Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
MLV_1/MLV43
Charles MILLEVOYE
POÉSIES
1801-1814
POËMES
BELZUNCE
ou
LA PESTE DE MARSEILLE
Poëme désigné pour l'un des prix décennaux
Sous l'azur d'un beau ciel,d'olives couronnée, 6+6 a
Marseille s'élevaitpuissante et fortunée. 6+6 a
Le Commerce, autour d'elleétendant ses liens, 6+6 b
Couvrait de ses trésorsles flots lyrrhéniens ; 6+6 b
5 L'œil fixé sur les mers,il espérait encore. 6+6 a
Ces vaisseaux enrichisdes présents de l'aurore, 6+6 a
Ils approchent… Craignezleur abord désastreux ! 6+6 b
Et la Peste et la Mortvoyagent avec eux. 6+6 b
Déjà l'oiseau des mersloin de la rive impure 6+6 a
10 Fuit en poussant des crisde lamentable augure ; 6+6 a
Les tintements égauxde l'airain solennel 6+6 b
Frappent au loin les airsde leur lugubre appel : 6+6 b
Et le peuple est tranquille !Au sein de ses murailles 6+6 a
Il compte les trésorset non les funérailles ! 6+6 a
15 Un seul homme aux périlsde la sécurité 6+6 b
Opposait de son artla vaine autorité(1) : 6+6 b
« Malheureux ! criait-il,par quel fatal délire 6+6 a
Douter obstinémentdu mal qui vous déchire ? 6+6 a
Que diriez-vous enfin,si, m'immolant pour vous, 6+6 b
20 Je vous foais de croireà l'horreur de ses coups ? » 6+6 b
Il dit ; et le scalpel.sous la main qui le guide, 6+6 a
Interroge la Mortaux flancs d'un corps livide : 6+6 a
La Mort répond. Déjàle monstre empoisonné 6+6 b
Révèle sa présenceau peuple consterné ; 6+6 b
25 Et le noble martyr,qu'un prompt tourment dévore, 6+6 a
Dit à ce peuple : « Eh bien !douterez-vous encore ? » 6+6 a
Les yeux s'ouvrent alors :toute une ville en deuil 6+6 b
Se réveille éperdueau bord de son cercueil. 6+6 b
Avez-vous quelquefois,alors que les orages 6+6 a
30 Annoncent aux vaisseauxl'approche des naufrages. 6+6 a
Entendu ces bruits sourdspar degrés redoublés, 6+6 b
Ces confuses clameursdes matelots troublés ? 6+6 b
Du peuple dans l'effroitelle est la voix plaintive. 6+6 a
Les trésors d'Orientsont épars sur la rive ; 6+6 a
35 Le noir cordage flotteà demi détendu ; 6+6 b
Et l'avide marchand,interdit, confondu, 6+6 b
Regardant sa richesseavec indifférence, 6+6 a
Borne ses longs calculset sa longue espérance. 6+6 a
La pompeuse citén'offre plus au regard 6+6 b
40 Qu'un peuple de mourantsà l'œil creux et hagard. 6+6 b
Leur langue desséchéeaux accents se refuse ; 6+6 a
Leur esprit incertain,qu'un vain prestige abuse, 6+6 a
Ne voit plus qu'à traversun voile ténébreux ; 6+6 b
Et, jusqu'à la douleur,tout est songe pour eux. 6+6 b
45 La douleur cependantprovoque, aigrit sans cesse 6+6 a
De leurs nerfs inquietsl'irritable faiblesse. 6+6 a
Ceux-ci du coup fataltombent frappés soudain, 6+6 b
Ceux-là vont au cercueilpar un plus long chemin : 6+6 b
L'un sur le bord des eauxavec effort se trne ; 6+6 a
50 L'autre . égaré, tantôtmord la poudreuse arène, 6+6 a
Tantôt ronge en huilantses bras défigurés 6+6 b
Que le brûlant ulcèrea presque dévorés. 6+6 b
De citoyens armésune inflexible chne 6+6 a
Autour des murs s'étend,par devoir inhumaine. 6+6 a
55 Prêt à tonner, le bronzeest tourné vers le port, 6+6 b
Et la Mort se présenteà qui veut fuir la Mort. 6+6 b
La Consternation,immobile et glacée, 6+6 a
Reste, sans souvenir,sans plainte, sans pensée : 6+6 a
Le port désert, plongédans un calme effrayant, 6+6 b
60 N'entend plus ni les cris,ni le marteau bruyant ; 6+6 b
Les temples sont fermés :dans ces douleurs publiques, 6+6 a
Des saints sur les autelson voila les reliques ; 6+6 a
Le cierge consacrécessa de s'allumer, 6+6 b
L'hymne de retentir,et l'encens de fumer. 6+6 b
65 Voilà donc ces rempartssi fameux d'âge en âge, 6+6 a
Ce sol des troubadours,dont le ciel sans nuage 6+6 a
Semblait du ciel romainrépéter les splendeurs ! 6+6 b
sont, fille des mers,tes antiques grandeurs ? 6+6 b
sont ces nautoniersde qui la foule active 6+6 a
70 Appelait le regardde l'Europe attentive ? 6+6 a
Émule de Sidonet rivale de Tyr ! 6+6 b
Le dévorant oublis'apprête à t'engloutir. 6+6 b
En vain, pour te fonder,la brillante Ionie 6+6 a
Endurcit aux travauxsa molle colonie ; 6+6 a
75 En vain Rome et Césarpeuplaient tes murs fameux : 6+6 b
Comme eux tu t'élevais,tu vas tomber comme eux ; 6+6 b
Tu vas joindre au tombeauBabylone et Carthage. 6+6 a
Un jour, le voyageurégaré vers ta plage, 6+6 a
Sur ton havre isoléjetant un œil surpris, 6+6 b
80 Demandera Marseilleà ses muets débris. 6+6 b
Ainsi Jérusalem,à Dieu longtemps si chère, 6+6 a
Quand sur elle eut souffléle vent de la colère, 6+6 a
Croulant sous le fardeaude ses calamités, 6+6 b
Tomba, dans un moment,du trône des cités ; 6+6 b
85 Et du prophète-roil'héritière divine 6+6 a
Emplit tout l'Orientdu bruit de sa ruine. 6+6 a
Mais voilà que, du cielsur la terre envoyé, 6+6 b
Appart tout à coupun ange de pitié : 6+6 b
C'est Belzunce. Les crisde Marseille plaintive 6+6 a
90 Ont averti de loinson oreille attentive ; 6+6 a
Il accourt, on s'écrie :« portez-vous vos pas ? 6+6 b
Fuyez, fuyez la mort !— Non, je ne fuirai pas. 6+6 b
Qu'une indigne frayeurlâchement me retienne ! 6+6 a
Non ; ce peuple est mon peuple,et sa vie est la mienne : 6+6 a
95 Ma place est là, j'y cours ;auprès de son troupeau 6+6 b
Le pasteur attendral'homicide fléau. » 6+6 b
Ses ordres à l'instantrouvrent le sanctuaire ; 6+6 a
Le peuple avec ferveurl'escorte vers la chaire, 6+6 a
Et s'arrête, saisid'un saint frémissement. 6+6 b
100 Belzunce devant Dieuse recueille un moment ; 6+6 b
Et, les .yeux attachéssur la croix symbolique, 6+6 a
Fait entendre en ces motssa voix évangélique : 6+6 a
« Aux clous de cette croixl'Homme-Dieu vint s'offrir. 6+6 b
Que son exemple au moinsnous enseigne à souffrir ! 6+6 b
105 Adorez avec moila volonté céleste ; 6+6 a
Humbles de cœur, prions :le ciel fera le reste. » 6+6 a
Il dit ; vers le Très-Hautla prière a volé ; 6+6 b
Le malheureux qui prieest déjà consolé. 6+6 b
Cependant le prélat,dans ce désordre extrême, 6+6 a
110 l'effroi du périldouble le péril même, 6+6 a
Au-devant du trépasmarche sans s'émouvoir, 6+6 b
Et rend autour de luila vie avec l'espoir. 6+6 b
Il ouvre à la douleurun asile propice ; 6+6 a
Son auguste palaisse change en humble hospice. 6+6 a
115 Les lits nombreux du pauvre,alignés tristement, 6+6 b
Désormais de ces lieuxsont l'unique ornement ; 6+6 b
Et tout l'or qu'enfermaitl'opulente demeure 6+6 a
Partout s'offre aux besoinsdu malade qui pleure(2). 6+6 a
Saint prélat ! Dieu te gardeun bien plus précieux : 6+6 b
120 Ta noble pauvretédoit t'enrichir aux cieux. 6+6 b
Trois sages, qu'a nourrisl'Épidaure nouvelle(3), 6+6 a
A son zèle pieuxjoignent leur docte zèle : 6+6 a
Avec eux il pénètreau fond des noirs réduits 6+6 b
veille la douleurdans la longueur des nuits, 6+6 b
125 Et présente au mourantqu'un feu secret consume 6+6 a
Du breuvage ordonnéla propice amertume. 6+6 a
De l'homme qui s'éteintil recueille les vœux, 6+6 b
Les derniers repentirset les derniers aveux ; 6+6 b
Il lui rappelle, à l'heure l'espoir l'abandonne, 6+6 a
130 Que le Dieu d'Israëlest le Dieu qui pardonne ; 6+6 a
Et, fidèle soutien,guide ses faibles pas 6+6 b
Vers ce jour immortelqui commence au trépas. 6+6 b
Des terrestres lienslorsque ses mains sacrées 6+6 a
S'empressaient d'affranchirles âmes épurées, 6+6 a
135 A de tristes devoirssacrifiant leurs jours, 6+6 b
Des hommes généreuxdérobaient aux vautours 6+6 b
De tant d'infortunésla dépouille mortelle. 6+6 a
Intrépide Mouslier !infatigable Estelle(4) ! 6+6 a
Rose(5), toi qu'on a vutenir du même bras 6+6 b
140 La bêche funéraireet le fer des combats ! 6+6 b
Et toi qui, signalantton zèle magnanime, 6+6 a
Pour servir le malheurbrisas les fers du crime(6) ! 6+6 a
Vous tous, dignes appuisd'un prélat révéré, 6+6 b
Que votre nom du sienne soit point séparé ! 6+6 b
145 Mais, malgré leurs efforts,l'ardente maladie 6+6 a
Redouble les progrèsde son vaste incendie. 6+6 a
Prêtre saint ! de tes doigtsglacés d'un froid mortel 6+6 b
Tombe la pure hostieaux marches de l'autel. 6+6 b
Élève d'Hippocrate !au lit de la souffrance 6+6 a
150 Tu n'iras plus porterla dernière espérance : 6+6 a
L'hydre affreuse te lanceun farouche regard, 6+6 b
Et se venge sur loides bienfaits de ton art. 6+6 b
Ici, l'œil attachésur les plaines profondes, 6+6 a
Expirent ces nochers,vieux habitants des ondes ; 6+6 a
155 Là meurent ces guerriersqui, perdant leur trépas, 6+6 b
Sont renversés sans gloireet vaincus sans combats. 6+6 b
Au chevet d'un amil'ami s'assied et pleure ; 6+6 a
L'égoïste au cœur durs'enferme en sa demeure ; 6+6 a
Là, privé de soutiens,il meurt triste, isolé : 6+6 b
160 Il ne consola point,et n'est point consolé. 6+6 b
Au corps glacé d'un filsla mère en son délire 6+6 a
S'attache, et doit la mortau venin qu'elle aspire 6+6 a
Le vieillard oublié,sur sa couche étendu, 6+6 b
Appelle, appelle encore,et n'est point entendu ! 6+6 b
165 Le frère évite un frère :en leur effroi barbare, 6+6 a
Loin de les réunir,le malheur les sépare. 6+6 a
Plus de pitié ! chacunne connt plus que soi : 6+6 b
Vivre est l'unique bien,vivre est l'unique loi. 6+6 b
Le fils, sans redouterla céleste colère, 6+6 a
170 Livre aux pieds du passantle cadavre d'un père. 6+6 a
Le mourant qui gémitsur le seuil est trné ; 6+6 b
Et sous un toit connusi quelque infortuné 6+6 b
Cherche pour un instantà reposer sa tète, 6+6 a
Il trouve à l'écarterune main toujours prête, 6+6 a
175 Ne voit pas un amiqui l'ose secourir, 6+6 b
Et, repoussé partout,ne sait plus mourir. 6+6 b
Cependant le fléau,s'arrêtant au rivage, 6+6 a
N'a point enveloppédans le commun ravage 6+6 a
Ces pâles criminelsaux travaux condamnés, 6+6 b
180 Sur le banc d'infamieà jamais enchnés. 6+6 b
Langeron vient, et dit :« Courez par vos services 6+6 a
Mériter de Marseilleun terme à vos supplices ; 6+6 a
Soyez libres ! » Soudainleurs fers sont détachés. 6+6 b
Mais, à l'aspect des mortsdont ces lieux sont jonchés, 6+6 b
185 Des terreurs du trépasleur âme est poursuivie : 6+6 a
Leur vie est un tourment,mais c'est encor la vie ; 6+6 a
Et déjà, regrettantles maux qu'ils ont soufferts, 6+6 b
Tous ensemble à genouxredemandent leurs fers. 6+6 b
Allez, dit Langeron,vieillissez sur vos rames ; 6+6 a
190 Laissez ces nobles soinsà de plus nobles âmes ! » 6+6 a
Il parlait. Rose accourt ;la bêche arme sa main. 6+6 b
Parmi les flots du peupleil se fraye un chemin : 6+6 b
« Timides citoyens,dignes de vos misères ! 6+6 a
Songez-vous que ces mortssont vos fils, sont vos pères ? 6+6 a
195 Devant leurs corps glacésvous reculez d'effroi ! 6+6 b
Qui creusera leur tombe ?Eh bien ! ce sera moi. » 6+6 b
De la bêche, à ces mots,il frappe le rivage.- 6+6 a
Son exemple a du peupleexalté le courage ; 6+6 a
De tous les citoyensles bras lui sont offerts. 6+6 b
200 Les foats entrnésrenoncent à leurs fers ; 6+6 b
Une seconde foisles chnes sont brisées, 6+6 a
Sous les rapides coupsmille tombes creusées 6+6 a
Réunissent les mortsdans leur dernier séjour : 6+6 b
Et le soir ne vit pointles désastres du jour. 6+6 b
205 Mais quel son vient frappermon oreille attentive ? 6+6 a
Muse de la douleur !ta voix douce et plaintive 6+6 a
Prélude-t-elle au chantdes dernières amours ? 6+6 b
L'aimable Florestanet la jeune Selmours, 6+6 b
Nourris du même laitet nés à la même heure, 6+6 a
210 Tous les deux élevésdans la même demeure, 6+6 a
Sous l'œil de leurs parentsconfidents de leurs feux, 6+6 b
D'un vertueux amouravaient serré les nœuds. 6+6 b
Déjà depuis trois joursils comptaient vingt années ; 6+6 a
Déjà se préparaientles noces fortunées… 6+6 a
215 Selmours à ces apprêtssouriait tristement. 6+6 b
Regardant tour à toursa mère et son amant, 6+6 b
Le cœur gros de soupirs,je ne sais quel présage 6+6 a
D'un voile d'infortuneobscurcit son visage, 6+6 a
Et des pleurs en secrets'échappent de ses yeux. 6+6 b
220 Hélas ! ce n'étaient pointces pleurs délicieux, 6+6 b
Trésor d'une âme aimanteet de bonheur remplie : 6+6 a
Car le bonheur lui-mêmea sa mélancolie ; 6+6 a
Mais ces pleurs douloureuxqui, toujours plus amer :., 6+6 b
Semblent nous annoncerquelque prochain revers. 6+6 b
225 Le frisson de la crainteen ses veines circule : 6+6 a
Dans son trouble elle a cru(tout cœur tendre est crédule), 6+6 a
Elle a cru reconntreà des signes certains 6+6 b
Qu'un triste événementmenace ses destins. 6+6 b
La veille,.à ses regards,l'oiseau des funérailles 6+6 a
230 Est venu se perchersur le haut des murailles, 6+6 a
Et les longs sifflementsde sa lugubre voix 6+6 b
Au sein de la nuit sombreont retenti trois fois. 6+6 b
Elle instruit de sa crainteune mère qui l'aime, 6+6 a
Sa mère la rassure,et frémit elle-même. 6+6 a
235 Vain fantôme, qu'enfanteet que nourrit la peur, 6+6 b
Vague pressentiment,tu n'étais point trompeur ! 6+6 b
Le mal contagieux,qui d'heure en heure augmente, 6+6 a
Accable au même jouret l'amant et l'amante. 6+6 a
De bonheur et d'espoirquand tout rit autour d'eux, 6+6 b
240 Sous l'atteinte mortelleils vont périr tous deux. 6+6 b
Qu'au retour des zéphyrsdeux jeunes hirondelles 6+6 a
Dans leur joyeux essorentrelacent leurs ailes, 6+6 a
Le ciel semble sourireà leur hymen heureux ; 6+6 b
Mais, aux rayons du jour,quand leur vol amoureux 6+6 b
245 Dans le vague des airsmollement se balance, 6+6 a
Du tube meurtriersi le plomb qui s'élance 6+6 a
Les atteint, plus d'hymen !on voit en un instant 6+6 b
Tomber du haut des cieuxle couple palpitant. 6+6 b
Telle est des deux amantsla noire destinée. 6+6 a
250 Pour éclairer ta fête,ange de l'Hyménée, 6+6 a
Devais-tu n'allumerqu'un flambeau sépulcral ? 6+6 b
Un linceul… tel est doncleur voile nuptial ! 6+6 b
Ces amants, dont la voixne pouvait plus s'entendre, 6+6 a
S'adressaient en silenceun adieu triste et tendre, 6+6 a
255 Et, nés au même instant,ils demandaient aux cieux 6+6 b
Que dans le même instantla mort fermât leurs yeux. 6+6 b
Belzunce étend ses mainssur leur front qui s'incline, 6+6 a
Atteste de l'hymenla majesté divine, 6+6 a
Leur promet dans le cielde saints embrassements ; 6+6 b
260 Et l'autel de la morta reçu leurs serments. 6+6 b
Belzunce ému s'éloigne :enflammé d'un saint zèle, 6+6 a
Il se montre partout le danger l'appelle ; 6+6 a
Partout le fléausemble le plus affreux, 6+6 b
Il vole, et ses secourssont au plus malheureux. 6+6 b
265 Quand Moïse, aux regardsde la foule tremblante, 6+6 a
Franchit du haut Horebla cime étincelante, 6+6 a
Israël éperdu,prosterné devant Dieu, 6+6 b
A son libérateurdisait un long adieu : 6+6 b
Telle, autour de Belzunce,une foule éplorée 6+6 a
270 Recommandait au cielcette tête sacrée. 6+6 a
Peuple, cesse ta plainte,et sors de ton effroi ; 6+6 b
Le ciel veille sur luipour qu'il veille sur toi. 6+6 b
Sous l'aile du Seigneur,le prélat vénérable 6+6 a
Dans le commun fléaudemeure invulnérable. 6+6 a
275 Enfin, sous tant d'effortsil se sent accablé ; 6+6 b
De succomber trop tôtlui-même il a tremblé. 6+6 b
L'intrépide nageurqui sur les noirs abîmes 6+6 a
A déjà ressaiside nombreuses victimes, 6+6 a
Vers d'autres malheureuxpar le flot menacés 6+6 b
280 Se précipite, lutte,étend ses bras lassés, 6+6 b
Les saisit Mais, hélas !sans force et sans haleine, 6+6 a
Pourra-t-il parvenirà la rive lointaine ? 6+6 a
Tel est Belzunce. Au cielsa grande âme eut recours : 6+6 b
« Dieu, laissez-moi pour euxvivre encor quelques jours ! 6+6 b
285 Et nous, que l'anathèmea choisis pour victimes, 6+6 a
Nous, pécheurs, qui portonsla peine de nos crimes, 6+6 a
Essayons d'émousserles flèches du courroux ; 6+6 b
Mettons la pénitenceentre la mort et nous. 6+6 b
Peuple, suivez mes pas !» Et la foule troublée 6+6 a
290 Autour de lui se presse,en désordre assemblée. 6+6 a
Il était nuit. Belzunce,en ces pieux instants, 6+6 b
Humble et le cou pressédu nœud des pénitents, 6+6 b
Le pied nu, l'œil au ciel,marche autour des murailles ; 6+6 a
A voix basse entonnantl'hymne des funérailles. 6+6 a
295 De pâles citoyens,cortége peu nombreux, 6+6 b
Consumant leur faiblesseen efforts douloureux, 6+6 b
A peine supportaientd'une main affaiblie 6+6 a
Les flambeaux défaillants,image de leur vie. 6+6 a
Lorsque, devant leurs pas,l'asile sépulcral 6+6 b
300 Offrit ses humbles croixet son tertre inégal, 6+6 b
Leur chant religieuxbénit la poudre sainte 6+6 a
Des ossements blanchis,épars dans son enceinte ; 6+6 a
Et la nuit répétales ténébreux accords 6+6 b
Des mourants qui priaientsur la cendre des morts. 6+6 b
305 De ce chant consacréles tombes retentirent ; 6+6 a
La terre s'en émut,et les cieux l'entendirent. 6+6 a
On dit même qu'alorsl'ange mystérieux 6+6 b
Qui s'assied aux confinsde la terre et des cieux, 6+6 b
Laissant un sillon d'orsur sa route étoilée, 6+6 a
310 Descendit lentement,et, la face voilée, 6+6 a
Recueillit les soupirs,et, saint médiateur, 6+6 b
Les porta sur son aileaux pieds du Créateur. 6+6 b
Faveur soudaine ! il luit,le jour de la clémence : 6+6 a
L'Éternel fait un signe,et le pardon commence. 6+6 a
315 Le peuple, libre enfindu fléau destructeur, 6+6 b
Embrasse les genouxde son libérateur, 6+6 b
Le porte vers le temple,et, par un juste hommage, 6+6 a
Bénit le Tout-Puissantdans sa vivante image. 6+6 a
(1)  Le chirurgien Guyon.
(2)  Ce n' est point là le seul trait de désintéressement qui honore l'âme de M. de Belzunce. En 1733, le roi l'ayant nomme à l'évêché de Laon, duché- pairie, il refusa cette faveur, et ne voulut point abandonner un diocèse que le souvenir de ses dangers et de ses sacrifices semblait lui rendre plus cher encore.
(3)  Les trois médecins de Montpellier.
(4)  Échevins de Marseille.
(5)  Le chevalier Rose.
(6)  Le chef d'escadre Langeron, gouverneur des galériens.
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université