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MUS_4/MUS131
Alfred de MUSSET
POÉSIES POSTHUMES
1824-1857
Complainte…
HISTORIQUE ET VÉRITABLE
SUR LE FAMEUX DUEL QUI A EU LIEU
ENTRE PLUSIEURS HOMMES DE PLUME
TRÈS INCONNUS DANS PARIS,
A L’OCCASION D’UN LIVRE
DONT IL A ÉTÉ BEAUCOUP PARLÉ
DE DIFFÉRENTES MANIÈRES,
AINSI QU’IL EST RELATÉ
DANS LA PRÉSENTE COMPLAINTE
(AIR DE LA : Complainte du maréchal de Saxe.)
I
Monsieur Capot de Feuillide 7 a
Ayant insulté Lélia 7 b
Monsieur Planche, ce jour-là, 7 b
S’éveilla fort intrépide, 7 a
5 Et fit preuve de valeur 7 c
Entre midi et une heur ! 7 c
II
Il écrivit une lettre, 7 a
Dans un français très correct, 7 b
Se plaignant que, sans respect, 7 b
10 On osât le meconnaître ; 7 a
Et, plein d’indignation 7 c
Il passa son pantalon. 7 c
III
Buloz, dedans sa chambrette, 7 a
Sommeillait innocemment. 7 b
15 Il s’éveille incontinent, 7 b
Et bâille d’un air fort bête, 7 a
Lorsque Planche entra soudain, 7 c
Un vieux journal à la main. 7 c
IV
Il avait trouvé en route 7 a
20 Monsieur Regnault tout crotté ; 7 b
Après l’avoir consulté 7 b
Comme il n’y comprenait goutte, 7 a
Il l’avait pris sous le bras, 7 c
Pour se sortir d’embarras. 7 c
V
25 Ayant écouté l’affaire, 7 a
Buloz dit : « En vérité, 7 b
Ne soyez pas irrité 7 b
Si je ne vous comprends guère ; 7 a
C’est que j’ai l’esprit très lourd, 7 c
30 Et que je suis un peu sourd. » ! 7 c
VI
Alors Planche, tout en nage, 7 a
Leur dit : « C’est pourtant très clair ; 7 b
A l’Europe littérair’ 7 b
On doute de mon courage ; 7 a
35 Afin de le leur prouver 7 c
Je suis venu vous trouver. » ! 7 c
VII
Ils allèrent chez Lepage 7 a
Pour chercher des pistolets ; 7 b
Mais on leur dit qu’il fallait 7 b
40 Mettre cent écus en gage. 7 a
Alors Buloz, prudemment, 7 c
Dit : « Nous n’avons pas d’argent. » ! 7 c
VIII
Ils prirent les Dames blanches 7 a
Pour s’en aller à Meudon 7 b
45 Acheter des mirlitons, 7 b
Afin que Gustave Planche 7 a
Pût faire baisser le ton 7 b
A messieurs du Feuilleton ! 7 b
IX
L’ennemi se fit attendre 7 a
50 Jusqu’à trois heures un quart, 7 b
Ce qui fut canulant, car 7 b
Buloz brûlait de se rendre 7 a
Chez Madame Dudevant 7 c
Qu’il aimait passionnément ! 7 c
X
55 Enfin, dans un beau carrosse, 7 a
Par deux beaux chevaux tiré, 7 b
Feuillide parut, paré 7 b
Comme pour un jour de noce ; 7 a
De plus, Lautour-Mézeray, 7 c
60 Et deux petits pistolets. 7 c
XI
Alors les témoins, tous quatre 7 a
Devant donner le signal, 7 b
Retardent l’instant fatal 7 b
Où l’on allait voir combattre 7 a
65 Ces deux grands littérateurs, 7 c
Qui faisaient frémir d’horreur ! 7 c
XII
Regnault regardait ses bottes 7 a
Sans pouvoir trouver un mot ; 7 b
Fellide dit : « A propos, 7 b
70 Je vais ôter ma culotte 7 a
Afin d’être plus dispos 7 b
Et de n’être pas capot. » ! 7 b
XIII
Buloz, s’asseyant par terre, 7 a
Saisi d’un effroi mortel, 7 b
75 S’écria : « Au nom du ciel, 7 b
Mes amis, qu’allez-vous faire ? 7 a
Que deviendra mon journal ? 7 c
Je m’en vais me trouver mal. » ! 7 c
XIV
« Messieurs, écoutez de grâce, 7 a
80 Dit Regnault aux assistants ; 7 b
Je ne suis pas éloquent, 7 b
Mais, mettez-vous a ma place, 7 a
Je crois que certainement 7 b
Nous sommes tous bons enfants. 7 b
XV
85 Monsieur Planche a du courage 7 a
Et monsieur Feuillide aussi ; 7 b
Pour nous, nous sommes ici 7 b
Pour empêcher le carnage. 7 a
Votre journal est charmant, 7 c
90 Le nôtre pareillement. 7 c
XVI
Vous avez raison entière, 7 a
Et nous, nous n’avons pas tort, 7 b
Vous ne craignez pas la mort 7 b
Et nous ne la craignons guère. 7 a
95 Je crois, sans vous offenser, 7 c
Qu’il est temps de s’embrasser. » ! 7 c
XVII
« Messieurs, c’est épouvantable », 7 a
Leur dit Buloz tout suant, 7 b
« George Sand, assurément, 7 b
100 Est une femme agréable 7 a
Et pleine d’honnêteté 7 c
Car elle m’a résisté ! » ! 7 c
XVIII
« Messieurs, ce n’est pas pour elle, 7 a
Dit Planche, que je me bats, 7 b
105 J’ai ma raison pour cela ; 7 b
Je ne sais pas trop laquelle ; 7 a
Si je me bats c’est pour moi, 7 c
Je ne sais pas trop pourquoi. » ! 7 c
XIX
Buloz qui chargeait les armes 7 a
110 Avec du plomb à lapin, 7 b
Le prit alors sur son sein, 7 b
Et le baigna de ses larmes 7 a
En lui disant : Mon enfant, 7 c
Vous êtes trop véhément. 7 c
XX
115 Feuillide le gigantesque 7 a
Lui dit : « Monsieur, s’il vous plait, 7 b
Donnez-moi mon pistolet ; 7 b
Tous ces discours là me vesque, 7 a
Je ne viens pas de si loin 7 c
120 Pour voir pleurer les témoins. » ! 7 c
XXI
Les combattants en présence 7 a
Firent feu des quatre pieds. 7 b
Planche tira le premier, 7 b
A cent toises de distance ; 7 a
125 Feuillide, comme un éclair, 7 c
Riposta, cent pieds en l’air. 7 c
XXII
« Cessez cette boucherie », 7 a
Crièrent les assistants, 7 b
« C’est assez répandre un sang 7 b
130 Précieux à la patrie ; 7 a
Planche a lavé son affront 7 c
Par sa détonation. » ! 7 c
XXIII
Dedans les bras de Feuillide 7 a
Planche s’élance à l’instant, 7 b
135 Et lui dit en sanglotant : 7 b
« Nous sommes deux intrépides, 7 a
Je suis satisfait vraiment, 7 b
Vous aussi probablement. » ! 7 b
XXIV
Alors ils se séparèrent 7 a
140 Et depuis ce jour fameux, 7 b
Ils vécurent très heureux ; 7 b
Et c’est de cette manière 7 a
Qu’on a enfin reconnu 7 c
De George Sand la vertu. 7 c
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