Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
MLV_1/MLV91
Charles MILLEVOYE
POÉSIES
1801-1814
BALLADES
LA BACHELETTE
Au temps passé, | l'innocente Loïse 4+6 a
Du beau Vindal | s'enamoura, dit-on. 4+6 b
Vindal en guerre | était plein de franchise, 4+6 a
Mais en amour | cauteleux et félon. 4+6 b
5 Heureux à peine, | il lui dit : « Bachelette, 4+6 a
Vais dans Beaucaire | à superbes tournois ; 4+6 b
Tôt reviendrai | te rapporter aigrette 4+6 a
De chevaliers | désarçonnés par moi. » 4+6 b
Il dit, revêt | son armure luisante, 4+6 a
10 Prend son épée, | et sa lance, et son cor : 4+6 b
Loïse en pleurs | pour gage lui présente 4+6 a
L'écharpe blanche | et les bracelets d'or. 4+6 b
Il part. Bientôt | dans le bois solitaire 4+6 a
Il rencontra, | sur un blanc palefroi, 4+6 b
15 La belle Irène | en chemin pour Beaucaire ; 4+6 a
Et dans son cœur | il sentit doux émoi. 4+6 b
« Heur vous advienne, | aimable voyageuse ! 4+6 a
Dit-il alors, | retenant son coursier. 4+6 b
Feuillage est sombre, | et nuée orageuse : 4+6 a
20 S'il vous complaît, | serai votre écuyer. 4+6 b
— Oui bien, répond | la cavalière émue ; 4+6 a
Mais vais sans doute | avec trop de lenteur. 4+6 b
— Vais lentement | aussi, belle inconnue ; 4+6 a
Car, depuis peu, | suis blessé vers le cœur. 4+6 b
25 — Blessé ! répond | l'aventureuse dame : 4+6 a
Ciel m'est témoin, | voudrais vous secourir. 4+6 b
— Ne tient qu'à vous ; | possédez vrai dictame : 4+6 a
Qui m'a blessé | bien saurait me guérir. 4+6 b
A ce propos, | détournant son visage, 4+6 a
30 Rougit la dame, | ou feignit de rougir ; 4+6 b
Et, du parler | tous deux perdant l'usage, 4+6 a
De temps en temps | étouffaient un soupir. 4+6 b
A quelques pas, | la jeune Violette 4+6 a
Suivait sa dame, | et rêvant s'en allait, 4+6 b
35 Non sans redire | en chevauchant seulette : 4+6 a
« Que l'étranger | n'a-t-il page ou varlet ! » 4+6 b
Nuit déjà close, | à Beaucaire ils entrèrent ; 4+6 a
Mais, ne logeant | dans le même manoir, 4+6 b
Bien à regret, | las ! ils se séparèrent, 4+6 a
40 Et tendrement | se dirent : « Au revoir ! » 4+6 b
Le lendemain, | quand s'ouvrit la carrière, 4+6 a
Irène, auprès | de ses nobles parents, 4+6 b
Riche d'atours, | non loin de la barrière, 4+6 a
Pour le tournoi | prit place aux premiers rangs. 4+6 b
45 Du fier Vindal | le triomphe s'apprête ; 4+6 a
De l'espérance | il a pris la couleur : 4+6 b
Victorieux, | aux pieds de sa conquête 4+6 a
Il vient poser | le prix de la valeur. 4+6 b
Puis à voix basse | il dit : « Vindal réclame 4+6 a
50 Prix plus charmant, | couronne de vainqueur. 4+6 b
Onc ne saurai-je | où fleurit vrai dictame 4+6 a
Que réservez | à blessure du cœur ? 4+6 b
— Beau paladin, | tôt le saurez, » dit-elle. 4+6 a
Et revenant, | le soir, au vieux château, 4+6 b
55 Sur son passage, | au pied de la tourelle, 4+6 a
Elle aperçut | modeste jouvenceau. 4+6 b
« Noble beauté, | dit-il avec simplesse, 4+6 a
Recevez-moi | comme page ou varlet ; 4+6 b
Pour vous servir | aurai zèle et prestesse, 4+6 a
60 Et de grand cœur | aimerai qui vous plaît. 4+6 b
— Ce soir, ami, | porteras ma livrée. 4+6 a
Suis libérale | à qui m'a bien servi. » 4+6 b
Le jouvenceau | fait dès lors son entrée, 4+6 a
Et Violette | en a le cœur ravi. 4+6 b
65 Se rajustant, | tout bas elle répète : 4+6 a
« Ciel est propice | à dévoie oraison. 4+6 b
Au revenir | plus ne serai seulette, 4+6 a
Voyage est court | avec beau compagnon. 4+6 b
— Ça, dit Irène, | es-tu discret, mon page ? 4+6 a
70 — C'est loi d'honneur | et devoir de féal. 4+6 b
— Veux bien t'en croire, | et te donne message 4+6 a
Pour chevalier | qui porte nom Vindal. 4+6 b
Dire lui faut | qu'à minuit vrai dictame 4+6 a
Devers la tour | doit fleurir ; puis encor 4+6 b
75 Que, de sa part, | Irène lui réclame 4+6 a
Écharpe blanche | avec bracelets d'or. » 4+6 b
Le page alors | va remplir son message. 4+6 a
Vindal troublé | ne le reconnut pas. 4+6 b
Morne et pensif | s'en retournait le page, 4+6 a
80 Quand une fleur | s'offrit devant ses pas. 4+6 b
Pauvre Loïse ! | hélas ! la fleur fatale 4+6 a
Dans ta pensée | a déjà son emploi ; 4+6 b
Et cependant | ton altière rivale 4+6 a
Attend le page, | et ce page c'est toi. 4+6 b
85 Pour abréger | sa trop longue veillée, 4+6 a
L'heureux Vindal | monta son coursier noir, 4+6 b
Et parcourut | la lande dépouillée, 4+6 a
En écoutant | l'horloge du manoir. 4+6 b
La blanche lune | argentait la fougère 4+6 a
90 Quand douze fois | le sombre airain sonna. 4+6 b
Vindal, plus prompt | que la flèche légère, 4+6 a
Volait… Soudain | son coursier frissonna. 4+6 b
Sous l'éperon | qui l'attaque et le presse 4+6 a
Il se défend ; | l'œil et l'oreille au guet, 4+6 b
95 Les crins au vent, | il recule, il se dresse, 4+6 a
Et l'air frémit | de son souffle inquiet. 4+6 b
« Quoi ! dit son maître, | ô mon fidèle Ébène, 4+6 a
Qu'ai vu cent fois, | dans le sentier d'honneur, 4+6 b
Sans tressaillir | braver lance inhumaine, 4+6 a
100 En frissonnant | me conduit au bonheur ! 4+6 b
D'un saut léger | Vindal touche l'arène, 4+6 a
Gagne la tour, | regarde fixement 4+6 b
Et devant lui | voit le page d'Irène, 4+6 a
Sur le gazon, | couché sans mouvement. 4+6 b
105 Incline-toi | vers sa bouche muette, 4+6 a
Amant d'Irène ! | approche, approche encor. 4+6 b
Reconnais-tu | la douce bachelette, 4+6 a
L'écharpe blanche | et les bracelets d'or ? » 4+6 b
Il s'étendit | sur la terre sauvage, 4+6 a
110 Et d'un frisson | tout son corps fut transi. 4+6 b
Il dit trois fois : | « Tu dors longtemps, beau page 4+6 a
Au point du jour | Vindal dormait aussi. 4+6 b
mètre profil métrique : 4+6
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