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MUS_2/MUS92
Alfred de MUSSET
POÉSIES NOUVELLES
1836-1852
A MON FRÈRE, REVENANT D'ITALIE
Ainsi, mon cher, tu t'en reviens 8 a
Du pays dont je me souviens 8 a
Comme d'un rêve, 4 b
De ces beaux lieux où l'oranger 8 c
5 Naquit pour nous dédommager 8 c
Du péché d'Ève. 4 b
Tu l'as vu, ce ciel enchanté 8 a
Qui montre avec tant de clarté 8 a
Le grand mystère ; 4 b
10 Si pur, qu'un soupir monte à Dieu 8 c
Plus librement qu'en aucun lieu 8 c
Qui soit sur terre. 4 b
Tu les as vus, les vieux manoirs 8 a
De cette ville aux palais noirs 8 a
15 Qui fui Florence, 4 b
Plus ennuyeuse que Milan 8 c
Où, du moins, quatre ou cinq fois l'an. 8 c
Cerrito danse. 4 b
Tu l'as vue, assise dans l'eau, 8 a
20 Portant gaîment son mezzaro, 8 a
La belle Gènes, 4 b
Le visage peint, l'œil brillant, 8 c
Qui babille et joue en riant 8 c
Avec ses chaînes. 4 b
25 Tu l'as vu, cet antique port, 8 a
Où, dans son grand langage mort, 8 a
Le flot murmure, 4 b
Où Stendhal, cet esprit charmant, 8 c
Remplissait si dévotement 8 c
30 Sa sinécure. 4 b
Tu l'as vu, ce fantôme altier 8 a
Qui jadis eut le monde entier 8 a
Sous son empire. 4 b
César dans sa pourpre est tombé ; 8 a
35 Dans un petit manteau d'abbé 8 a
Sa veuve expire. 4 b
Tu t'es bercé sur ce flot pur 8 a
Où Naple enchâsse dans l'azur 8 a
Sa mosaïque ; 4 b
40 Oreiller des lazzaroni 8 c
Où sont nés le macaroni 8 c
Et la musique. 4 b
Qu'il soit rusé, simple ou moqueur, 8 a
N'est-ce pas qu'il nous laisse au cœur 8 a
45 Un charme étrange, 4 b
Ce peuple ami de la gaîté 8 c
Qui donnerait gloire et beauté 8 c
Pour une orange ? 4 b
Catane et Palerme l'ont plu. 8 a
50 Je n'en dis rien ; nous t'avons lu. 8 a
Mais on t'accuse 4 b
D'avoir parlé bien tendrement, 8 c
Moins en voyageur qu'en amant, 8 c
De Syracuse. 4 b
55 Ils sont beaux, quand il fait beau temps 8 a
Ces yeux presque mahométans 8 a
De la Sicile ; 4 b
Leur regard tranquille est ardent, 8 c
Et bien dire en y répondant 8 c
60 N'est pas facile. 4 b
Ils sont doux, surtout quand le soir 8 a
Passe dans son domino noir 8 a
La toppatelle. 4 b
On peut l'aborder sans danger, 8 c
65 Et dire : « Je suis étranger, 8 c
» Vous êtes belle. » 4 b
Ischia ! C'est là qu'on a des yeux, 8 a
C'est là qu'un corsage amoureux 8 a
Serre la hanche. 4 b
70 Sur un bas rouge bien tiré 8 c
Brille, sous le jupon doré, 8 c
La mule blanche. 4 b
Pauvre Ischia ! bien des gens n'ont vu 8 a
Tes jeunes filles que pied nu 8 a
75 Dans la poussière. 4 b
On les endimanche à prix d'or ; 8 c
Mais ton pur soleil brille encor 8 c
Sur leur misère. 4 b
Quoi qu'il en soit, il est certain 8 a
80 Que l'on ne parle pas latin 8 a
Dans les Abruzzes, 4 b
Et que jamais un postillon 8 c
N'y sera l'enfant d'Apollon 8 c
Ni des neuf Muses. 4 b
85 Il est bizarre, assurément, 8 a
Que Minturnes soit justement 8 a
Près de Capoue. 4 b
Là tombèrent deux demi-dieux, 8 c
Tout barbouillés, l'un de vin vieux, 8 c
90 L'autre de boue. 4 b
Les brigands t'ont-ils arrêté 8 a
Sur le chemin tant redouté 8 a
De Terracine ? 4 b
Les as-tu vus dans les roseaux 8 c
95 Où le buffle aux larges naseaux 8 c
Dort et rumine ? 4 b
Hélas ! hélas ! lu n'as rien vu. 8 a
Oh (comme on dit) ! temps dépourvu 8 a
De poésie ! 4 b
100 Ces grands chemins sûrs nuit et jour 8 c
Sont ennuyeux comme un amour 8 c
Sans jalousie. 4 b
Si tu l'es un peu détourné, 8 a
Tu t'es à coup sûr promené 8 a
105 Près de Ravenne, 4 b
Dans ce triste et charmant séjour 8 c
Où Byron noya dans l'amour 8 c
Toute sa haine. 4 b
C'est un pauvre petit cocher 8 a
110 Qui m'a mené sans accrocher 8 a
Jusqu'à Ferrare. 4 b
Je désire qu'il t'ait conduit. 8 c
Il n'eut pas peur, bien qu'il fit nuit ; 8 c
Le cas est rare. 4 b
115 Padoue est un fort bel endroit, 8 a
Où de très-grands docteurs en droit 8 a
Ont fait merveille. 4 b
Mais j'aime mieux la polenta 8 c
Qu'on mange aux bords de la Brenta 8 c
120 Sous une treille. 4 b
Sans doute tu l'as vue aussi, 8 a
Vivante encore, Dieu merci, 8 a
Malgré nos armes, 4 b
La pauvre vieille du Lido, 8 c
125 Nageant dans une goutte d'eau 8 c
Pleine de larmes. 4 b
Toits superbes ! froids monuments ! 8 a
Linceul d'or sur des ossements ! 8 a
Ci-gît Venise. 4 b
130 Là mon pauvre cœur est resté. 8 c
S'il doit m'en être rapporté, 8 c
Dieu le conduise ! 4 b
Mon pauvre cœur, l'as-tu trouvé, 8 a
Sur le chemin, sous un pavé, 8 a
135 Au fond d'un verre ? 4 b
Ou dans ce grand palais Nani 8 c
Dont tant de soleils ont jauni 8 c
La noble pierre ? 4 b
L'as-tu vu sur les fleurs des prés, 8 a
140 Ou sur les raisins empourprés 8 a
D'une tonnelle ? 4 b
Ou dans quelque frêle bateau 8 c
Glissant à l'ombre et fendant l'eau 8 c
A tire-d'aile ? 4 b
145 L'as-tu trouvé tout en lambeaux 8 a
Sur la rive où sont les tombeaux ? 8 a
Il y doit être. 4 b
Je ne sais qui l'y cherchera, 8 c
Mais je crois bien qu'on ne pourra 8 c
150 L'y reconnaître. 4 b
Il était gai, jeune et hardi. 8 a
Il se jetait en étourdi 8 a
A l'aventure. 4 b
Librement il respirait l'air, 8 c
155 Et parfois il se montrait fier 8 c
D'une blessure. 4 b
Il fut crédule, étant loyal, 8 a
Se défendant de croire au mal 8 a
Comme d'un crime. 4 b
160 Puis tout à coup il s'est fondu 8 c
Ainsi qu'un glacier suspendu 8 c
Sur un abîme… 4 b
Mais de quoi vais-je ici parler ? 8 a
Que ferais-je à me désoler, 8 a
165 Quand toi, cher frère, 4 b
Ces lieux où j'ai failli mourir, 8 c
Tu t'en viens de les parcourir 8 c
Pour le distraire ? 4 b
Tu rentres tranquille et content ; 8 a
170 Tu tailles ta plume en chantant 8 a
Une romance. 4 b
Tu rapportes dans notre nid 8 c
Cet espoir qui toujours finit 8 c
Et recommence. 4 b
175 Le retour fait aimer l'adieu ; 8 a
Nous nous asseyons près du feu, 8 a
Et tu nous contes 4 b
Tout ce que ton esprit a vu, 8 c
Plaisirs, dangers, et l'imprévu, 8 c
180 Et les mécomptes. 4 b
Et tout cela sans te fâcher, 8 a
Sans te plaindre, sans y toucher 8 a
Que pour en rire ; 4 b
Tu sais rendre grâce au bonheur, 8 c
185 Et lu te railles du malheur 8 c
Sans en médire. 4 b
Ami, ne t'en va plus si loin. 8 a
D'un peu d'aide j'ai grand besoin, 8 a
Quoi qu'il m'advienne. 4 b
190 Je ne sais où va mon chemin, 8 c
Mais je marche mieux quand ma main 8 c
Serre la tienne. 4 b
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