ÉLÉGIES |
LIVRE SECOND |
DANAÉ |
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La nuit règne ; les vents assiégent en furie |
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La nef où Danaé va, dans la sombre mer, |
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Périr avec son fils, le fils de Jupiter ! |
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Danaé de ses bras l'environne, et s'écrie : |
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« Nous ne reverrons plus les rivages d'Argos ; |
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Mon père nous condamne aux ombres éternelles. |
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Aimable et cher enfant, dors, bercé par les flots ; |
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Vagues, dormez ; dormez, souffrances maternelles ! |
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» O mon fils ! tu ne crains ni le courroux des vents, |
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Ni la nuit sans clarté, ni la vague sonore ; |
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Ton doux et jeune cœur se rit des flots mouvants |
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Qui passent sur ton front sans le toucher encore. |
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Ah ! si tu comprenais nos dangers et nos maux, |
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Tu sentirais aussi mes alarmes mortelles. |
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Mais non… dors, mon enfant ; dors, bercé par les flots ; |
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Vagues, dormez ; dormez, souffrances maternelles ! |
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» Tyndarides brillants, dont l'éclat toujours pur |
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Des turbulentes mers blanchit le noir azur, |
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O célestes Gémeaux, que le nocher révère ! |
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Ce fils d'un sang divin, n'est-il pas votre frère ? |
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De Danaé plaintive écoutez les sanglots : |
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Veillez sur nous du haut des voûtes éternelles. |
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Et toi, dors, mon enfant ; dors, bercé par les flots ; |
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Vagues, dormez ; dormez, souffrances maternelles ! |
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» Cyclades, chastes sœurs, qui flottez sur la mer, |
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Et couronnez au loin les flots bruyants d'Égée ! |
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Je me confie à vous : du fils de Jupiter |
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Attirez sur vos bords la barque protégée. |
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Sers une autre Latone, ô palmier de Délos ! |
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Étends sur nous aussi tes feuilles immortelles. |
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Et toi, dors, mon enfant ; dors, bercé par les flots ; |
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Vagues, dormez ; dormez, souffrances maternelles ! |
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» N'ai-je point découvert sur les flots aplanis |
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Tes enfants balancés mollement dans leurs nids, |
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Fille du dieu des vents, tutélaire Alcyone ? |
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N'ai-je pas entendu ta plainte monotone ? |
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Au nom de ton Céix englouti dans les eaux, |
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Que la docile mer se calme sous tes ailes ! |
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Et toi, dors, mon enfant ; dors, bercé par les flots ; |
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Vagues, dormez ; dormez, souffrances maternelles ! |
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» Déesse aux pieds d'albâtre, orageuse Thétis, |
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Du souverain des dieux, toi, fille auguste et chère ! |
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Tu sais, hélas ! quels pleurs coûtent les jours d'un fils ; |
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Mère, prête l'oreille aux plaintes d'une mère. » |
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Thétis entend sa voix, et dit : « Nymphes des eaux, |
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Confiez leurs destins aux Cyclades fidèles ! |
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Et toi, dors, jeune enfant ; dors, bercé par les flots ; |
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Vagues, dormez ; dormez, souffrances maternelles ! » |
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