Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
MND_1/MND5
Louis MÉNARD
Poëmes
1855
BLANCHE
C'était un soir d'été : de grands nuages sombres 6+6 a
Couraient sous le ciel lourd ; pas un souffle dans l'air, 6+6 b
Les vieux arbres du cloître épaississaient leurs ombres ; 6+6 a
La monotone voix des vagues de la mer 6+6 b
5 Vers le ciel orageux s'exhalait par bouffées, 6+6 c
Comme un lugubre écho de plaintes étouffées ; 6+6 c
La cloche du couvent venait de retentir ; 6+6 a
Des cours et du jardin, comme des hirondelles 6+6 b
Qui regagnent le nid, commençaient à sortir 6+6 a
10 Les sœurs et les enfants qui grandissent près d'elles 6+6 b
Mais Blanche et Madeleine, étouffant leurs sanglots, 6+6 c
Se tenaient par la main et regardaient les flots. 6+6 c
C'était un jour d'adieu pour elles : Madeleine 6+6 a
Partait le lendemain. Elle avait dix-huit ans, 6+6 b
15 Elle était au couvent depuis deux ans à peine ; 6+6 a
Une intime et profonde amitié, dès ce temps, 6+6 b
L'avait unie à Blanche, et des heures passées 6+6 c
Toutes deux recueillaient les traces dispersées. 6+6 c
Blanche avait dix-sept ans. Les baisers maternels 6+6 a
20 Avaient été trop tôt ravis à son enfance ; 6+6 b
Sous des enseignements graves et solennels 6+6 a
Son âme avait grandi dans l'ombre et le silence. 6+6 b
Sa beauté, sa pâleur, la faisaient ressembler 6+6 c
Aux anges des vitraux qu'elle aimait contempler. 6+6 c
25 L'extase avait marqué d'une céleste empreinte 6+6 a
Ses traits calmes et doux, son front pur et rêveur. 6+6 b
Ses sœurs, qui l'honoraient à l'égal d'une sainte, 6+6 a
Enviaient son austère et brûlante ferveur, 6+6 b
Et cette pureté qui met une auréole 6+6 c
30 Sur le front lumineux des vierges de Fiesole. 6+6 c
Mais son voluptueux sourire et ses grands yeux 6+6 a
Noirs, languissants, voilés, par un contraste étrange, 6+6 b
Annonçaient qu'un désir vague et mystérieux 6+6 a
Veillait à son insu sous les rêves de l'ange. 6+6 b
35 C'est le type idéal que créa Raphaël, 6+6 c
Chaste et passionné, mystique et sensuel. 6+6 c
Cependant sa beauté, rêve d'un autre monde, 6+6 a
Appelait moins l'amour que l'adoration. 6+6 b
Ou eût cru, la voyant, mélancolique et blonde, 6+6 a
40 Se pencher vers sa sœur, à l'apparition 6+6 b
Des célestes esprits qui délaissaient leur sphère, 6+6 c
Séduits par la beauté des filles de la terre. 6+6 c
Madeleine était brune et pâle ; ses yeux bleus 6+6 a
Avaient de longs éclairs veloutés et fluides. 6+6 b
45 Quand Blanche rencontrait un regard de ces yeux, 6+6 a
Tout son corps frissonnait sous leurs rayons humides ; 6+6 b
Son âme se noyait dans ce regard profond, 6+6 c
Et d'intimes pâleurs lui montaient vers le front. 6+6 c
« Madeleine, dit Blanche après un long silence, 6+6 a
50 Le monde où vous allez entrer m'est inconnu. 6+6 b
Cette enceinte muette a caché mon enfance, 6+6 a
Et jamais bruit humain jusqu'à moi n'est venu ; 6+6 b
Mais le cœur est le guide et l'oracle suprême : 6+6 c
Je crois à vos dangers parce que je vous aime. 6+6 c
55 Dans ces murs bien des cœurs brises viennent chercher 6+6 a
Le repos et l'oubli d'un rêve ineffaçable ; 6+6 b
Et, comme il est souvent trop cruel de cachet 6+6 a
Les souvenirs brûlants dont le poids nous accable, 6+6 b
Plus d'une a dans mon âme épanché ses douleurs, 6+6 c
60 Et je connais le monde et l'amour par leurs pleurs ; 6+6 c
Ma sœur, sauveras-tu de l'implacable orage 6+6 a
Ce lis immaculé qui fleurit dans ton cœur ? 6+6 b
D'invisibles dangers t'attendent au passage, 6+6 a
Et les anges de Dieu tombent par leur candeur. 6+6 b
65 Mais je tremble surtout que ta beauté céleste 6+6 c
Ne devienne, en ce monde impie, un don funeste, 6+6 c
— Mais pour ange gardien j'aurai ton souvenir, 6+6 d
Répondit Madeleine ; et puis qui peut connaître 6+6 e
Ce qu'en son sein fécond nous garde l'avenir ? 6+6 d
70 Dans ce monde maudit je trouverai peut-être 6+6 e
L'amour, cet idéal flambeau dont notre cœur 6+6 f
Illumine toujours ses rêves de bonheur. » 6+6 f
Sans qu'elle sût pourquoi, Blanche, à cette pensée, 6+6 a
Sentit d'un voile épais ses regards se couvrir ; 6+6 b
75 Un poids lourd étouffa sa poitrine oppressée, 6+6 a
Et de son sein gonflé sortit un long soupir, 6+6 b
Et, son cœur débordant comme une coupe pleine, 6+6 c
Elle couvrit de pleurs les mains de Madeleine. 6+6 c
Madeleine partit le lendemain. Longtemps 6+6 a
80 Blanche suivit des yeux sur la vague lointaine 6+6 b
Le vaisseau disparu dans les brouillards flottants, 6+6 a
Et puis, dans la cellule où vivait Madeleine, 6+6 b
Prosternée, inonda de pleurs et de baisers 6+6 c
La place où tant de fois ses pieds s'étaient posés. 6+6 c
85 Elle s'agenouillait dans les longues journées 6+6 a
Devant le crucifix témoin de leur adieu, 6+6 b
Et remontait le cours de ses jeunes années. 6+6 a
Elle se revoyait, enfant, sous l'œil de Dieu, 6+6 b
Pour la première fois à la table bénie, 6+6 c
90 Où l'âme, vierge encore, avec Dieu communie ; 6+6 c
Puis, plus grande et rêvant, dans sa mystique ardeur, 6+6 a
De saints renoncements, d'austères Thébaïdes, 6+6 b
Douce extase de l'âme, ascétique ferveur, 6+6 a
Longues nuits à genoux sur les dalles humides : 6+6 b
95 Larmes, brûlants soupirs, recueillement divin, 6+6 c
Que son cœur ulcéré redemandait en vain. 6+6 c
Car, depuis bien longtemps, une pensée unique. 6+6 a
Avait rempli sa vie : elle se demandait 6+6 b
De quel nom appeler cet attrait magnétique, 6+6 a
100 Ce charme irrésistible auquel elle cédait ; 6+6 b
Mais un seul mot s'offrait, dont l'idée est un crime, 6+6 c
Et ses yeux se fermaient comme au bord d'un abîme. 6+6 c
Or, un jour, un billet à Blanche fut remis. 6+6 a
Aussitôt qu'elle en eut reconnu l'écriture, 6+6 b
105 Joyeuse et palpitante, elle en baisa les plis ; 6+6 a
Mais, avant d'en pouvoir achever la lecture, 6+6 b
Elle s'évanouit au milieu des sanglots, 6+6 c
La lettre contenait une fleur et ces mots : 6+6 c
« Ma sœur, je bénis Dieu : j'aime et je suis aimée ! 6+6 a
110 « ô Blanche ! puisses-tu, comme moi, quelque jour, 6+6 b
« Entendre, recueillie, immobile et charmée, 6+6 a
« Un mot dit à genoux, un premier mot d'amour ; 6+6 b
« Livrer ta main tremblante à des lèvres ravies, 6+6 c
« Épuiser en un jour le bonheur de deux vies ! 6+6 c
115 « Ils ont maudit l'amour, ils ont osé nier 6+6 a
« Sa divine lumière et lui dire : Anathème ! 6+6 b
« Mais que pourrait la voix de l'univers entier 6+6 a
« Contre une seule voix qui vous répond : — Je t'aime ! 6+6 b
« Ah ! fallût-il souffrir pendant l'éternité, 6+6 a
120 « Entre l'amour et Dieu mon âme eût hésité. 6+6 a
« Ils disent que l'amour s'envole comme un rêve. 6+6 a
« Non, l'amour ne meurt pas ; à l'heure de l'adieu, 6+6 b
« La sainte vision du ciel au ciel s'achève. 6+6 a
« L'amour est éternel, infini comme Dieu ! 6+6 b
125 « Si tu savais ! ma vie entière est transformée ! 6+6 c
« Mon Dieu, mon Dieu, merci ! j'aime et je suis aimée ! » 6+6 c
D'implacables clartés brillaient : avec terreur 6+6 a
Blanche en son propre cœur pouvait descendre et lire. 6+6 b
Cette amitié céleste ou cette impure erreur ; 6+6 a
130 Ce rêve chaste et saint, ce monstrueux délire ; 6+6 b
Tout ce passé si triste et si doux, tour à tour 6+6 c
Adoré, puis maudit, c'était donc de l'amour ? 6+6 c
Comme sous le tranchant d'une lame glacée, 6+6 a
Un frisson contracta son cœur ; pour arracher 6+6 b
135 Madeleine à l'amour, sa première pensée 6+6 a
Avait été d'écrire, et de lui reprocher 6+6 b
D'immoler en un jour, lâche, ingrate et frivole, 6+6 c
Ses plus saints souvenirs aux pieds de son idole. 6+6 c
Parfois elle voulait partir, l'aller chercher, 6+6 a
140 L'éclairer, la sauver, la ramener près d'elle ; 6+6 b
Mais c'était révéler ce qu'elle eût dû cacher, 6+6 a
Même au prix du salut de sa vie éternelle, 6+6 b
Ou couvrir du manteau des pieuses fureurs 6+6 c
Ses transports insensés, ses jalouses terreurs. 6+6 c
145 Puis, dans les mornes nuits qu'obsédait un seul rêve, 6+6 a
Des macérations austères, des combats, 6+6 b
Des retours accablants et des remords sans trêve, 6+6 a
Des prières, des pleurs, que Dieu n'exauçait pas ; 6+6 b
Désespoirs infinis, luttes intérieures 6+6 c
150 Sans écho, sans témoin, pendant les longues heures. 6+6 c
Enfin, elle voulut passer seule, à genoux, 6+6 a
Au milieu de l'église, une nuit tout entière. 6+6 b
Son confesseur, vieux prêtre au front austère et doux, 6+6 a
Devait, le lendemain matin, à sa prière, 6+6 b
155 Venir l'y retrouver, pour apprendre un dessein 6+6 c
Que Dieu même avait fait éclore dans son sein. 6+6 c
La lampe de l'autel, parmi les grandes ombres, 6+6 a
Projetait la lueur de ses rayons tremblants. 6+6 b
Blanche s'agenouilla sous les arcades sombres, 6+6 a
160 Plus pâle que les morts, dans son voile aux plis blancs ; 6+6 b
Et, pendant cette nuit, sous les noires ogives, 6+6 c
Elle eut, comme Jésus, son jardin des Olives. 6+6 c
« Seigneur, dit-elle, vous qui lisez dans mon cœur, 6+6 a
Dont la miséricorde est pour tous infinie ; 6+6 b
165 Qui, dans ces murs sacrés, sous votre œil protecteur. 6+6 a
Éleviez autrefois ma jeunesse bénie, 6+6 b
Au nom de votre Fils, pour nous crucifié, 6+6 c
Jetez sur moi, Seigneur, un regard de pitié ! 6+6 c
Seigneur, j'avais rêvé pour moi ces saintes flammes, 6+6 a
170 Reflets de votre ciel, qui doublent le bonheur ; 6+6 b
Cet amour chaste et pur, cet hymen de deux âmes 6+6 a
À tout être promis… Était-ce trop, Seigneur ? 6+6 b
Ce bonheur, pour moi seule, en un crime se change, 6+6 c
Et le mauvais esprit prend la forme d'un ange. 6+6 c
175 Eh bien, s'il me faut dire un éternel adieu 6+6 a
A cet espoir permis à toute créature, 6+6 b
Guidez mes pas tremblants, éclairez-moi, mon Dieu ! 6+6 a
Quel baume guérira ma profonde blessure ? 6+6 b
Comment fuir cet abîme entr'ouvert sous mes pas ? 6+6 c
180 Que faire enfin ? Mon Dieu ! vous ne répondez pas ! » 6+6 c
Elle pleurait ; son front se courbait sur les dalles ; 6+6 a
Sous la voûte funèbre aux sonores échos, 6+6 b
Le bruit de ses soupirs montait par intervalles. 6+6 a
Les rayons de la lune, à travers les vitraux, 6+6 b
185 Caressaient d'un reflet d'argent les boucles blondes 6+6 c
De ses cheveux épars tombant en lourdes ondes. 6+6 c
Puis elle se leva, tremblante, l'œil eu feu, 6+6 a
Et reprit d'une voix plus forte sa prière : 6+6 b
« Vous exaucez mes pleurs, soyez béni, mon Dieu ! 6+6 a
190 Vous faites dans ma nuit tomber votre lumière ; 6+6 b
Vous prenez en pitié mes remords infinis ; 6+6 c
Vous m'appelez à vous : mon Dieu, je vous bénis ! 6+6 c
Votre souffle a chassé les rêves de la terre. 6+6 a
L'encens pur de l'amour, à vous seul destiné, 6+6 b
195 Je le brûlais aux pieds dune idole éphémère : 6+6 a
Vous épurez l'autel un instant profané ; 6+6 b
Et, lorsque vous prenez ma vie en sacrifice, 6+6 c
Vous mettez votre amour dans le fond du calice ! » 6+6 c
L'église s'éclairait sous la vague lueur 6+6 a
200 Du matin ; à genoux contre un pilier de pierre, 6+6 b
Blanche priait encor, quand son vieux confesseur 6+6 a
Se montra, puis, craignant de troubler sa prière, 6+6 b
S'arrêta sur le seuil. Dès qu'elle l'entendit, 6+6 c
Blanche marcha vers lui d'un pas ferme, et lui dit : 6+6 c
205 « J'ai passé cette nuit devant l'autel, mon père, 6+6 a
Et dans mon cœur le calme est enfin revenu. 6+6 b
J'oserai confesser devant vous, je l'espère, 6+6 a
Un secret jusqu'ici pour vous-même inconnu. 6+6 b
Si j'avais pu cacher à mon Juge suprême 6+6 c
210 Ce que j'aurais voulu me cacher à moi-même ! 6+6 c
Sans doute cet aveu doit être un premier pas 6+6 a
Vers l'expiation et vers le sacrifice ; 6+6 b
Pourtant, si jusqu'au bout Dieu ne m'accorde pas 6+6 a
La force de subir les coups de sa justice, 6+6 b
215 Je sens bien que jamais je ne pourrai finir 6+6 c
Cet aveu devant vous, au grand jour, sans mourir. 6+6 c
— Mon enfant, dit le prêtre, à la femme adultère 6+6 a
Jésus ne demanda qu'une larme. Pourquoi 6+6 b
Serait-il aujourd'hui plus dur et plus sévère 6+6 a
220 Pour vous, pieuse et pure, et fidèle à sa loi, 6+6 b
Élevée au milieu de cette paix profonde, 6+6 c
Sous son aile, à l'abri des orages du monde ? 6+6 c
— Le cortège fatal de leurs tentations 6+6 a
Poursuivait, répond Blanche, au fond de leurs retraites, 6+6 b
225 Les pères du désert ; les folles passions 6+6 a
Du monde, ses plaisirs éphémères, ses fêtes, 6+6 b
Valent bien, pour les cœurs inquiets et troublés, 6+6 c
Les rêves énervants dont ces murs sont peuplés. 6+6 c
Pardon ! je blasphémais ces pieuses demeures. 6+6 a
230 Mes sœurs, que Dieu bénit, sont heureuses ; toujours 6+6 b
Pour elles la prière emplit les chastes heures. 6+6 a
Un ange aussi jadis a veillé sur mes jours, 6+6 b
Et, la nuit, je voyais la Vierge immaculée 6+6 c
Qui me montrait ma place à sa cour étoilée. 6+6 c
235 Mais à ces visions du ciel j'ai dit adieu ; 6+6 a
Un rêve de l'enfer m'embrase et me pénètre : 6+6 b
J'aime comme jamais je n'avais aimé Dieu ! 6+6 a
— Confiez-vous en lui, mon enfant, dit le prêtre. 6+6 b
Quoiqu'il ait fait du cloître un port tranquille et sûr, 6+6 c
240 Il ne condamne pas l'amour dans un cœur pur. 6+6 c
— Non, mon amour n'est pas de ceux que Dieu pardonne : 6+6 a
Sa clémence ne peut à ce point dépasser 6+6 b
Sa justice. Ô mon Dieu ! ma force m'abandonne ! 6+6 a
Son nom ! je n'oserai jamais le confesser… » 6+6 b
245 Et le prêtre, penché sur elle, et sans haleine, 6+6 c
L'entendit murmurer le nom de Madeleine. 6+6 c
Blanche, en le prononçant, tomba mourante au* pieds 6+6 a
Du vieillard. Lui, devant cette douleur immense, 6+6 b
Redoutait de plonger ses regards foudroyés 6+6 a
250 Dans ce gouffre insondé de honte et d'innocence. 6+6 b
À ce crime sans nom craignant de pardonner, 6+6 c
Et devant tant de pleurs n'osant pas condamner. 6+6 c
Lorsqu'elle eut épuisé le fiel de son calice, 6+6 a
Blanche sentit la paix dans son cœur revenir, 6+6 b
255 Et voulut préparer son âme au sacrifice 6+6 a
Qu'elle avait maintenant la force d'accomplir. 6+6 b
Bientôt elle jura de renoncer au monde. 6+6 c
Et le fer fit tomber sa chevelure blonde ; 6+6 c
Quelquefois, à genoux pendant un jour entier, 6+6 a
260 Elle écoutait la voix qui parle aux solitudes. 6+6 b
Il lui semblait alors qu'à force de prier 6+6 a
Sa croix était moins lourde et ses combats moins rudes, 6+6 b
Et même elle y trouvait une amère douceur. 6+6 c
Mais un jour elle lut un billet de sa sœur : 6+6 c
265 « Blanche, plains-moi, je meurs écrasée, abattue 6+6 a
« Par le mépris du monde. Oh ! depuis quelques jours, 6+6 b
« Je connais bien l'amour, l'abandon qui nous tue, 6+6 a
« La jalousie ! ô Blanche, ignore-la toujours ! 6+6 b
« Je reviens au couvent, chercher, non l'espérance, 6+6 c
270 « Mais le calme et le droit de pleurer en silence. 6+6 c
« Pour une erreur d'un jour, j'ai tant souffert, hélas ! 6+6 a
« Que Dieu m'accordera mon pardon, je l'espère… » 6+6 b
Blanche jeta la lettre et ne l'acheva pas : 6+6 a
Elle était arrivée au haut de son calvaire. 6+6 b
275 La revoir ! mais le cœur en deuil, portant sa croix, 6+6 c
Triste, flétrie, au lieu de l'ange d'autrefois ! 6+6 c
Dès lors, dans sa cellule, en silence, immobile, 6+6 a
Morne, les yeux tournés vers les flots de la mer, 6+6 b
Plus pâle qu'autrefois, elle semblait tranquille 6+6 a
280 Et sentait fuir la vie ; et, comme au vent d'hiver 6+6 b
Se penchent lentement les fleurs étiolées, 6+6 c
Elle attendait la fin des heures désolées. 6+6 c
Comme un libérateur qui lui tendait les bras, 6+6 a
Elle voyait la mort sans regrets, sans alarmes. 6+6 b
285 Parfois, se relevant, elle disait tout bas 6+6 a
Au vieux prêtre, à genoux près d'elle et tout en larmes : 6+6 b
« ô mon père ! surtout qu'elle ignore à jamais 6+6 c
Pourquoi je vais mourir et combien je l'aimais ! » 6+6 c
Un matin, de ses sœurs en prière entourée, 6+6 a
290 Sur ses lèvres pressant une croix de bois noir, 6+6 b
Blanche mourut sereine et comme délivrée. 6+6 a
Madeleine trop tard arriva pour la voir 6+6 b
Et ne put recueillir sa dernière parole 6+6 c
Et le baiser de paix de l'âme qui s'envole. 6+6 c
295 Pourtant, en l'embrassant, il lui sembla sentir 6+6 a
D'un suprême soupir sa lèvre caressée, 6+6 b
Léger frissonnement qui la fit tressaillir 6+6 a
Comme un muet baiser d'une bouche glacée, 6+6 b
Et l'âme s'envola dans ce dernier adieu 6+6 c
300 Qu'elle avait attendu pour remonter à Dieu. 6+6 c
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