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12 longueur métrique
6-6 mètre
MIK_1/MIK27
Éphraïm MIKHAËL
Œuvres
1884-1890
POÉSIE
Le Cor Fleuri
Féerie
PERSONNAGES
Oriane
Doriette
Silvère
Obéron
La scène représente une clairière dans la forêt des fées. Parmi des herbes lumineuses et des fleurs coule une fontaine. A droite, des buissons de roses. Oriane est assise près de la fontaine. Elle dévide sur son rouet des fils pareils à des rayons de lune.
ORIANE
O fils resplendissants,ô fils couleurs d’étoile, 6+6 a
Serez-vous le manteaud’un prince ou bien le voile 6+6 a
D’une reine ?… Non, non,fils couleur du printemps, 6+6 a
Je veux que vous soyezles clairs rideaux flottants 6+6 a
5 Éployés sur le litardent d’une amoureuse, 6+6 a
Comme un pavillon d’orsur une barque heureuse. 6+6 a
Un silence. Le rouet s’arrête. Oriane laisse tomber son fuseau et rêve.
Oui, moi la calme sœurdu lys et du ramier, 6+6 a
J’aime l’amour, et c’estmon plaisir coutumier 6+6 a
D’endormir une viergeen des songes d’épouse. 6+6 a
O songes nuptiaux…
Vivement, se faisant un reproche.
10 Eh bien ! suis-je jalouse ? 6+6 a
Oriane seraitjalouse des amants ? 6+6 a
Ah ! folle !… N’ai-je pasdans mes palais dormants 6+6 a
L’orgueil des voluptésineffablement pures ? 6+6 a
Là-bas, aux buissons bleusje cueille au lieu de mûres 6+6 a
15 Des saphirs… Et le soir,en tournant mes fuseaux, 6+6 a
J’entends chanterles mandragores.Mes oiseaux 4+4+4 a
Exhalent dans leur volun parfum de corolles. 6+6 a
Et je suis une fée,et je sais les paroles 6+6 a
Qui font surgir au cieldes astres inconnus. 6+6 a
Je peux tout !
Tristement.
20 Non ! car meslongs cheveux, mes bras nus, 6−6 a
Ma gorge qui s’émeutsous ma robe étoilée, 6+6 a
Nul ne les voit ! et si,parfois, dans une allée 6+6 a
Un voyageur éprisde cieux et de forets 6+6 a
Passe en chantant au loin,vite, je disparais ! 6+6 a
25 Car Obéron, le roides forêts merveilleuses, 6+6 a
Le veut ainsi ! Je puisdormir sous les yeuses 6+6 a
Du chemin. Le passantne vient pas, ébloui, 6+6 a
Me réveiller : Je suisinvisible pour lui, 6+6 a
Et, toute, je me mêleà la vapeur des sentes, 6+6 a
30 Aux brumes de la lune,aux clartés frémissantes 6+6 a
Qui meurent sur les champs,les jardins et les bois. 6+6 a
Pour qui donc suis-je belle,hélas !
Elle se mire dans la fontaine.
Mais tu me vois, 6+6 a
Ciel veillent des yeux ;et toi, forêt vivante, 6+6 a
Tu me vois. Le baiserque mon rêve me vante, 6+6 a
35 Le baiser ne vaut pasla caresse du soir, 6+6 a
Tout parfumé de fleursféeriques. Mon pouvoir 6+6 a
Est plus doux que l’amour.Je suis l’heureuse reine 6+6 a
Que jamais nul désirne troublera.
DORIETTE, entrant brusquement.
Marraine, 6+6 a
Venge-moi !
ORIANE
Doriette !Oh ! quels yeux en courroux ! 6+6 a
DORIETTE
40 Écoute-moi ! jadisparmi les buissons roux 6+6 a
Tu m’as trouvée ainsiqu’une abeille exilée 6+6 a
Des belles ruches d’or.
ORIANE, riant.
Et je vous ai volée ! 6+6 a
DORIETTE
Tu m’as prise en tes bras,marraine, et j’ai grandi 6+6 a
Dans la forêt que doreun magique midi. 6+6 a
ORIANE
45 Oui, mais tu fuis parfoisla divine clairière. 6+6 a
Tu t’en vas, déployant,ô ma douce guerrière, 6+6 a
Comme un noble étendardtes cheveux dans le vent, 6+6 a
Et je sais que là-bastu triomphes souvent 6+6 a
Et qu’en des soirs d’orgueiltu choisis pour escorte 6+6 a
Des rois tristes que tudomptas.
DORIETTE
50 Oui, je suis forte ! 6−6 a
Mes pieds se sont poséssur les grands boucliers 6+6 a
Comme de blancs oiseauxfrêles et familiers 6+6 a
S’abattent sur les toitsaltiers des citadelles. 6+6 a
Oui, partout, des amantsinconnus et fidèles 6+6 a
55 M’attendent. Eh bien, là,dans le bois, ce matin, 6+6 a
Je ne sais quel chanteurpuéril et hautain 6+6 a
M’insulta, comprends-tu,moi la victorieuse ! 6+6 a
Mais tu me vengeras.
ORIANE
Ma belle furieuse, 6+6 a
Conte-moi quelle futcette insulte !
DORIETTE
J’errais, 6+6 a
60 Écoutant vaguementsous les feuillages frais 6+6 a
Les murmures amisd’une source sacrée. 6+6 a
Soudain (certes, j’eus tort !) ma ceinture dorée 6+6 a
Et ma robe, je lesjetai dans les buissons, 6−6 a
Et, souriante, avecde farouches frissons, 6+6 a
65 Je me cachai dans lasplendeur de la fontaine. 6−6 a
ORIANE, vivement.
Et l’enfant qui rêvaitsur la route lointaine 6+6 a
Accourut, vit brillerl’éclair de tes cheveux, 6+6 a
S’enivra de ta chairet, dans ses bras nerveux, 6+6 a
Prit, comme un ægipanvainqueur d’une faunesse, 6+6 a
70 Ton cher corps éclatantde royale jeunesse ? 6+6 a
DORIETTE, un peu confuse.
Eh ! non, ce ne fût pascela
ORIANE
Tu me parlais 6+6 a
D’une insulte ?
DORIETTE
Tandis,hélas ! que je voilais 6+6 a
Ma face avec mes doigtsmal clos, l’enfant sauvage, 6+6 a
Sans se cacher parmiles saules du rivage, 6+6 a
75 Sans épier la source je riais, pourtant ! 6+6 a
Passa, les yeux au ciel,dédaigneux et chantant. 6+6 a
ORIANE
Certes, filleule, il t’agravement offensée. 6+6 a
Il va mourir, c’est dit !
DORIETTE, vivement,
Je n’ai pas la pensée 6+6 a
De le tuer ! Vois-tu,cet enfant étranger, 6+6 a
80 Je le hais ! Mais on peuthaïr sans égorger, 6+6 a
Et je ne rêve paspour uniques délices 6+6 a
De le voir dévorédes louves et des lices. 6+6 a
ORIANE
Veux-tu qu’il t’aime ?
DORIETTE
Non !Il est trop tard. Vraiment, 6+6 a
Je ne sais que vouloir.Imagine un tourment. 6+6 a
Elle cherche.
85 L’enchner sur le bordeffroyable d’un gouffre ? 6+6 a
Non ! Le changer en pierre,en arbre ?… Il faut qu’il souffre. 6+6 a
Et le roc ne sent rienet l’arbre a trop de fleurs. 6+6 a
Cherchons encor !… La terreest pauvre de douleurs. 6+6 a
Tiens ! Que près de la source je fus offensée 6+6 a
90 Il soit troublé de quelqueétrange fiancée ; 6+6 a
Que j’entende monteraux cieux lointains et sourds 6+6 a
Ses sanglots et les crisde ses vaines amours. 6+6 a
ORIANE
Par qui le ferons-nouspunir ?
Brusquement, à elle-même.
Oh ? quelle idée ! 6+6 a
À Doriette.
Le châtiment est sûr,car tu seras aidée 6+6 a
Par quelqu’un de très grand…
DORIETTE
95 Ciel ! Ai-je deviné. 6+6 a
C’est toi qui vas…
ORIANE
Pourquoice regard étonné ? 6+6 a
Je t’obéis. Je veuxle châtier moi-même. 6+6 a
DORIETTE
Réfléchis… Tout à l’heureil te criera : « Je t’aime. » 6+6 a
Et penché vers ta lèvreil te dira tout bas 6+6 a
100 Des mots victorieux…Tu ne faibliras pas ? 6+6 a
ORIANE
Oriane ne peuts’attendrir.
DORIETTE
Es-tu sûre ? 6+6 a
ORIANE
Oui, mon cœur souverainne craint pas la blessure 6+6 a
Des amours vaines…
DORIETTE, résignée.
Soit !si tu veux, venge-moi ! 6+6 a
Oriane s'avance vers les arbres et fait des signes magiques avec son fuseau.
ORIANE
Obéron, Obéron,je t’appelle, ô mon roi ! 6+6 a
Obéron parait.
OBÉRON
105 Que veux-tu donc ? Vas-tume demander encore 6+6 a
Une robe trempéeau gouffre de l’aurore ? 6+6 a
Veux-tu boire du clairde lune ? Te faut-il 6+6 a
Quelque voile tisséd’une brume d’avril ? 6+6 a
Faut-il que pour parerton front et tes oreilles 6+6 a
110 Je prenne aux nuits d’étédes étoiles vermeilles ? 6+6 a
ORIANE
Non, ni joyaux du ciel,ni robe ! Mon souhait, 6+6 a
C’est de n’être plus seuleavec le bois muet. 6+6 a
Roi, je veux qu’un jeune hommeà la lèvre attendrie 6+6 a
Voluptueusementne parle
et ne sourie. 6+6 a
115 Déliez ce sermentcruel qui me défend 6+6 a
D’appartre. Je veuxque là-bas un enfant 6+6 a
Voie au fond de la nuitéternelle du monde 6+6 a
Ma gorge resplendircomme une clarté blonde : 6+6 a
Je veux livrer au ventterrestre mes cheveux. 6+6 a
OBÉRON
120 Vous voulez être femme,Oriane ! Ces vœux 6+6 a
Sont indignes de vous !Comment ! vous êtes fée, 6+6 a
Vous passez dans le soir,lumineuse et coiffée 6+6 a
De rayons ; vous cueilleztoutes les fleurs du ciel, 6+6 a
Vous saccagez, comme unenfuit voleur de miel, 6−6 a
125 Le nuage remplide clarté savoureuse ! 6+6 a
Et puis, vous voulez être,hélas ! quelque amoureuse, 6+6 a
Quelque fille rôdantle soir furtivement 6+6 a
Dans l’ombre des chemins,au bras de son amant, 6+6 a
Et vous vous éprendrez,ô ma blanche Oriane, 6+6 a
130 Comme Titania,d’un rustre à tête d’âne ! 6+6 a
ORIANE, très grave.
Aucun philtre, ô mon roi !n’a troublé ma raison. 6+6 a
Moi, déchoir ! Non : Je suisde trop noble maison, 6+6 a
Étant née, un printemps,d’une perle enchantée. 6+6 a
Mais vous ne m’avez pas,sire, assez écoutée, 6+6 a
135 Car je veux appartre,un seul jour, un moment, 6+6 a
Pour qu’un enfant plaintifm’appelle éperdument 6+6 a
Et pleure de me voir…
Suppliante.
Un seul jour ! Que t’importe ? 6+6 a
Puis il me verra fuircomme une étoile morte 6+6 a
Qui s’engloutit dans latristesse de la mer. 6−6 a
140 Et son cœur garderacomme un parfum amer 6+6 a
Le souvenir mortelde ma lèvre illusoire. 6+6 a
OBÉRON
Va ! mais garde ce cord’argent pâle et d’ivoire. 6+6 a
Si l’enfant prisonnierde ta jeune splendeur 6+6 a
Troublait ton cœur sacréd’une mauvaise ardeur, 6+6 a
145 Si ton front rougissaitd’une aurore charnelle, 6+6 a
Appelle-moi. Sinontu seras l’éternelle 6+6 a
Exilée. A jamais,avec des sanglots vains, 6+6 a
Femme tu pleurerasloin des palais divins. 6+6 a
Mais quand tu voudras fuirla honte de la terre, 6+6 a
150 N’importe tu seras,dans le val solitaire, 6+6 a
Aux champs tumultueux,dans les bois endormis, 6+6 a
Sonne de l’olifantvers les astres amis. 6+6 a
Je viendrai t’emportercomme une belle proie 6+6 a
Vers les pays de rêveet de féerique joie. 6+6 a
Obéron disparaît.
ORIANE
155 Doriette, j’ai peurdélicieusement. 6+6 a
Femme !… J’ai sous les piedsle grêle froissement 6+6 a
De l’herbe frche, moiqui volais dans la nue ; 6+6 a
Maintenant je me senscomme si j’étais nue 6+6 a
Et comme si le ventdu soir était plus près 6+6 a
160 De mon front… O senteurnouvelle des forêts ! 6+6 a
Naguère j’aspiraisen mes divines courses 6+6 a
Je ne sais quels parfumsmagiques. L’eau des sources 6+6 a
Se changeait sous ma lèvreen céleste liqueur. 6+6 a
Qu’elle est bonne, l’eau desfontaines !… Tout mon cœur 6−6 a
165 Frémit quand le vent rudeeffleure mes épaules ! 6+6 a
Oh ! je voudrais courirlà-bas, parmi les saules. 6+6 a
Mais il est temps. Tu voisque je te vengerai. 6+6 a
Cherchons cet insolent.
DORIETTE
Ah ! j’aurais préféré 6+6 a
Moins de zèle !
Oriane fait un geste de surprise.
Ne vapas croire que je l’aime, 6+6 a
170 Ce rôdeur de forêts,harmonieux et blême ! 6+6 a
C’est un rêveur, un fouqui cause avec le vent 6+6 a
Et marche dans les fleursfrémissantes, buvant 6+6 a
Les vaines voluptésde la brise estivale. 6+6 a
Puis tu ne serais pasd’ailleurs une rivale. 6+6 a
175 Certes, s’il t’effleuraitde ses désirs humains, 6+6 a
Si sa lèvre insultaitla neige de tes mains, 6+6 a
Tu sonnerais du coret tu te perdrais toute 6+6 a
Dans les brouillards du cielnatal…
ORIANE, impatientée.
Eh ! oui, sans doute. 6+6 a
Allons vers cet enfant !
Une flûte chante au loin, puis une voix s’élève.
DORIETTE
Il est ici. J’entends 6+6 a
Ses chansons.
ORIANE
180 Oui, là-bas,indécis et flottants, 6+6 a
Des murmures de flûteéveillent les fleurs closes. 6+6 a
Épions-le. Viens nouscacher parmi ces roses. 6−6 a
Oriane entraîné Doriette dans les buissons. Elles se cachent.
SILVÈRE, au loin.
 Les filles dansent dans les vignes ; 8 a
 Sur le grand lac sombre et charmant, 8 b
185  Entendez-vous l’adieu des cygnes 8 a
 Mourant mélodieusement ? 8 b
 Des chœurs dansants de vendangeuses 8 a
 S’unissent autour du pressoir ; 8 b
 Entendez-vous les voix songeuses 8 a
190  Des cygnes mourant dans le soir ? 8 b
Il parait à la lisière du bois.
Oui, les cygnes ! les blancschanteurs ! Je les envie 6+6 a
Et je voudrais mourircomme eux, l’âme ravie, 6+6 a
En chantant noblementsur les fleuves aimés. 6+6 a
O musique ! Des bois,des vergers embaumés, 6+6 a
195 S’échappe une chansonpuissante qui m’enivre. 6+6 a
Là-bas, des gens m’ont dit,un jour, qu’on pouvait vivre 6+6 a
Sans écouter le bruitdes arbres triomphaux ; 6+6 a
Mais, bien sûr, ils se sontmoqués de moi. C’est faux, 6+6 a
Car, moi je le sais bien,il faut, pour que l’on vive, 6+6 a
200 Mêler sa voix à larumeur gaie ou plaintive 6−6 a
De la bonne forêt,des brises et des eaux. 6+6 a
O mon Dieu ! je voudraisêtre tous les oiseaux. 6+6 a
Il écoute chanter un rossignol.
Rossignol ! Il s’en va ;les bêtes sont méchantes ! 6+6 a
Il se tourne vers les arbres, Ils mains jointes comme pour prier le rossignol.
Je voudrais tant savoirla chanson que tu chantes ! 6+6 a
Il est adosse à un arbre, comme en extase. Oriane sort à demi des buissons et fait signe à Doriette de rester cachée.
ORIANE
205 Nuit langoureuse ! Odeurlointaine des moissons, 6+6 a
Extase ! Ah ! je suis folle.Il est temps. Punissons 6+6 a
L’insulteur !
Elle va vers Silvère.
Tiens ! il dort.Une magicienne 6+6 a
L’aura touché peut-être,ou quelque égyptienne 6+6 a
Épancha sur ses yeuxdes urnes de sommeil. 6+6 a
Que fait-il là, debout ?
A Silvère.
210 Mais vous êtes pareil 6+6 a
Aux oiseaux endormisdans les branches ! Sans doute 6+6 a
Vous ne m’entendez pas !
SILVÈRE, sans se retourner.
Je ne dors pas, j’écoute. 6+6 a
Aller-vous-en. Le soirtranquille était si doux. 6+6 a
ORIANE
Farouche ! Non, je veuxm’asseoir auprès de vous, 6+6 a
Tout près, pour vous troubler !
Elle éclate de rire. Silvère se retourne, étonné.
SILVÈRE
215 Mon Dieu, suis-je en délire ? 6+6 a
Quel oiseau merveilleuxa chanté ?
ORIANE
C'est mon rire ! 6+6 a
SILVÈRE
Oh ! par grâce, riezencore !
ORIANE
Vous vouliez 6+6 a
Être tout seul dans l’ombreheureuse des halliers ; 6+6 a
Faites rire les bois.Je pars.
SILVÈRE, suppliant.
Je vous en prie ! 6+6 a
220 Nous veillerons tous deuxdans la forêt fleurie, 6+6 a
Reste ! Tu dois savoirdes airs mystérieux. 6+6 a
Tout à l’heure j’étaisméchant. Comme tes yeux 6+6 a
Sont clairs !
Il cueille une fleur. Oriane s’est assise sur une espèce de banc couvert de mousse. Elle joue avec le cor qu’elle tient à la main.
Prends cette fleur,c’est une primevère. 6+6 a
Cette autre encor !
ORIANE, prenant les fleurs,
Commentte nommes-tu ?
SILVÈRE
Silvère ! 6+6 a
ORIANE
Eh ! que fais-tu ?
SILVÈRE
225 Je chanteau milieu des bergers. 6+6 a
Tenez, ces fleurs aussi !Mettez ces lys légers 6+6 a
là, dans ce cor, ainsique dans une urne blanche. 6+6 a
Je connais tout le bois.Je sais la pervenche 6+6 a
Se dérobe et je saisquel arbre va fleurir. 6+6 a
230 Veux-tu de l’aubépine ?Oh ! je voudrais t’offrir 6+6 a
Tout le printemps ! Pourtant,j’ai peur de vous. Vous êtes 6+6 a
Trop belle !
ORIANE, coquette.
Vous trouvez !
SILVÈRE
Oui, j’ai vu dans des fêtes 6+6 a
Parmi les rois vêtusd’argent et de satin 6+6 a
Une joyeuse reineau sourire enfantin. 6+6 a
235 Mais votre main est plusroyale que la sienne. 6+6 a
ORIANE
Vraiment ?
SILVÈRE
Et votre voix,blonde musicienne, 6+6 a
A l’air de commanderaux bois obéissants. 6+6 a
Venez plus près, parmiles lys. Oh ! je me sens 6+6 a
Défaillir doucement.
Pendant toute la scène, il n’a cessé de cueillir des fleurs Il les apportait à Oriane. Oriane qui joue avec le cor y place les fleurs comme dans une urne. Au moment où Silvère l'attire vers lui, elle dépose nonchalamment le cor sur le banc de mousse.
Reste ainsi rapprochée. 6+6 a
240 Je rêve que la nuitdivine s’est penchée 6+6 a
Sur moi comme une belleet pacifique sœur. 6+6 a
DORIETTE, sortant du buisson.
Va-t’en, il t’aime assez.
ORIANE, à Doriette.
Tout à l’heure.
A elle-même.
O douceur 6+6 a
Des paroles d’amour !
SILVÈRE
Vois-tu, dans ton haleine 6+6 a
Je respire les fleursabsentes de la plaine. 6+6 a
Donne ta lèvre !
ORIANE, se défendant mal.
Non !Non !
DORIETTE, sortant du buisson.
245 N’est-ce pas encor 6+6 a
Le moment ?
ORIANE, comme en extase.
Le moment ?
DORIETTE
Allons, vite, le cor ! 6+6 a
SILVÈRE
Ta chevelure blondeillumine et parfume 6+6 a
L’ombre douce et le soirvoilé de claire brume. 6+6 a
DORIETTE
Hâtons-nous !
ORIANE, à Doriette.
Un instant !Aurais-tu peur ?
Elle rit. A elle-même.
Je ris. 6+6 a
250 Mais mon cœur a tremblécomme un oiseau surpris. 6+6 a
SILVÈRE, il se lève, va vers elle et l’enlace.
Je t’aime !
DORIETTE
Sonne donc !
ORIANE
Soit ! Ma tâche est finie. 6+6 a
Avec une ironie affectée, elle se dégage.
Bonsoir, enfant ! Oui, j’ailaissé par ironie 6+6 a
Errer ta jeune lèvreen mes cheveux épars, 6+6 a
Et je riais de toi.Mais c’est assez, je pars. 6+6 a
Elle va vers le banc et reprend le cor.
SILVÈRE
255 Vous partez ! O mon Dieu,vous me quittez. Je tremble. 6+6 a
Que vous ai-je donc t ?Restez ! Mais il me semble, 6+6 a
Puisque vous me fuyez,que la lune d’été 6+6 a
Se retire du cielet reprend sa clarté ; 6+6 a
Il me semble que lesforêts sont désolées, 6−6 a
260 Que tu vas emportercomme des fleurs volées 6+6 a
Dans ta robe et tes mainstous les astres des cieux. 6+6 a
Oh ! je souffre d’amour !
Il pleure, la tête entre ses mains. Oriane repose le cor sur le banc.
ORIANE, rêvant.
Songe délicieux ! 6+6 a
Plane encore sur moi !
SILVÈRE
Tu m’as pris mes soirs calmes, 6+6 a
Tu m’as pris les forêtset les jardins de palmes, 6+6 a
265 Tu m’as pris l’amitiédes oiseaux fraternels. 6+6 a
Je ne chanterai plus :des sanglots éternels 6+6 a
Étoufferont en moimes chansons bien aimées ; 6+6 a
Lorsque je marcheraisous les tristes ramées, 6+6 a
Je ne conntrai plusla caresse des bois 6+6 a
270 Et mon cœur exilén’entendra plus de voix. 6+6 a
Oriane le regarde, affectant l’ironie.
Oh ! je mourrai de tonregard qui me méprise ! 6−6 a
ORIANE
Eh bien ! non. J’ai menti !Vous le savez, ô brise, 6+6 a
O sentier lumineuxet blond je passais ; 6+6 a
Et toi, claire fontaineamie, oui, tu le sais, 6+6 a
275 Toi vers qui je penchaisma gloire aérienne, 6+6 a
Je ne puis plus partirmaintenant. Je suis sienne. 6+6 a
SILVÈRE
Que dit-elle ?
ORIANE
Prends-moi,Silvère. Je consens. 6+6 a
SILVÈRE
Viens ! je vais t’emporterdans mes bras frémissants 6+6 a
A travers la splendeurde la forêt complice. 6+6 a
280 Pour que l’hymen de nosdeux rêves s’accomplisse 6−6 a
Les astres nuptiauxferment leurs yeux cléments. 6+6 a
Dans tout le bois pour letriomphe des amants 6−6 a
Un féerique printempsépaissit la feuillée. 6+6 a
Tout se tait. Pas un crid’oiselle réveillée, 6+6 a
285 Pas un frisson de ventsur le calme gazon. 6+6 a
Viens ! Je crois voir là-basle ciel de l’horizon 6+6 a
S’ouvrir pour nous ainsiqu’une porte divine. 6+6 a
Viens ! Nous nous en ironsdans la bonne ravine 6+6 a
Et, pendant nos premiersbaisers, nous sentirons 6+6 a
290 Les rosiers indulgentsse pencher sur nos fronts. 6+6 a
ORIANE
Oui, l’ivresse d’aimertrouble mon âme ardente. 6+6 a
Fuyons !
DORIETTE, sortant du buisson.
Mais sonne donc !Elle fuit… Imprudente ! 6+6 a
Tu me venges trop bien,Oriane ! Merci 6+6 a
Je n’avais pas rêvéde le punir ainsi. 6+6 a
295 Oriane, Oriane !Hélas ! dans la broussaille. 6+6 a
Elle regarde dans le buisson.
Elle faiblit ! la feuilleautour d’elle tressaille. 6+6 a
Ses cheveux dénouéssemblent un ruisseau d’or ! 6+6 a
Oh ! je veux la sauver.Je vais prendre le cor 6+6 a
Moi-même !
Elle saisit le cor et le forte à ses livres. Le cor ne rend aucun son.
L’olifantreste muet ! Prodige ! 6+6 a
300 Mais non, ce sont les fleurs !Allez-vous-en, vous dis-je, 6+6 a
Mauvaises fleurs !
Elle arrache violemment les fleurs.
Enfin !Mes appels éclatants 6+6 a
Vont évoquer le roisauveur.
De nouveau elle porte le cor à ses lèvres. Mais avant de sonner elle regarde encore le buisson.
Il n’est plus temps ! 6+6 a
Oriane et Silvère reparaissent au milieu des arbres.
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