Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
MLV_1/MLV32
Charles MILLEVOYE
POÉSIES
1801-1814
CHANTS ÉLÉGIAQUES
LE MANCENILLIER(1)
« Qu'il serait doux le baiser de ta bouche, 4+6 a
O Zarina !… Je l'aime, et je suis roi. » 4+6 b
Ainsi parlait le chef au cœur farouche 4+6 a
A Zarina qui pâlissait d'effroi. 4+6 b
5 « Fier Nélusko ! Zarina te.révère ; 4+6 a
Mais Zéphaldi lui seul est tout pour moi. » 4+6 b
Jetant sur elle un regard de colère, 4+6 a
Il répéta : « Je t'aime, et je suis roi. » 4+6 b
Puis affectant un visage tranquille : 4+6 a
10 « O Zarina ! ce soir je t'attendrai 4+6 b
Dans le bocage, au couchant de notre île. » 4+6 a
Et Zarina répondit : « J'y serai. » 4+6 b
Il s'éloigna. L'insulaire tremblante 4+6 a
Alla s'asseoir sous le mancenillier, 4+6 b
15 Et commença, d'une voix faible et lente, 4+6 a
Ce chant lugubre et qui fut le dernier : 4+6 b
« Viens, Nélusko ! La feuille balancée 4+6 a
» Frémit au loin sous les vents en courroux. 4+6 b
» Ta nuit d'amour sera triste et glacée, 4+6 a
20 » Et mon sommeil sera paisible et doux. 4+6 b
» O charme pur ! ô voluptés nouvelles ! 4+6 a
» Esprit de l'air, est-ce toi que j'entends ? 4+6 b
» Viens-tu dé m'emporter sur tes ailes 4+6 a
» Vers les bosquets de l'éternel printemps ? 4+6 b
25 » Je t'ai gardé le baiser de ma bouche, 4+6 a
» Mon jeune ami ! viens te rejoindre à moi 4+6 b
» Dans ce séjour où le maître farouche 4+6 a
» Ne dira plus : Je t'aime, et je suis roi. » 4+6 b
Elle disait. Déjà sur sa paupière 4+6 a
30 Le long sommeil descendait lentement ; 4+6 b
Lorsqu'à grands pas traversant la bruyère, 4+6 a
Soudain parut Zéphaldi, son amant, 4+6 b
Il la cherchait. O terreur ! sous l'ombrage 4+6 a
A peine il vit sa belle Zarina, 4+6 b
35 Qu'il reconnut le funeste feuillage, 4+6 a
Et que d'horreur tout son cœur frissonna. 4+6 b
Il la saisit sous l'arbre solitaire, 4+6 a
Et dans ses bras l'emportant plein d'effroi : 4+6 b
« O Zarina ! parle, qu'allais-tu faire ? 4+6 a
40 — Me dérober aux poursuites d'un roi. » 4+6 b
Le lendemain la pierre accoutumée 4+6 a
Avait reçu leur serment nuptial, 4+6 b
Et l'humble toit de la hutte enfumée 4+6 a
Faisait envie au pavillon royal. 4+6 b
45 A leur passage en tumulte on s'élance ; 4+6 a
Et Zéphaldi répétait en chemin : 4+6 b
« J'ai la sagaie, et la flèche, et la lance, 4+6 a
Et tout rival périra de ma main. » 4+6 b
Le roi présent dévore la menace ; 4+6 a
50 Son âme altière est contrainte à fléchir : 4+6 b
Tel un torrent frémit, écume et passe 4+6 a
Au pied d'un mont qu'il ne saurait franchir. 4+6 b
(1)  Le mancenillier, arbre des Antilles, faisait, dit-on, passer du sommeil à la mort quiconque reposait sous son ombre. On ajoute, je ne sais sur quel témoignage, que ce genre de mort était précédé de sensations délicieuses.
mètre profil métrique : 4+6
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