Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
MUS_2/MUS96
Alfred de MUSSET
POÉSIES NOUVELLES
1836-1852
SUR TROIS MARCHES DE MARBRE ROSE
Depuis qu'Adam, ce cruel homme, 8 a
A perdu son fameux jardin, 8 b
sa femme, autour d'une pomme, 8 a
Gambadait sans vertugadin, 8 b
5 Je ne crois pas que sur la terre 8 c
Il soit un lieu d'arbres planté, 8 d
Plus célébré, plus visité, 8 d
Mieux fait, plus joli, mieux hanté, 8 d
Mieux exercé dans l'art de plaire, 8 c
10 Plus examiné, plus vanté 8 d
Plus décrit, plus lu, plus chanté, 8 d
Que l'ennuyeux parc de Versailles. 8 e
O dieux ! ô bergers ! ô rocailles ! 8 e
Vieux Satyres, Termes grognons, 8 f
15 Vieux petits ifs en rang d'oignons, 8 f
O bassins, quinconces, charmilles ! 8 g
Boulingrins pleins de majesté, 8 d
les dimanches, tout l'été, 8 d
Bâillent tant d'honnêtes familles ! 8 g
20 Fantômes d'empereurs romains, 8 h
Pâles nymphes inanimées 8 i
Qui tendez aux passants les mains, 8 h
Par les jets d'eau tout enrhumées ! 8 i
Tourniquets d'aimables buissons, 8 f
25 Bosquets tondus, les fauvettes 8 j
Cherchent, en pleurant, leurs chansons, 8 f
les dieux font tant de façons 8 f
Pour vivre à sec dans leurs cuvettes ! 8 j
O marronniers ! n'ayez pas peur ; 8 k
30 Que votre feuillage immobile, 8 l
Me sachant versificateur, 8 k
N'en demeure pas moins tranquille. 8 l
Non, j'en jure par Apollon 8 m
Et par tout le sacré vallon, 8 m
35 Par vous, Naïades ébréchées, 8 i
Sur trois cailloux si mal couchées, 8 i
Par vous, vieux mtres de ballets, 8 n
Faunes dansant sur la verdure, 8 o
Par toi-même, auguste palais, 8 n
40 Qu'on n'habite plus qu'en peinture, 8 o
Par Neptune, sa fourche au poing, 8 p
Non, je ne vous décrirai point. 8 p
Je sais trop ce qui vous chagrine ; 8 r
De Phœbus je vois les effets ; 8 n
45 Ce sont les vers qu'on vous a faits 8 n
Qui vous donnent si triste mine. 8 r
Tant de sonnets, de madrigaux, 8 s
Tant de ballades, de rondeaux, 8 s
l'on célébrait vos merveilles, 8 t
50 Vous ont assourdi les oreilles, 8 t
Et l'on voit bien que vous dormez 8 d
Pour avoir été trop rimés. 8 d
En ces lieux l'ennui repose, 8 v
Par respect aussi j'ai dormi. 8 w
55 Ce n'était, je crois, qu'à demi ; 8 w
Je rêvais à quelque autre chose. 8 v
Mais vous souvient-il, mon ami, 8 w
De ces marches de marbre rose ? 8 v
En allant à la pièce d'eau 8 x
60 Du côté de l'orangerie, 8 y
A gauche, en sortant du château 8 x
C'était par là, je le parie, 8 y
Que venait le roi sans pareil, 8 z
Le soir, au coucher du soleil, 8 z
65 Voir dans la forêt, en silence, 8 a
Le jour s'enfuir et se cacher 8 d
(Si toutefois, en sa présence, 8 a
Le soleil osait se coucher). 8 d
Que ces trois marches sont jolies ! 8 b
70 Combien ce marbre est noble et doux ! 8 c
Maudit soit du ciel, disions-nous, 8 c
Le pied qui les aurait salies ! 8 b
N'est-il pas vrai ? Souvenez-vous. 8 c
Avec quel charme est nuancée 8 e
75 Cette dalle à moitié cassée ! 8 e
Voyez-vous ces veines d'azur, 8 f
Légères, fines et polies, 8 b
Courant, sous les roses pâlies, 8 b
Dans la blancheur d'un marbre pur ? 8 f
80 Tel, dans le sein robuste et dur 8 f
De la Diane chasseresse, 8 g
Devait courir un sang-divin ; 8 b
Telle, et plus froide, est une main 8 b
Qui me menait naguère en laisse. 8 g
85 N'allez pas, du reste, oublier 8 d
Que ces marches dont j'ai mémoire 8 h
Ne sont pas dans cet escalier 8 d
Toujours désert, et plein de gloire, 8 h
ce roi, qui n'attendait pas, 8 i
90 Attendit un jour, pas à pas, 8 i
Condé, lassé par la victoire. 8 h
Elles sont près d'un vase blanc, 8 j
Proprement fait et fort galant. 8 j
Est-il moderne ? est-il antique ? 8 l
95 D'autres que moi savent cela ; 8 m
Mais j'aime assez à le voir là, 8 m
Étant sûr qu'il n'est point gothique. 8 l
C'est un bon vase, un bon voisin ; 8 b
Je le crois volontiers cousin 8 b
100 De mes marches couleur de rose ; 8 v
Il les abrite avec fierté. 8 d
O mon Dieu ! dans si peu de chose 8 v
Que de grâce et que de beauté ! 8 d
Dites-nous, marches gracieuses, 8 n
105 Les rois, les princes, les prélats, 8 i
Et les marquis à grands fracas, 8 i
Et les belles ambitieuses, 8 n
Dont vous avez compté les pas ; 8 i
Celles-là surtout, j'imagine, 8 r
110 En vous louchant ne pesaient pas, 8 i
Lorsque le velours ou l'hermine 8 r
Frôlait vos contours délicats. 8 i
Laquelle était la plus légère ? 8 c
Est-ce la reine Montespan ? 8 o
115 Est-ce Hortense avec un roman, 8 o
Maintenon avec son bréviaire, 8 c
Ou Fontange avec son ruban ? 8 o
Beau marbre, as-tu vu La Vallière ? 8 c
De Parabère ou de Sabran, 8 o
120 Laquelle savait mieux te plaire ? 8 c
Entre Sabran et Parabère 8 c
Le Régent même, après souper, 8 d
Chavirait jusqu'à s'y tromper. 8 d
As-tu vu le puissant Voltaire, 8 c
125 Ce grand frondeur des préjugés, 8 u
Avocat des gens mal jugés, 8 u
Du Christ ce terrible adversaire, 8 c
Bedeau du temple de Cythère, 8 c
Présentant à la Pompadour 8 p
130 Sa vieille eau bénite de cour ? 8 p
As-tu vu, comme à l'ermitage, 8 q
La rondelette Dubarry 8 w
Courir, en buvant du laitage, 8 q
Pieds nus, sur le gazon fleuri ? 8 w
135 Marches qui savez notre histoire, 8 h
Aux jours pompeux de votre gloire, 8 h
Quel heureux monde en ces bosquets ! 8 n
Que de grands seigneurs, de laquais, 8 n
Que de duchesses, de caillettes, 8 j
140 De talons rouges, de paillettes, 8 j
Que de soupirs et de caquets, 8 n
Que de plumets et de calottes, 8 r
De falbalas et de culottes, 8 r
Que de poudre sous ces berceaux, 8 s
145 Que de gens, sans compter les sots ! 8 s
Règne auguste de la perruque, 8 t
Le bourgeois qui le méconnt 8 u
Mérite sur sa plate nuque 8 t
D'avoir un éternel bonnet ; 8 u
150 Et toi, siècle à l'humeur badine, 8 r
Siècle tout couvert d'amidon, 8 m
Ceux qui méprisent ta farine 8 r
Sont en horreur à Cupidon !… 8 m
Est-ce ton avis, marbre rose ? 8 v
155 Malgré moi, pourtant, je suppose 8 v
Que le hasard qui t'a mis là 8 m
Ne t'avait pas fait pour cela. 8 m
Aux pays le soleil brille, 8 l
Près d'un temple grec ou latin, 8 b
160 Les beaux pieds d'une jeune fille, 8 l
Sentant la bruyère et le thym, 8 b
En le frappant de leurs sandales, 8 v
Auraient mieux réjoui tes dalles 8 v
Qu'une pantoufle de satin. 8 b
165 Est-ce d'ailleurs pour cet usage 8 q
Que la nature avait formé 8 d
Ton bloc jadis vierge et sauvage 8 q
Que le génie t animé ? 8 d
Lorsque la pioche et la truelle 8 w
170 T'ont scellé dans ce parc boueux, 8 x
En t'y plantant malgré les dieux, 8 x
Mansard insultait Praxitèle. 8 w
Oui, si tes flancs devaient s'ouvrir, 8 y
Il fallait en faire sortir 8 y
175 Quelque divinité nouvelle. 8 w
Quand sur toi leur scie a grincé, 8 d
Les tailleurs de pierre ont blessé 8 d
Quelque Vénus dormant encore, 8 z
Et la pourpre qui te colore 8 z
180 Te vient du sang qu'elle a versé. 8 d
Est-il donc vrai que toute chose 8 v
Puisse être ainsi foulée aux pieds, 8 d
Le rocher l'aigle se pose, 8 v
Comme la feuille de la rose 8 v
185 Qui tombe et meurt dans nos sentiers ? 8 d
Est-ce que la commune mère, 8 c
Une fois son œuvre accompli, 8 w
Au hasard livre la matière, 8 c
Comme la pensée à l'oubli ? 8 w
190 Est-ce que la tourmente amère 8 c
Jette la perle au lapidaire 8 c
Pour qu'il l'écrase sans façon ? 8 m
Est-ce que l'absurde vulgaire 8 c
Peut tout déshonorer sur terre 8 c
195 Au gré d'un cuistre ou d'un maçon ? 8 m
mètre profil métrique : 8
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