A MONSIEUR DE LA MOTHE LE VAYER |
SUR LA MORT DE MONSIEUR SON FILS |
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Aux larmes, Le Vayer,│ laisse les yeux ouverts ; |
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Ton deuil est raisonnable,│ encor qu'il soit extrême ; |
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Et, lors que pour toujours│ on perd ce que tu perds, |
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La Sagesse, croy moy,│ peut pleurer elle-mesme. |
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On se propose à tort│ cent préceptes divers |
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Pour vouloir d'un œil sec│ voir mourir ce qu'on ayme ; |
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L'effort en est barbare│ aux yeux de l'Univers, |
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Et c'est brutalité│ plus que vertu suprême. |
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On sçait bien que les pleurs│ ne ramèneront pas |
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Ce cher Fils, que t'enlève│ un impréveu trépas, |
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Mais la perte par là│ n'en est pas moins cruelle ; |
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Ses vertus d'un chacun│ le faisoient révérer ; |
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Il avoit le cœur grand,│ l'esprit beau, l'âme belle, |
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Et ce sont des sujets│ à tousjours le pleurer. |
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Vous voyez bien, Monsieur, que je m'écarte fort du chemin qu'on suit d'ordinaire
en pareille rencontre, et que le Sonnet que je vous envoyé, n'est rien moins
qu'une consolation ; mais fay crû qu'il falloit en user de la sorte avec vous, et que
c'est consoler un Philosophe que de luy justifier ses larmes et mettre sa douleur en
liberté. Si je n'ay pas trouvé d'assez fortes raisons pour affranchir vostre tendresse
des sévères leçons de la Philosophie et pour vous obliger à pleurer sans contrainte,
il en faut accuser le peu d'éloquence d'un homme qui ne sçauroit persuader ce
qu'il sçait si bien faire.
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MOLIÈRE.
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mètre |
profil métrique : 6+6
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forme globale |
type : sonnet classique
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