Métrique en Ligne
MIK_1/MIK35
Éphraïm MIKHAËL
Œuvres
1884-1890
FRAGMENTS ET ÉBAUCHES DE POÉSIES
La Forêt Sacrée
Féerie
PERSONNAGES
Le Prince
La Nymphe
Le Sylphe
Le Gnome
Les Bêtes
Hélène
La Reine Des Fées
LE PRINCE, à la Nymphe.
Vierge, ton nom ?
LA NYMPHE.
Je suis la Nymphe des fontaines. 6+6 a
Je ne suis qu’une enfant divine et je frémis 6+6 b
Dans ces bois saccagés par des brises hautaines 6+6 a
Qui blessent sur les lacs mes nénufars amis. 6+6 b
5 Je ne suis qu’une enfant immortelle et peureuse 6+6 a
Et je me sens captive en mes propres forêts ; 6+6 b
Mon urne de déesse épand l’eau douloureuse, 6+6 a
Mais j’ignore à jamais ses sonores secrets. 6+6 b
LE PRINCE, à un Sylphe.
Toi ?
LE SYLPHE.
Les menthes des champs naissent de mon haleine, 6+6 a
10 Les baisers dispersés dans le vent du printemps 6+6 b
Suscitent les grands lys triomphaux dans la plaine, 6+6 a
Ma pitié met des fleurs sur le deuil des étangs. 6+6 b
LE PRINCE
Dis-moi, Sylphe, pour quelle ineffable venue 6+6 a
Tu prépares les clairs chemins ? Pourquoi cet or, 6+6 b
15 Et ces tapis couvrant au loin la terre nue ? 6+6 a
Attends-tu chaque année un dieu qui tarde encor ? 6+6 b
LE SYLPHE.
Je ne sais pas. Je vis. J’empourpre les ramures, 6+6 a
Car c’est la tâche inexpiable que je dois ; 4+4+4 b
Je ne sais pas pourquoi je fais saigner les mûres 6+6 a
20 Des branches et s’ouvrir les roses sous mes doigts 6+6 b
LE PRINCE, à un Gnome.
Toi, Gnome en noir qui ris avec des dents méchantes, 6+6 a
Pourquoi dans ton poing dur cette serpe de fer 6+6 b
Et quelle est la chanson mauvaise que tu chantes ? 6+6 a
LE GNOME.
Je ne sais. Ma chanson fait la mort et l’hiver, 6+6 b
25 Et je ris de songer aux tempêtes prochaines. 6+6 a
Je suis seigneur des gens et seigneur des pays 6+6 b
Et cette serpe abat la royauté des chênes, 6+6 a
Mais je ne suis qu’un pâle esclave et j’obéis. 6+6 b
LES BÊTES MERVEILLEUSES, s’approchent du Prince.
Nous sommes les dragons gardiens de l’or stellaire, 6+6 a
30 Notre griffe retient les astres dans le soir. 6+6 b
Nous attendons couchés au seuil crépusculaire 6+6 a
Et nous veillons le vaste ciel sans rien savoir. 4+4+4 b
LE SYLPHE.
Voilà nos vains secrets, ô Prince, qu’on te livre. 6+6 a
Nos vils trésors sont entassés à tes genoux : 4+4+4 b
35 Tu vois, nous vivons tous dans la stupeur de vivre 6+6 a
Et nous sentons parfois la honte d’être nous. 6+6 b
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HÉLÈNE
Ami, les fleurs de nuit qui veillent les palais 6+6 a
Frissonnent sous un vent de deuil ; respire-les. 6+6 a
40 N’est-ce pas qu’elles ont, ce soir, un parfum triste ? 6+6 a
Aujourd’hui, quand tes chiens royaux suivaient la piste 6+6 a
Des sangliers parmi la fête des forêts, 6+6 a
Lasse et prise de peur plaintive, je pleurais. 6+6 a
Ton cor de bronze avait de sombres sonneries, 6+6 a
45 Tu semblais annoncer les neiges aux prairies 6+6 a
Et proclamer, mon doux et funèbre sonneur, 6+6 a
L’automne de l’amour et la mort du bonheur. 6+6 a
LE PRINCE
Hélène, Hélène, vers les mers orientales, 6−6 a
Vers les jardins aimés et les forêts natales 6+6 a
50 Nous partirons avec des lilas dans les mains, 6+6 a
Et d’enfantines fleurs le long des clairs chemins 6+6 a
Neigeront sous les doigts épris des fiancées 6+6 a
Pourtant voici qu’un glas de mauvaises pensées 6+6 a
Retentit longuement dans mon âme, et j’entends 6+6 a
55 Une voix d’ironie insulter le printemps. 6+6 a
Pardon, pardon, ma blanche et joyeuse princesse, 6+6 a
Car près de toi je songe à l’antique sagesse 6+6 a
Des centaures lointains qui m’aimaient autrefois ; 6+6 a
Je me souviens des soirs fabuleux, dans les bois 6+6 a
60 Réveillés par les cors d’étranges chasseresses ; 6+6 a
Je songe aux nuits où les grandes enchanteresses 6−6 a
Cueillaient les fleurs de mort éparses sur les monts. 6+6 a
Je le sais bien, je le sais bien, nous nous aimons 6−6 a
Et nous marchons parmi les princes de la terre, 6+6 a
65 Mais mon désir s’en va toujours vers le mystère 6+6 a
Du pays merveilleux que je n’ai pas foulé, 6+6 a
Et même près de toi je me sens exilé. 6+6 a
HÉLÈNE
Quand nous rêvions parmi les treilles endormies, 6+6 a
N’aviez-vous pas laissé vos tristesses amies 6+6 a
70 Comme de vains trésors rouler à mes genoux ? 6+6 a
Avec des mots de paix, avec des gestes doux 6+6 a
N’ai-je pas su chasser votre mauvais génie ? 6+6 a
Vers quel pays nocturne, ô prince d’Ionie, 6+6 a
Fuirez-vous les palais magiques et cléments 6+6 a
75 Et le rare jardin fleuri de talismans ? 6+6 a
LE PRINCE
O mon Dieu ! je suis las de ma cour de folie !… 6+6 a
Tes chères mains ont fait le signe qui délie ; 6+6 a
Pourquoi suis-je captif des vieux enchantements ? 6+6 a
Je suis ton maître, et vers la gloire des amants 6−6 a
80 Nous marcherons sacrés de clarté liliale. 6+6 a
C’est pour moi qu’a fleuri la rose nuptiale 6+6 a
De tes lèvres, ô ma princesse, et c’est pour moi 6−6 a
Que mûrissait ta chair royale…
Hélas, pourquoi ? 6+6 a
LA REINE DES FÉES
C’est moi qui mêle au bruit des lames et des vents 6+6 a
85 Une longue rumeur de clochers décevants. 6+6 a
Avec des cris, avec des chants, dans les nuits claires, 6+6 a
Des princes d’Orient sur de riches galères 6+6 a
Sont passés insultant la mer de leurs gaîtés. 6+6 a
Et des femmes parmi les candides clartés, 6+6 a
90 Penchant leurs seins impurs vers les vagues nocturnes, 6+6 a
Raillaient le deuil sacré des lueurs taciturnes. 6+6 a
LE PRINCE
Reine dont les pieds blancs foulent l’orgueil des nues, 6+6 a
Pitié pour eux, pitié pour mes sœurs inconnues, 6+6 a
Pour mes frères suivant humblement leur chemin 6+6 a
95 Sous ce pâle soleil d’hiver, l’amour humain. 6+6 a
LA REINE DES FÉES
Eh ! que t’importe, à toi, Seigneur des vastes rêves, 6+6 a
Si là-bas, par delà les vagues et les grèves, 6+6 a
En un soir de baisers tristes, quelques amants 6+6 a
S’éveillent et sont pris de longs frissonnements 6+6 a
100 En écoutant sonner parmi les mers austères 6+6 a
Le grave appel de mes clochers vers les mystères ? 6−6 a
LE PRINCE
O Reine de la mer, pitié, pitié pour eux ! 6+6 a
Ne trouble pas le clair sommeil des amoureux, 6+6 a
La paix des doux, la paix des gloires enfantines, 6+6 a
105 Et qu’ils ne sonnent pas les mauvaises matines, 6+6 a
Tes durs clochers parlant trop haut des cieux lointains. 6+6 a
O pays parfumés de menthes et de thyms, 6+6 a
O vergers puérils, langoureuses venelles, 6+6 a
Voici que le regret des vierges éternelles 6+6 a
110 Va faire mépriser des hommes le printemps. 6+6 a
Ils ne vont plus savoir les rires éclatants 6+6 a
Et les baisers heureux sur les gorges éprises. 6+6 a
Ne livre pas tes cheveux saints aux viles brises 4+4+4 a
Les enfants vont mourir du péché de te voir. 6+6 a
115 Sois bonne, sois clémente, et fais le ciel si noir 6+6 a
Que nous ne puissions plus contempler nos pensées ; 6+6 a
Étends la nuit sur les sagesses insensées, 6−6 a
Et ne fais pas crouler les pierres de nos murs 6+6 a
Par ta terrible voix criant des mots trop purs. 6+6 a
mètre profil métrique : 6=6
forme globale type : suite de strophes
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