Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
MUR_1/MUR38
Henri MURGER
Les Nuits d'hiver
1861
À UN ADOLESCENT
Vos yeux m'ont révé ce que vous vouliez taire, 6+6 a
Enfant, et j'ai compris tout votre grand mystère. 6+6 a
Dans la saison fleurie où vous êtes entré, 6+6 b
À peine au premier pas, vous avez rencontré, 6+6 b
5 Et vous suivez dé du regard et de l'âme 6+6 a
Un ange, une sirène, ou plutôt une femme ! 6+6 a
Fantôme qui, je gage, est le portrait vivant 6+6 b
D'une apparition que vous vîtes souvent 6+6 b
Soulever vos rideaux au dortoir du collége ; 6+6 a
10 Et déjà, pour chanter la belle au front de neige, 6+6 a
Pour dire ses beaux yeux, son sourire enfantin, 6+6 b
Je vous vois dérober au parnasse latin 6+6 b
Toutes les fleurs d'amour dont le divin Virgile 6+6 a
Semait la pastorale et parfumait l'idylle. 6+6 a
15 Ai-je deviné juste enfin, et pensiez-vous 6+6 b
Me cacher un secret que vous dites à tous ? 6+6 b
Car il est dans vos yeux écrit pour qui sait lire, 6+6 a
Et vous l'avez trahi mille fois sans le dire. 6+6 a
Ainsi donc à quoi bon vouloir mentir encor 6+6 b
20 Et jouer à seize ans un rôle de Nestor ? … 6+6 b
Dépouillez, dépouillez ce faux manteau de sage, 6+6 a
Trop lourd pour votre épaule et trop lourd pour votre âge ; 6+6 a
Laissez dormir en paix tous vos auteurs poudreux, 6+6 b
Qui, s'ils étaient vivants, discuteraient entre eux ; 6+6 b
25 Et, dans l'antiqui si vous voulez un guide, 6+6 a
Choisissez épicure, ou l'amoureux Ovide ; 6+6 a
Ils sont de bon conseil, et leurs folles chansons 6+6 b
Vous feront oublier les austères leçons 6+6 b
Des sages rassemblés au portique d'Athène. 6+6 a
30 Croyez-moi, la sagesse est une chose vaine ; 6+6 a
C'est le mal d'un autre âge, et plus tard vous l'aurez ! 6+6 b
Mais maintenant, jeune homme, oh ! Sans attendre, ouvrez, 6+6 b
Ouvrez à vos désirs ailés d'impatience 6+6 a
Les portes de la vie où de vivre on commence ; 6+6 a
35 Et, si vos passions ont leur virginité, 6+6 b
Déflorez-les sans hâte, avec pudicité. 6+6 b
Mais d'abord, avant tout, allez rejoindre celle 6+6 a
Qui vous attend toujours et vous veut auprès d'elle, 6+6 a
Et pleure en écoutant l'heure du rendez-vous 6+6 b
40 Sonner sans vous avoir assis à ses genoux. 6+6 b
Partez ! Pour vous le ciel, dans l'ombre de ses urnes, 6+6 a
Étale la splendeur de ses écrins nocturnes ; 6+6 a
Partez ! Tous ces oiseaux qui chantent dans leurs nids 6+6 b
Font un épithalame à vos amours bénis, 6+6 b
45 Et l'air, tout embau des senteurs de la plaine, 6+6 a
Murmure aussi pour vous sa fraîche cantilène. 6+6 a
Partez ! Pour l'escalade elle a tout apprêté : 6+6 b
L'échelle est suspendue au vieux balcon sculpté, 6+6 b
Et, comme Julietta, l'amante véronaise, 6+6 a
50 Dans ses vêtements blancs, pensive sur sa chaise, 6+6 a
Votre mtresse attend. Partez, mon Roméo ! 6+6 b
Entre ses bras restez jusqu'au chant de l'oiseau, 6+6 b
Et, durant cette nuit, sur son beau front sans voiles, 6+6 a
Mettez plus de baisers qu'il n'est aux cieux d'étoiles. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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