Métrique en Ligne
MUS_4/MUS145
Alfred de MUSSET
POÉSIES POSTHUMES
1824-1857
A Aimée d’Alton
Stances
Je méditais, courbé sur un volume antique, 6+6 a
Les dogmes de Platon et les lois du Portique. 6+6 a
Je voulus de la vie essayer le fardeau. 6+6 b
Aussi bien, j’étais las des loisirs de l’enfance, 6+6 c
5 Et j’entrai, sur les pas de la belle espérance, 6+6 c
Dans ce monde nouveau. 6 b
Souvent on m’avait dit : « Que ton âge a de charmes ! 6+6 a
Tes yeux, heureux enfant, n’ont point d’amères larmes, 6+6 a
Seule la volupté peut t’arracher des pleurs. » 6+6 b
10 Et je disais aussi : « Que la jeunesse est belle ! 6+6 c
Tout rit à ses regards ; tous les chemins, pour elle, 6+6 c
Sont parsemés de fleurs ! » 6 b
Cependant, comme moi tout brillants de jeunesse, 6+6 a
Des convives chantaient, pleins d’une douce ivresse ; 6+6 a
15 Je leur tendis la main, en m’avançant vers eux : 6+6 b
« Amis, n’aurai-je pas une place à la fête ? » 6+6 c
Leur dis-je — Et pas un seul ne détourna la tête 6+6 c
Et ne leva les yeux ! 6 b
Je m’éloignai pensif, la mort au fond de l’âme. 6+6 a
20 Alors, à mes regards vint s’offrir une femme. 6+6 a
Je crus que dans ma nuit un ange avait passé. 6+6 b
Et chacun admirait son souris plein de charme ; 6+6 c
Mais il me fit horreur ! car jamais une larme 6+6 c
Ne l’avait effacé. 6 b
25 « Dieu juste ! m’écriai-je, à ma soif dévorante 6+6 a
Le désert n’offre point de source bienfaisante. 6+6 a
Je suis l’arbre isolé sur un sol malheureux, 6+6 b
Comme en un vaste exil, placé dans la nature ; 6+6 c
Elle n’a pas d’écho pour ma voix qui murmure 6+6 c
30 Et se perd dans les cieux. 6 b
Quel mortel ne sait pas, dans le sein des orages, 6+6 a
Où reposer sa tête, à l’abri des naufrages ? 6+6 a
Et moi, jouet des flots, seul avec mes douleurs, 6+6 b
Aucun navire ami ne vient frapper ma vue, 6+6 c
35 Aucun, sur cette mer où ma barque est perdue, 6+6 c
Ne porte mes couleurs. 6 b
O douce illusion ! berce-moi de tes songes ; 6+6 a
Demandant le bonheur à tes riants mensonges, 6+6 a
Je me sauve en tremblant de la réalité ; 6+6 b
40 Car, pour moi, le printemps n’a pas de doux ombrage ; 6+6 c
Le soleil est sans feux, l’Océan sans rivage, 6+6 c
Et le jour sans clarté ! » 6 b
Ainsi, pour égayer son ennui solitaire, 6+6 a
Quand Dieu jeta le mal et le bien sur la terre, 6+6 a
45 Moi, je ne pus trouver que ma part de douleur ; 6+6 b
Convive repoussé de la fête publique, 6+6 c
Mes accents troubleraient l’harmonieux cantique 6+6 c
Des enfants du Seigneur. 6 b
Ah ! si je ressemblais à ces hommes de pierre 6+6 a
50 Qui, cherchant l’ombre amie et fuyant la lumière, 6+6 a
Ont trouvé dans le vice un facile plaisir ! — 6+6 b
Ceux-là vivent heureux ! — Mais celui qui dans l’âme 6+6 c
Garde quelque lueur d’une plus noble flamme, 6+6 c
Celui-là doit mourir. 6 b
55 L’ennui, vautour affreux, l’a marqué pour sa proie ; 6+6 a
Il trouve son tourment dans la commune joie ; 6+6 a
Respirant dans le ciel tous les feux de l’enfer, 6+6 b
Le bonheur n’est pour lui qu’un horrible mélange, 6+6 c
Car le miel le plus doux sur ses lèvres se change 6+6 c
60 En un breuvage amer. 6 b
Jusqu’au jour où d’ennui son âme dévorée 6+6 a
Trouve pour reposer quelque tombe ignorée, 6+6 a
Et retourne au néant, d’où l’homme était venu ; 6+6 b
Comme un poison brûlant, renfermé dans l’argile, 6+6 c
65 Fermente, et brise enfin le vase trop fragile 6+6 c
Qui l’avait contenu. 6 b
mètre profils métriques : 6, 6+6
forme globale type : suite périodique
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