Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
MON_1/MON140
Robert de Montesquiou
LES HORTENSIAS BLEUS
1896
IV
CHAMBRE OBSCURE
MORTE SAISON
CXXXIX
GLOSE
O Nature, c'est bien | ta méchanceté grande ! 6+6 a
Ce qu'hier tu donnas, | il faut qu'on te le rende 6+6 a
Demain, et l'existence | est un court usufruit. 6+6 b
Vite il faut épuiser | la lumière et le bruit ; 6+6 b
5 Et, comme un voyageur | que la crainte harcèle 6+6 a
De partir sans avoir | tout vu, toujours en selle, 6+6 a
Ou toujours à la barre, | en son âme, enfermer 6+6 b
Tout le vert de la terre | et le bleu de la mer ! 6+6 b
Craignez qu'on vous appelle | avant la fin du livre ! 6+6 a
10 Hâtez-vous d'écouter, | de regarder, de vivre ; 6+6 a
Vite au bas de la page, | au détour du chemin ! 6+6 b
Feuilletez-le, tandis | qu'il est sous votre main, 6+6 b
Ce missel infini | qui, pour enluminures, 6+6 a
Fait poindre et se coucher, | dans l'or de ses rainures 6+6 a
15 La lumière ; et, dessous, | déroule, odeurs et sons, 6+6 b
Le poème des jours, | des mois et dès saisons. 6+6 b
Absorbez dans vos yeux, | aspirez par vos âmes, 6+6 a
Les contours, les rayons, | les rythmes, les dictâmes, 6+6 a
Infinis éléments, | combinés mille fois, 6+6 b
20 Qui, des couleurs, et des | effluves, et des voix, 6−6 b
Ressuscitent sans fin | de nouveaux paysages 6+6 a
Comme des traits divers | font de nouveaux visages. 6+6 a
— Tout cela consigné, | manuscrit sans pareil, 6+6 b
Entre des couchers et | des levés de soleil ! 6+6 b
25 Ainsi que des enfants, | quand la nuit est venue, 6+6 a
Rien que leur œil implore, | et leur main continue 6+6 a
A tendre vers le livre | admirable et vermeil, 6+6 b
Trouvant dur de dormir | quand on n'a pas sommeil, 6+6 b
Et que le tome encore | enclôt entre ses marges, 6+6 a
30 Beaucoup de monts ardus | et bien des fleuves larges, 6+6 a
Que les Princesses vont, | prodigieusement, 6+6 b
Pour rencontrer enfin | le Prince, leur amant, 6+6 b
Gravir ou traverser, | grâce aux marraines fées 6+6 a
Dont le vol éparpille | un parfum, par bouffées. 6+6 a
35 Craignez qu'avant le soir | se fermant, le missel 6+6 b
Ne garde la moitié | du texte universel 6+6 b
Dans le vierge vélin | qu'entoure l'or des tranches 6+6 a
Dont la feuille parfois | recèle, entre ses branches, 6+6 a
La chimère écaillée, | et qui, double fermail, 6+6 b
40 A le soir de saphir, | et l'aurore d'émail. 6+6 b
Absorbez les clartés, | les chansons, les aromes 6+6 a
Dont la nature encadre, | en son psautier, ses psaumes, 6+6 a
Et qui, les pénétrant, | donnent au mot divin 6+6 b
La douceur de l'huile | et la force du vin. 6+6 b
45 Car des entours ainsi | le texte s'élabore ; 6+6 a
Car des feuilles l'odeur | vient qui s'en évapore ; 6+6 a
Et, dans l'obscurité | profonde des rinceaux, 6+6 b
Le verbe fait parfois | la clarté par sursauts. 6+6 b
Ainsi l'ornemaniste | et l'écrivain s'appuient ; 6+6 a
50 Les oiseaux quelquefois | entre les lettres fuient, 6+6 a
Et les lignes souvent | s'en vont par les rameaux 6+6 b
Dans la fraternité | des formes et des mots. 6+6 b
Retenez, en votre âme | ainsi toujours accrue, 6+6 a
Les plaintes des forêts, | les rumeurs de la rue, 6+6 a
55 Car cette âme, au rebours | des vaisseaux coutumiers, 6+6 b
Se mesure aux grandeurs | que vous y renfermiez. 6+6 b
Il sort de grands parfums | des fleurs les plus petites ; 6+6 a
Les étoiles des cieux, | celles des clématites, 6+6 a
Sont des astres d'arome, | et, d'autres, de clarté ; 6+6 b
60 Et l'Aster s'irradie | ainsi qu'une Astarté. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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