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| = césure
MLV_1/MLV47
Charles MILLEVOYE
POÉSIES
1801-1814
POËMES
CHARLEMAGNE A PAVIE
CHANT QUATRIÈME
Loin du palais, Adalgise en courroux 4+6 a
Nourrit sa haine et prépare ses coups : 4+6 a
A son poignard il garde une victime. 4+6 a
Quelques instants encore, et le guerrier 4+6 b
5 Ne sera plus qu'un lâche meurtrier. 4+6 b
Par intervalle, aux approches du crime, 4+6 a
De ses remords il se sent combattu ; 4+6 c
Par intervalle un reste de vertu 4+6 c
Malgré lui-même en son cœur se ranime. 4+6 a
10 Tel le soleil de ses derniers rayons 4+6 a
Vient colorer les ténébreux nuages 4+6 b
Qui dans leurs flancs recèlent les orages, 4+6 b
La grêle affreuse et les noirs tourbillons. 4+6 a
Bientôt renaît la fureur d'Adalgise. 4+6 a
15 Que dis-je ! il veut que, servant ses complots, 4+6 b
Son père même au crime l'autorise. 4+6 a
Didier troublé reçoit et lit ces mots : 4+6 b
« L'ombre est propice, et la nuit est muette. 4+6 a
Que dans une heure une porte secrète 4+6 a
20 Devant mes pas s'ouvre ! C'en est assez. 4+6 a
Ou la vengeance, ou ma mort : choisissez. » 4+6 a
Perdre son fils ! le sauver par un crime ! 4+6 a
Comment choisir ? Entre ce double abîme 4+6 a
Didier demeure interdit et flottant. 4+6 a
25 Si l'étranger, loin du port s'écartant, 4+6 a
Entre les flots et la creuse ravine 4+6 b
S'est enga sur la roche en ruine, 4+6 b
Et des deux parts voit la mort qui l'attend, 4+6 a
Son œil se trouble, il pâlit, il s'arrête, 4+6 a
30 Jusques à l'heure où, sifflant sur sa tète, 4+6 a
Les vents du nord, fougueux tyrans des airs, 4+6 b
L'entrneront, au gré de la tempête, 4+6 a
Dans la ravine.ou dans les flots amers. 4+6 b
Du roi lombard image trop fidèle ! 4+6 a
35 Que fera-t-il ? d'une main criminelle 4+6 a
Doit-il signer l'aveu des attentats, 4+6 a
Ou d'Adalgise accepter le trépas ? 4+6 a
Au seul devoir il va céder peut-être 4+6 a
Mais devant lui de son fils menaçant 4+6 b
40 L'errante image alors semble apparaître. 4+6 a
Il jette un cri, prononce en frémissant 4+6 b
L'ordre fatal, et tombe pâlissant 4+6 b
Sur les degrés de ce trône sans maître. 4+6 a
Durant ce temps, à pas précipités, 4+6 a
45 Autour des murs de la ville soumise 4+6 b
S'égare encor le farouche Adalgise ; 4+6 b
Et du vainqueur les drapeaux détestés, 4+6 a
Battus des vents, sifflent à ses cotés. 4+6 a
De leur aspect sa haine est redoublée ; 4+6 a
50 Un feu plus sombre allume ses regards. 4+6 b
De citoyens une foule troublée 4+6 a
Au même instant parcourait les remparts, 4+6 b
A leur approche Adalgise s'écrie : 4+6 a
« Amis ! pour nous il n'est plus de patrie. 4+6 a
55 Les voyez-vous, ces insolents drapeaux 4+6 a
Dont la présence insulte à nos misères ? 4+6 b
Entendez-vous les mânes de nos pères 4+6 b
S'en indigner au fond de leurs tombeaux ? 4+6 a
Vengeons ces murs, vengeons la Lombardie ! 4+6 c
60 Armons nos bras de glaives, de flambeaux ; 4+6 a
A ces drapeaux attachons l'incendie ; 4+6 c
Et que leurs feux, guidant au loin nos pas, 4+6 a
De nos vainqueurs éclairent le trépas ! » 4+6 a
Comme il parlait, d'une flamme soudaine 4+6 a
65 Les étendards pétillent dévorés ; 4+6 b
Et, possé du démon de la haine, 4+6 a
Vers le palais à sa suite il entraîne 4+6 a
Les citoyens, de sa rage enivrés. 4+6 b
Et cependant l'adroite enchanteresse 4+6 a
70 Voudrait, au gré de son art infernal, 4+6 b
Punir d'Ogier l'infidèle tendresse, 4+6 a
Et l'accabler du bonheur d'un rival. 4+6 b
Elle voudrait dérober à la gloire 4+6 a
Du roi lombard le généreux vainqueur, 4+6 b
75 Pour Ophélie enflammer son grand cœur, 4+6 b
Et lui ravir les fruits de sa victoire. 4+6 a
De sa baguette elle frappe ; cl soudain 4+6 a
A son pouvoir la terre obéissante, 4+6 b
Près du palais, d'un merveilleux jardin 4+6 a
80 A déplo la pompe éblouissante. 4+6 b
Là, le printemps rit au sein des hivers ; 4+6 a
Les hauts sapins, les palmiers toujours verts 4+6 a
Vont balançant leurs souples colonnades ; 4+6 a
L'onde bondit en limpides cascades ; 4+6 a
85 Et son murmure, au loin charmant les airs, 4+6 a
A la douceur des plus tendres concerts. 4+6 a
Sous la feuillée, à la voix de Morgane, 4+6 a
Xe luth en main, un groupe de beautés, 4+6 b
Laissant flotter son voile diaphane, 4+6 a
90 Par ses regards invite aux voluptés 4+6 b
L'hôte nouveau de ces lieux enchantés. 4+6 a
Philtre d'amour plus dangereux encore. 4+6 b
Un pur nectar aussitôt a coulé, 4+6 a
Nectar charmant que la vermeille amphore 4+6 b
95 Dans son cristal a longtemps recelé. 4+6 a
Il réunit au parfum de la rose 4+6 a
Le vif éclat des plus fraîches couleurs ; 4+6 b
Dans les bosquets Morgane le compose 4+6 a
Du suc des fruits et de l'esprit des fleurs. 4+6 b
100 « Grand roi ! permets qu'à tes vaillants trophées 4+6 a
J'ose enlacer les myrtes amoureux, 4+6 b
Lui dit Morgane : un dieu créa les fées 4+6 a
Pour le bonheur des amants et des preux. 4+6 b
L'amour t'attend sur la couche odorante, 4+6 a
105 Dit-elle encor ; ces nymphes sont à moi : 4+6 b
Leur voix est tendre et leur bouche enivrante. 4+6 a
Tu peux choisir, la plus belle est à loi. » 4+6 b
Charles se tait ; il garde un front sévère : 4+6 a
« Contre l'amour mon cœur s'est affermi, 4+6 b
110 Dit-il. J'implore une faveur plus chère. 4+6 a
Le fier Roland, mon neveu, mon ami, 4+6 b
Peut-être, hélas ! sur la rive étrangère 4+6 a
A rencontré le malheur ou la mort… 4+6 a
Savante fée ! instruis-moi de son sort. » 4+6 a
115 Traçant dans l'air un signe symbolique : 4+6 b
« Fils de Milon ! dit-elle, quel transport 4+6 a
T'enchaîne aux pas de l'ingrate Angélique ? 4+6 b
Elle te fuit, elle insulte à les feux ; 4+6 a
Aux faibles sons d'un luth voluptueux, 4+6 a
120 Elle et Médor, sous des ombres fleuries, 4+6 b
Chantent l'amour… l'amour ! Ah ! malheureux ! 4+6 a
Leurs chants pour toi sont l'hymne des Furies. 4+6 b
Ce bois profond, de chênes couronné, 4+6 a
Qui sait ? peut-être a voilé leurs caresses, 4+6 b
125 Leurs longs baisers, leurs brûlantes ivresses ! 4+6 b
Qu'il tombe ! il dit ; sous son bras force 4+6 a
Le chêne éclate et meurt déraciné. » 4+6 a
Charles frémit de l'oracle funeste. 4+6 a
Mais tout à coup des accords ravissants 4+6 b
130 Frappent Morgane ; une extase céleste . 4+6 a
Vient par degrés enchner tous ses sens : 4+6 b
« Qu'ai-je entendu ? dit-elle ; quels accents ! 4+6 b
Est-ce le chant des magiques Orphées ? 4+6 a
Est-ce ta lyre, immortel Obéron ? 4+6 b
135 Non. Brise-toi, luth impuissant des fées ! 4+6 a
C'est un mortel : Arioste est son nom. 4+6 b
N'entends-tu pas la voix aérienne 4+6 a
De ton Roland signaler les travaux ? 4+6 b
Avec sa gloire elle chante la tienne : 4+6 a
140 Dans l'univers tu n'as plus de rivaux ; 4+6 b
Console-toi, même de Roncevaux ! » 4+6 b
La docte fée, en planant sur les âges, 4+6 a
De l'avenir lisait ainsi les pages. 4+6 a
Charles l'écoute avec étonnement. 4+6 a
145 A ses côtés cependant elle range 4+6 b
De ses lutins la légère phalange, 4+6 b
Et dit tout bas : « Nous touchons au moment 4+6 a
Que j'ai promis à mon ressentiment. 4+6 a
Secondez-moi, gracieuses sylphides. 4+6 a
150 Arbre d'amour ! arbre que j'ai plan lé ! 4+6 b
Trouble ses sens de tes charmes perfides, 4+6 a
Et des erreurs de ton prisme enchanté ; 4+6 b
Et qu'aujourd'hui la haine et la vengeance 4+6 a
Avec l'amour marchent d'intelligence. » 4+6 a
155 Près du héros qu'elle aspire à charmer 4+6 a
S'empresse alors chaque aimable sylphide ; 4+6 b
Et la plus jeune en souriant le guide 4+6 b
Vers les rameaux dont l'ombre fait aimer. 4+6 a
A peine il touche au magique feuillage, 4+6 a
160 Que sur ses yeux se répand un nuage. 4+6 a
Environné de prestiges d'amour, 4+6 a
Il croit d'abord, au séduisant séjour, 4+6 a
Voir s'égarer en de vertes allées 4+6 b
D'autres beautés fuyant l'éclat du jour, 4+6 a
165 Et seulement de leur pudeur voies. 4+6 b
L'une bientôt enchna tous ses vœux. 4+6 a
Les vents jouaient dans l'or de ses cheveux : 4+6 a
La plus modeste, elle était la plus belle ; 4+6 a
Et je ne sais quel charme en ses regards 4+6 b
170 Disait d'avance au vainqueur des Lombards 4+6 b
Qu'elle serait aussi la plus fidèle. 4+6 a
Dans cette image il avait reconnu 4+6 a
Les traits si doux de la belle Ophélie, 4+6 b
Ces yeux rêveurs et ce front ingénu, 4+6 a
175 Chargés d'amour et de mélancolie ; 4+6 b
Et, sur ses pas, de détours en détours, 4+6 a
S'abandonnant au magique dédale, 4+6 b
Sous les berceaux d'où la myrrhe s'exhale, 4+6 b
Toujours il suit l'ombre, qui fuit toujours. 4+6 a
180 « Prince, arrêtez, ou c'est.fait de vos jours, 4+6 a
Un noir complot menace votre tête. » 4+6 a
A ces accents, Charlemagne s'arrête : 4+6 a
Il voit Ogier, qui, les regards troublés, 4+6 a
Des chevaliers par ses soins rassemblés 4+6 a
185 A précé la phalange intrépide. 4+6 a
Devant ses pas le jardin mensonger, 4+6 b
L'arbre d'amour, la charmante sylphide, 4+6 a
Tout disparaît comme un songe léger. 4+6 b
La rage au cœur, Morgane frémissante 4+6 a
190 Agite en vain sa baguette puissante ; 4+6 a
Au sein des airs reprenant son essor, 4+6 a
Elle se tait ; c'est menacer encor. 4+6 a
Vers Charlemagne en partant elle guide 4+6 a
Les assassins, dont la troupe homicide 4+6 a
195 Sert Adalgise et ses projets affreux : 4+6 b
Le météore à la clarté livide 4+6 a
Est le flambeau qui marche devant eux ; 4+6 b
Dans leur fureur, silencieux et sombres, 4+6 a
Tantôt épars et tantôt ralliés, 4+6 b
200 Ils s'avançaient tels que d'horribles ombres, 4+6 a
Et frissonnaient, l'un de l'autre effrayés. 4+6 b
Au fils du roi les portes sont ouvertes ; 4+6 a
Suivi des siens, le long des cours désertes 4+6 a
Il s'avançait à pas lents et sans bruit : 4+6 a
205 Mais des clartés qui veillent dans la nuit 4+6 a
Frappent sa vue ; il s'arrête, il frissonne, 4+6 a
Et l'espérance un instant l'abandonne. 4+6 a
« Dieu ! qu'ai-je fait ? dit-il, j'ai tout détruit. 4+6 a
Le traître Ogier, de mes projets instruit, 4+6 a
210 De ce palais n'a-t-il pas pris la route ? 4+6 a
Les chevaliers, pour leur maître alarmés, 4+6 b
Debout encore et de leur glaive armés, 4+6 b
En ce moment l'environnent sans doute 4+6 a
Ils sont venus. Tremble, fier agresseur ! 4+6 a
215 Charles sur toi fend comme la tempête : 4+6 b
Son cimeterre est déjà sur ta tête, 4+6 b
La froide mort est déjà dans ton cœur. 4+6 a
Le fer des preux jette sur la poussière 4+6 a
Des révoltés la foule presque entière. 4+6 a
220 Le reste fuit, de terreur éperdu, 4+6 a
Et court au loin sous quelque abri sauvage 4+6 b
Ensevelir son impuissante rage, 4+6 b
Et le regret de son crime perdu. 4+6 a
Le souvenir de sa chute fatale 4+6 a
225 Glace Adalgise, et sa téméri 4+6 b
N'ose tenter une lutte inégale ; 4+6 a
Il cherche au loin l'ombre et l'impunité. 4+6 b
Didier tremblant, que le remords oppresse, 4+6 c
A révé sa parjure faiblesse. 4+6 c
230 Coupable roi ! ton arrêt est dicté. 4+6 b
Charles, forcé de condamner le crime, 4+6 a
En l'immolant regrettait la victime : 4+6 a
« Toujours punir, s'écria-t-il trois fois, 4+6 a
Toujours punir est donc le sort des rois ! » 4+6 a
235 Soudain paraît dans la salle isoe 4+6 a
Du criminel la fille désoe ; 4+6 a
Son œil est triste et son teint sans couleur, 4+6 a
Et sous ses traits on eut peint la Douleur. 4+6 a
Elle tremblait ainsi que la gazelle 4+6 a
240 Quand par hasard, au sein du bois profond, 4+6 b
Elle aperçoit le chasseur vagabond 4+6 b
Qui l'atteignit de sa flèche mortelle. 4+6 a
Charles pensif lève les yeux sur elle. 4+6 a
Oh ! qui peindra ses transports renaissants 4+6 a
245 Dès qu'il revoit celle sylphide aimable 4+6 b
Dont la présence enivra tous ses sens ? 4+6 a
Il veut parler ; un trouble inexprimable 4+6 b
Fait sur sa bouche expirer ses accents. 4+6 a
Brûlant d'un feu qu'il peul cacher à peine, 4+6 a
250 Avec lenteur il s'était rapproché 4+6 b
Du front charmant vers la terre penché ; 4+6 b
Il effleurait de sa brûlante haleine 4+6 a
Ce front d'albâtre et ces cheveux d'ébène. 4+6 a
Tremblant d'amour, il pressait une main 4+6 a
255 Qui frémissait dans la sienne oubliée, 4+6 b
Et, sur son sein doucement appue, 4+6 b
Pouvait compter les soupirs de son sein. 4+6 a
C'en était fait : un seul instant peut-être, 4+6 a
Et de ses feux il n'était plus le maître. 4+6 a
260 Mais un héros au devoir, à l'honneur 4+6 a
Sait immoler jusques à son bonheur : 4+6 a
« Fille adorable autant que malheureuse, 4+6 b
Rassurez-vous, dit la voix généreuse ; 4+6 b
Beauté, vertus ont des droits sur mon cœur. 4+6 a
265 Didier vivra : les jours de votre père 4+6 a
Par vous sauvés lui partront plus doux. » 4+6 b
Et, bénissant le prince tutélaire, 4+6 a
La vierge en pleurs embrassa ses genoux. 4+6 b
« La tendre fille est épouse fidèle, 4+6 a
270 Dit le héros, je vous dois un époux. 4+6 b
Ogier vous aime, il est digne de vous ; 4+6 b
Le plus vaillant mérite la plus belle. 4+6 a
— Jamais d'époux ! jamais… » s'écria-t-elle ; 4+6 a
Et de ses traits s'enflamma la pâleur ; 4+6 a
275 Et, le cœur plein d'un funeste présage, 4+6 b
L'infortunée en voilant son visage 4+6 b
Cacha du moins son trouble et sa douleur. 4+6 a
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