Métrique en Ligne
MUS_4/MUS134
Alfred de MUSSET
POÉSIES POSTHUMES
1824-1857
Revue romantique
Heureux l’homme au cœur pur qui peut,lorsqu’il se couche, 6+6 a
S’endormir sans Janin, sans Pyat et sans Gozlan ! 6+6 b
Qui contemple du port les phrases de Latouche 6+6 a
Et les bons mots de Roqueplan ! 8 b
5 Qui lit Charles Nodier sans comprendre une ligne, 6+6 a
Qui respecte Ballanche et qui ne l’ouvre pas, 6+6 b
Et qui ne pêche point une idée à la ligne, 6+6 a
Dans ce fleuve d’oubli qu’on nomme les Débats ! 6+6 b
Qui ne se doute point du nom de Lacordaire ! 6+6 a
10 Qui laisserait plutôt guillotiner Ampère 6+6 a
Que d’aller voir Bocage, exalté par Dumas, 6+6 b
Nasiller l’adultère en se tordant les bras ! 6+6 b
Qui ne sait pas les goûts de Monsieur de Custine, 6+6 a
Qui laisse George Sand au fond de sa cuisine, 6+6 a
15 Ascétiser son siècle une broche à la main ! 6+6 b
Qui ne s’étonne pas lorsque Gustave Planche 6+6 c
Pour aller voir Gérard met sa chemise blanche, 6+6 c
Et qui voit sans pâlir Béquet cuver son vin !… 6+6 b
Heureux l’homme innocent qui ripaille et qui fume 6+6 a
20 Lorsque Victor Hugo fait sonner dans la brume, 6+6 a
Les quatre pieds fourchus du cheval éreinté 6+6 b
Qui le porte en famille à l’immortalité ! 6+6 b
Heureux qui de Musset n’a pas vu la coiffure 6+6 a
Et ses grands éperons qui n’éperonnent rien, 6+6 b
25 Bienheureuse surtout qui dans une onde pure 6+6 a
Ne l’a pas vu plonger son torse herculéen. 6+6 b
Heureux celui qui dort quand Prosper Mérimée 6+6 a
Un genou dans ses mains, absorbant sa fumée, 6+6 a
Mord, d’un air byronien, son cigare en papier 6+6 b
30 Et, du fond caverneux de son col de chemise, 6+6 c
Décoche en soupirant l’anecdote concise 6+6 c
Dont le trait satanique égaye le foyer ! 6+6 b
Heureux qui, dans le vague, où Sénancour barbote 6+6 a
S’inquiète aussi peu du sens de ses écrits, 6+6 b
35 Que de ce qu’il pensait en ôtant sa culotte 6+6 a
Sur l’herbe courte du Titlis ! 8 b
Heureux qui n’a pas vu le pensif Sainte-Beuve, 6+6 a
Pour son cœur dévoyé cherchant une âme sœur, 6+6 b
Durant les soirs d’été répandre, comme un fleuve, 6+6 a
40 Ses mystiques sermons et sa molle sueur. 6+6 b
Heureux qui n’a pas vu Balzac le drôlatique 6+6 a
Lire, en bavant partout, la Femme de trente ans 6+6 b
Et, tout ébouriffé de sa verve lubrique, 6+6 a
De romans inconnus foirant une fabrique, 6+6 a
45 Cracher, au trait final, ses trois dernières dents ! 6+6 b
Heureux qui n’a pas vu, le soir, dans la coulisse, 6+6 a
Errer sur les débris d’un proverbe tombé 6+6 b
Le pâle de Vigny, vieux cygne en pain d’épice, 6+6 a
Promenant son œil sombre et ses bons mots d’abbé ! 6+6 b
50 Heureux l’homme robuste à la narine austère 6+6 a
Qui peut avec Buloz causer une heure entière, 6+6 a
Sans faire un haut le corps et se boucher le nez ! 6+6 b
Celui-là peut sur lui voir tomber le tonnerre, 6+6 a
Et descendre sans peur dans les commodités ! 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
forme globale type : suite périodique
schéma : 6(abab) 2(aabb) 2(aabccb) 1(abaab) 1(aabab)
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