Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
MND_1/MND14
Louis MÉNARD
Poëmes
1855
HELLAS
De l'antre de la nuit | sortait la blonde aurore ; 6+6 a
La lutte de l'hiver | et du joyeux printemps 6+6 b
Aux grands échos du ciel | retentissait encore 6+6 a
Devant les jeunes Dieux | fuyaient les vieux Titans. 6+6 b
5 Du limon fécondé | par de chaudes haleines 6+6 a
La race des Héros | naissait sur les hauteurs, 6+6 b
Et les peuples nouveaux | descendaient dans les plaines, 6+6 a
Et sous leurs pas germaient | les hymnes et les fleurs. 6+6 b
Un brouillard d'or, du fond | de l'humide vallée, 6+6 a
10 Vers les splendeurs d'en haut | montait comme un encens, 6+6 b
Sur les cimes fumait | la neige inviolée, 6+6 a
Les chênes inclinaient | leurs feuillages puissants. 6+6 b
A l'âpre odeur des monts, | sous les forêts profondes, 6+6 a
L'hyacinthe mêlait | ses arômes dans l'air ; 6+6 b
15 Les filles des sommets | neigeux, les fraîches ondes, 6+6 a
Dansaient dans les roseaux | avec un rire clair. 6+6 b
Aux lointains bleus, du haut | des sacrés promontoires, 6+6 a
Les vents marins soufflaient | sous l'azur éclatant ; 6+6 b
Blanches comme l'écume | au flanc des vagues noires, 6+6 a
20 Les filles de la mer | bondissaient en chantant. 6+6 b
Parmi les tourbillons | d'argent du large fleuve, 6+6 a
Les cygnes blancs voguaient ; | le grand ciel radieux 6+6 b
Enveloppait d'amour | la terre vierge et neuve, 6+6 a
Tout l'univers chantait | la naissance des Dieux. 6+6 b
25 Nos vois accompagnaient | son immense murmure 6+6 a
Ses Dieux étaient nos Dieux | et de l'humanité 6+6 b
Il semblait s'exhaler, | conte de la nature, 6+6 a
Des effluves de force | et de virginité. 6+6 b
Car la nature était | pour nous comme une mère ; 6+6 a
30 Bercés dans ses bras blancs, | dormant sur ses genoux, 6+6 b
Ses fils ne trouvaient pas | encor sa coupe amère : 6+6 a
Les Dieux des premiers jours | étaient si près de nous ! 6+6 b
Sur l'Olympe inondé | des clartés de l'aurore 6+6 a
On les voyait, baignés | dans le matin vermeil, 6+6 b
35 Conduisant le grand Chœur | sur un rythme sonore, 6+6 a
Et faisant circuler | des frissons de réveil. 6+6 b
Dans l'éther lumineux | et dans la mer profonde, 6+6 a
Dans les antres sacrés, | dans les champs, dans les bois, 6+6 b
Ils étaient l'harmonie | et la beauté dit monde, 6+6 a
40 Ses principes vivants, | ses immuables lois. 6+6 b
Leur souffle nourrissait | nos robustes poitrines, 6+6 a
Ils nous enveloppaient | de grâce et de beauté ; 6+6 b
Ils versaient sur nos fronts | leurs lumières divines, 6+6 a
Et dans nos jeunes cœurs | la sainte volupté. 6+6 b
45 Des amis indulgents, | non des maîtres sévères ! 6+6 a
Calmes, beaux comme nous, | souriant à nos jeux ; 6+6 b
Et, comme les aînés | guident leurs jeunes frères, 6+6 a
Ils descendaient vers nous | et nous montions vers eux. 6+6 b
Quand l'Orient versait | comme des avalanches 6+6 a
50 Sur notre sol sacré | ses peuples destructeurs, 6+6 b
La lance au poing, du haut | des acropoles blanches, 6+6 a
Ils combattaient pour nous, | les Dieux libérateurs. 6+6 b
Comme ils méritaient bien | l'amour d'un peuple libre ! 6+6 a
Q'un long concert s'élève | autour de leur autel ! 6+6 b
55 Des fêtes et des jeux ! | que chaque lyre vibre ! 6+6 a
La terre ne sera | jamais si près du ciel. 6+6 b
Dieux heureux, dont le culte | était la joie humaine, 6+6 a
Les danses, les chansons | et les vierges en chœur, 6+6 b
Les athlètes puissants | luttant nus sur l'arène, 6+6 a
60 Et les fronts couronnés, | et la santé du cœur, 6+6 b
Et surtout le respect | des glorieux ancêtres, 6+6 a
Des héros immortels, | gardiens de la cité, 6+6 b
Et l'ardente fierté | d'un grand peuple sans maître, 6+6 a
Et les mâles vertus : | Justice et Liberté. 6+6 b
65 Qu'êtes-vous devenus, | temples, sacrés portiques 6+6 a
Dieux de marbre vêtus, | si jeunes et si beaux, 6+6 b
Sauvage puberté | des fortes républiques, 6+6 a
Culte austère et pieux | des illustres tombeaux ? 6+6 b
On ne cherchera plus | dans les formes sacrées 6+6 a
70 La révélation | de l'ordre universel ; 6+6 b
On n'entend plus la vois | des lires inspirées, 6+6 a
Et la Liberté dort | d'un sommeil éternel. 6+6 b
Le phare qui brillait | dans la nuit de l'histoire, 6+6 a
S'est éteint pour jamais | sous les vents déchaînés, 6+6 b
75 Et le monde vieilli, | plongé dans l'ombre noire, 6+6 a
Ne retrouvera plus | ses Dieux abandonnés. 6+6 b
Ils ne parleront plus | dans les bois prophétiques ; 6+6 a
Le lugubre avenir | en vain rappellera 6+6 b
L'art exilé du monde | et les vertus antiques, 6+6 a
80 Trésors perdus que nul | regret ne nous rendra. 6+6 b
Mais vous, débris muets | de sublimes pensées, 6+6 a
Marbres épars, quel est | le chemin qui conduit 6+6 b
Vers l'âge d'or perdu, | les croyances passées, 6+6 a
L'Élysée, où s'en va | ce que l'homme a détruit ? 6+6 b
85 Par delà deux mille ans, | loin des siècles serviles, 6+6 a
J'irais, je volerais | sur les ailes des vents, 6+6 b
Vers les temples de marbre | et vers les blanches villes, 6+6 a
Chez les grands peuples morts, | meilleurs que les vivants. 6+6 b
Dieux heureux, qu'adorait | la jeunesse du monde, 6+6 a
90 Que blasphème aujourd'hui | la vieille humanité, 6+6 b
Laissez-moi me baigner | dans la source féconde 6+6 a
Où la divine Hellas | trouva la vérité ! 6+6 b
Laissez-nous boire encor, | nous, vos derniers fidèles, 6+6 a
Dans l'urne du symbole | où s'abreuvaient les forts. 6+6 b
95 Vos temples sont détruits, | mais, ô Lois éternelles ! 6+6 a
Dans l'Olympe idéal | renaissent les Dieux morts. 6+6 b
Renaissez, jours bénis | de la sainte jeunesse, 6+6 a
Échos d'airs oubliés, | brises d'avril en fleur ! 6+6 b
La menteuse espérance | a-t-elle une promesse 6+6 a
100 Qui vaille un souvenir | au plus profond du cœur ? 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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