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MUS_2/MUS37
Alfred de MUSSET
POÉSIES NOUVELLES
1836-1852
LUCIE
ÉLÉGIE
Mes chers amis, quand je mourrai, 8 a
Plantez un saule au cimetière. 8 b
J'aime son feuillage éploré ; 8 a
La pâleur m'en est douce et chère, 8 b
5 Et son ombre sera légère 8 b
A la terre où je dormirai. 8 a
Un soir, nous étions seuls ; j'étais assis près d'elle. 6+6 a
Elle penchait la tête, et sur son clavecin 6+6 b
Laissait, tout en rêvant, flotter sa blanche main. 6+6 b
10 Ce n'était qu'un murmure ; on eût dit les coups d'aile 6+6 a
D'un zéphyr éloigné glissant sur des roseaux, 6+6 a
Et craignant en passant d'éveiller les oiseaux. 6+6 a
Les tièdes voluptés des nuits mélancoliques 6+6 a
Sortaient autour de nous du calice des fleurs. 6+6 b
15 Les marronniers du parc et les chênes antiques 6+6 a
Se berçaient doucement sous leurs rameaux en pleurs. 6+6 b
Nous écoutions la nuit ; la croisée entr'ouverte 6+6 a
Laissait venir à nous les parfums du printemps ; 6+6 b
Les vents étaient muets ; la plaine était déserte ; 6+6 a
20 Nous étions seuls, pensifs, et nous avions quinze ans. 6+6 b
Je regardais Lucie. — Elle était pâle et blonde. 6+6 a
Jamais deux yeux plus doux n'ont du ciel le plus pur 6+6 b
Sondé la profondeur, et réfléchi l'azur. 6+6 b
Sa beauté m'enivrait ; je n'aimais qu'elle au monde. 6+6 a
25 Mais je croyais l'aimer comme on aime une sœur, 6+6 a
Tant ce qui venait d'elle était plein de pudeur ! 6+6 a
Nous nous tûmes longtemps ; ma main louchait la sienne. 6+6 a
Je regardais rêver son front triste et charmant, 6+6 b
Et je sentais dans l'âme, à chaque mouvement, 6+6 b
30 Combien peuvent sur nous, pour guérir toute peine, 6+6 a
Ces deux signes jumeaux de paix et de bonheur, 6+6 a
Jeunesse de visage, et jeunesse de cœur. 6+6 a
La lune, se levant dans un ciel sans nuage, 6+6 a
D'un long réseau d'argent tout à coup l'inonda. 6+6 b
35 Elle vit dans mes yeux resplendir son image ; 6+6 a
Son sourire semblait d'un ange ; elle chanta. 6+6 b
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Fille de la douleur, harmonie ! harmonie ! 6+6 a
Langue que pour l'amour inventa le' génie ! 6+6 a
Qui nous vint d'Italie, et qui lui vint-des cieux ! 6+6 a
40 Douce langue du cœur, la seule où la pensée, 6+6 b
Cette vierge craintive et d'une ombre offensée, 6+6 b
Passe en gardant son voile, et sans craindre les yeux ! 6+6 a
Qui sait ce qu'un enfant peut entendre et peut dire 6+6 a
Dans tes soupirs divins nés de l'air qu'il respire, 6+6 a
45 Tristes comme son cœur, et doux comme sa voix ? 6+6 a
On surprend un regard, une larme qui coule ; 6+6 b
Le reste est un mystère ignoré de la foule, 6+6 b
Comme celui des flots, de la nuit et des bois ! 6+6 a
Nous étions seuls, pensifs ; je regardais Lucie. 6+6 a
50 L'écho de sa romance en nous semblait frémir. 6+6 b
Elle appuya sur moi sa tète appesantie… 6+6 a
Sentais-tu dans ton cœur Desdemona gémir, 6+6 b
Pauvre enfant ? Tu pleurais ; sur la bouche adorée 6+6 a
Tu laissas tristement mes lèvres se poser, 6+6 b
55 Et ce fut la douleur qui reçut mon baiser. 6+6 b
Telle je t'embrassai, froide et décolorée, 6+6 a
Telle, deux mois après, lu fus mise au tombeau. 6+6 a
Telle, ô ma chaste fleur, tu t'es évanouie. 6+6 b
Ta mort fut un sourire aussi doux que ta vie, 6+6 b
60 El tu fus rapportée à Dieu dans ton berceau. 6+6 a
Doux mystères du toit que l'innocence habite, 6+6 a
Chansons, rêves d'amour, rires, propos d'enfant, 6+6 b
Et toi, charme inconnu dont rien ne se défend, 6+6 b
Qui fis hésiter Faust au seuil de Marguerite, 6+6 a
65 Candeur des premiers jours, qu'êtes-vous devenus ? 6+6 a
Paix profonde à ton âme, enfant ! à la mémoire ! 6+6 b
Adieu ! la blanche main sur le clavier d'ivoire 6+6 b
Durant les nuits d'été ne voltigera plus… 6+6 a
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Mes chers amis, quand je mourrai, 8 a
70 Plantez un saule au cimetière. 8 b
J'aime son feuillage éploré ; 8 a
La pâleur m'en est douce et chère, 8 b
Et son ombre sera légère 8 b
A la terre où je dormirai. 8 a
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