ; 6+6 c
Vers ces rochers en feu leur foule qui s’élance 6+6 c
N’attend point le trépas, mais veut l’aller chercher, 6+6 d
Et bientôt roule terrassée, 8 e
Comme la vague au loin vers les cieux élane, 6+6 e
110 Qui retombe au pied du rocher. 8 d
Mais, ô valeur sublime, et qu’on ne pourra croire ! 6+6 a
Ces mourans décharnés, sans armes, abattus, 6+6 b
Par le froid, par la faim, tour-à-tour combattus, 6+6 b
Partout sur leurs rivaux remportent la victoire : 6+6 a
115 Montrant que le Destin, sur de nobles vainqueurs ; 6+6 c
Aux lâches quelquefois peut donner l’avantage ; 6+6 d
Mais que souvent, malgré le sort et le malheur, 6+6 c
La force ne peut rien où règne le courage. 6+6 d
Cependant, s’arrachant à tant de maux soufferts, 6+6 a
120 Entrnant les débris de sa débile armée, 6+6 b
Le chef des nations quitte ces froids déserts, 6+6 a
Tel qu’un feu qui s’éteint en traversant les airs, 6+6 a
Et laisse dans sa course un long trait de fue. 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6, 6+6
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