Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
MLV_1/MLV55
Charles MILLEVOYE
POÉSIES
1801-1814
POÉSIES LÉGÈRES
LE DÉJEUNER
Mes chers amis, certes, je fais grand cas 4+6 a
Du sage auteur de la Gastronomie ; 4+6 b
Mais j'avoûrai que le meilleur repas 4+6 a
Est un repas auprès de son amie ; 4+6 b
5 Et c'est le seul dont il ne parle pas ! 4+6 a
Un peu friand, je sers à ma manière 4+6 c
Le dieu joufflu du joyeux La Reynière. 4+6 c
Chapon doré ! succulente perdrix ! 4+6 d
Dindonneau tendre, au brillant coloris ! 4+6 d
10 Mets enchanteurs, que l'odorat dévore ! 4+6 f
Vous manger seul a sans doute son prix ; 4+6 d
Mangés à deux, vous valez mieux encore. 4+6 f
Je prise fort tout plaisir clandestin. 4+6 g
Or, vous saurez qu'il est de par le monde 4+6 h
15 Jeune beauté qui n'est brune ni blonde, 4+6 h
Dont les cheveux d'un séduisant châtain 4+6 g
Vont se jouant sur le plus blanc salin. 4+6 g
Si vous voyez nymphe aimable et lutine 4+6 i
Au doux regard, au sourire malin, 4+6 g
20 O mes amis ! vous direz : C'est Florine. 4+6 i
Dans ma retraite elle doit, ce matin, 4+6 g
Venir s'asseoir à mon humble festin. 4+6 g
Durant la nuit, cette image riante 4+6 j
Préoccupait mon âme impatiente. 4+6 j
25 Avant que l'aube eût coloré les cieux, 4+6 k
Le froid sommeil avait fui de mes yeux, 4+6 k
Et j'accusais l'horloge vigilante 4+6 j
De s'endormir dans sa marche trop lente. 4+6 j
Du déjeuner commençons les apprêts. 4+6 l
30 D'un rien l'amour fait une grande affaire. 4+6 c
Plaçons ici le fruit qu'elle préfère. 4+6 c
Que ces rideaux, complaisants et discrets, 4+6 l
D'un jour douteux protègent nos secrets. 4+6 l
Notre couvert, de la gauche à la droite, 4+6 m
35 A lui tout seul remplit la table étroite : 4+6 m
Tant mieux ! mes pieds, comme au hasard placés, 4+6 n
Seront aux siens mollement enlacés. 4+6 n
Mais tout est prêt : un poète sait être 4+6 o
Tout à la fois et serviteur et maître ; 4+6 o
40 Sans nul valet, il n'est point asservi 4+6 p
A bien payer pour être mal servi. 4+6 p
Quel bruit charmant vient frapper mon oreille ? 4+6 q
On a frappé… C'est elle ! heureux moment) 4+6 r
Elle paraît aux yeux de son amant 4+6 r
45 Plus belle encor qu'elle n'était la veille. 4+6 q
Par un baiser savouré lentement, 4+6 r
J'ai salué mon aimable convive. 4+6 s
Le cœur lui bat : inquiète et craintive, 4+6 s
Elle tremblait qu'un regard curieux 4+6 k
50 N'eût épié ses pas mystérieux ; 4+6 k
Je la rassure. Elle entre : je détache 4+6 t
Le nœud jaloux du chapeau qui la cache. 4+6 t
Vingt mots confus et jamais achevés 4+6 n
Sont sur sa bouche au passage enlevés… 4+6 n
55 Je vois Florine, et je ne vois plus qu'elle ! 4+6 u
Sans le vouloir on peut, en pareil cas, 4+6 a
Pour la convive oublier le repas : 4+6 a
Malignement elle me le rappelle ; 4+6 u
Tandis qu'Amour, souriant à l'écart, 4+6 v
60 Du doux festin jure d'avoir sa part. 4+6 v
Certain auteur qu'à bon droit on renomme, 4+6 w
Qui de la table a chanté les appas, 4+6 a
Du déjeuner rimerait tous les plats ; 4+6 a
Mais un amant n'est point un gastronome. 4+6 w
65 Le temps s'enfuit : d'un regard amoureux, 4+6 k
J'ose implorer un moment plus heureux… 4+6 k
Elle dit non, d'une voix faible et douce ; 4+6 x
Son œil m'attire, et sa main me repousse. 4+6 x
De ses refus s'augmente mon ardeur. 4+6 y
70 Belle d'amour, plus belle de candeur, 4+6 y
Presque à regret à mes vœux elle cède, 4+6 z
Et ses transports sont voilés de pudeur. 4+6 y
Mais aux transports le calme enfin succède. 4+6 z
Il faut passer du silence aux discours : 4+6 a
75 Des voluptés nécessaire intermède, 4+6 z
Un peu d'esprit vient à notre secours ; 4+6 a
Un peu d'esprit ne nuit point aux amours 4+6 a
Florine alors m'ordonne avec tendresse 4+6 b
De célébrer l'amour et son ivresse : 4+6 b
80 « Y penses-tu ? lui dis-je, moi, rimer ! 4+6 c
Auprès de toi je ne sais rien qu'aimer. 4+6 c
A tes genoux j'ai déposé ma lyre. 4+6 d
Rêves de gloire ont des charmes pour nous ; 4+6 e
Mais, je le sens, délire pour délire, 4+6 d
85 Rêves d'amour sont encor les plus doux. » 4+6 e
Je vois bientôt ses jolis doigts de rose 4+6 g
Éparpiller et mes vers et ma prose. 4+6 g
Qu'avec plaisir mon aimable lutin, * 4+6 g
Bouleversant mon grec et mon latin, 4+6 g
90 Parvient enfin au tiroir solitaire 4+6 c
Où ses billets vont se réfugier ! 4+6 c
Elle aperçoit celui que le premier 4+6 c
Sa main traça loin des yeux de sa mère. 4+6 c
Elle sourit voyant de ses cheveux 4+6 k
95 Enveloppés dans la même romance 4+6 h
Oui l'accusait de son indifférence, 4+6 h
Et soupirait mes timides aveux ! 4+6 k
J'entends sonner l'heure qui la rappelle. 4+6 u
Elle va fuir… mon bonheur avec elle ! 4+6 u
100 « Demeure encor… — Je ne puis ; il est tard !… » 4+6 v
Un long baiser, le baiser du départ, 4+6 v
Vient m'embraser de son humide flamme. 4+6 j
D'un pas furtif elle sort sans témoin ; 4+6 k
Elle s'éloigne, elle emporte mon âme, 4+6 j
105 Et mon adieu la suit encor de loin. 4+6 k
Je rentre, et, seul avec ma rêverie, 4+6 b
Des voluptés dont mon cœur s'enivra 4+6 l
Je me retrace une image chérie… 4+6 b
En soupirant je dis : « Elle était là ! » 4+6 l
mètre profil métrique : 4+6
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