Métrique en Ligne
MIK_1/MIK26
Éphraïm MIKHAËL
Œuvres
1884-1890
POÉSIE
L’Étrangère
En son manteau d’argent tissé par les prêtresses, 6+6 a
La vierge s’en allait vers les jeunes cités, 6+6 b
Et la nuit l’effleurait de mystiques caresses, 6+6 a
Et le vent lui parlait de longues voluptés. 6+6 b
5 Or, c’était en un siècle où les rois faisaient taire 6+6 a
Les joueurs de syrinx épars dans le printemps ; 6+6 b
Les sages enseignaient aux peuples de la terre 6+6 a
L’horreur des jeunes dieux et des lys éclatants. 6+6 b
Mais tandis que là-bas se levait sur les villes 6+6 a
10 La mauvaise lueur des temples embrasés, 6+6 b
La vierge allait cherchant, parmi les races viles, 6+6 a
Le fabuleux amant digne de ses baisers. 6+6 b
Elle apparut un soir, blanche et mystérieuse, 6+6 a
Dans le mois où la faux couche les blés épais ; 6+6 b
15 Et de très loin, vers la foule laborieuse, 6−6 a
Tendit ses douces mains comme des fleurs de paix. 6+6 b
Elle gardait dans ses cheveux et dans ses voiles 6−6 a
Un long parfum de gloire et de divinité, 6+6 b
Et, pour avoir dormi sous de saintes étoiles, 6+6 a
20 Son corps entier était pénétré de clarté. 6+6 b
Elle vient et déjà de merveilleux murmures 6+6 a
Ont réveillé comme autrefois les bois ombreux : 4+4+4 b
Appels de chèvrepieds gorgés de grappes mûres, 6+6 a
Près des nymphes riant dans les fleuves heureux. 6+6 b
25 Des voix ont dit des noms oubliés de guerrières, 6+6 a
D’ineffables syrinx soupirent dans les airs, 6+6 b
Le vent porte des bruits antiques de prières, 6+6 a
Une ombre olympienne emplit les cieux déserts. 6+6 b
Et la vierge, attendant de glorieux éphèbes, 6+6 a
30 S’offre splendide et nue aux baisers triomphaux. 6+6 b
Alors les chefs et les vieillards gardiens des glèbes 6−6 a
La repoussent avec des bâtons et des faux. 6+6 b
« Va-t’en ! Nous avons peur de tes yeux pleins d’aurore, 6+6 a
Tu nous ramènerais les vieux songes pervers. 6+6 b
35 Par toi nous rêverions et nous verrions encore 6+6 a
Des ténèbres d’amour obscurcir l’univers. » 6+6 b
Et les femmes quittant les prés et la fontaine, 6+6 a
Laissant les clairs fuseaux et les vases de miel, 6+6 b
Poursuivent en hurlant l’étrangère hautaine 6+6 a
40 Qui souille le pays d’une senteur de ciel. 6+6 b
Des clameurs de combat sonnent dans les vallées, 6+6 a
Les bois sont secoués de tragiques frissons, 6+6 b
Et, comme aux rouges soirs des anciennes mêlées, 6+6 a
Les filles aux bras forts courent dans les moissons. 6+6 b
45 Victoire ! Maintenant une prostituée 6+6 a
Qui regarde le ciel avec des yeux méchants 6+6 b
Traîne le corps sacré de la vierge tuée ; 6+6 a
Le sang surnaturel trouble les lys des champs. 6+6 b
La nuit descend ; les cieux fleuris d’étoiles claires 6+6 a
50 Resplendissent comme un jardin prodigieux. 6−6 b
Les filles au cœur froid ont senti leurs colères 6+6 a
Grandir sous le baiser du soir religieux. 6+6 b
Leur fureur se ravive à l’odeur des fleurs douces, 6+6 a
A la bonne rameur de la plaine et des flots. 6+6 b
55 Farouches, dénouant leurs chevelures rousses, 6+6 a
Elles poussent du pied l’étrangère aux yeux clos. 6+6 b
Joyeuses d’insulter des neiges lumineuses, 6+6 a
Elles mordent sa gorge avec férocité ; 6+6 b
On voit briller au fond des prunelles haineuses 6+6 a
60 L’orgueil mystérieux de souiller la beauté. 6+6 b
Et toutes, emplissant de sables et d’ordures 6+6 a
La bouche qui savait les mots mélodieux, 6+6 b
Sur la divine morte avec leurs mains impures 6+6 a
Se vengent de l’amour, des rêves et des dieux. 6+6 b
mètre profil métrique : 6=6
forme globale type : suite périodique
logo du CRISCO logo de l'université