Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
MAR_1/MAR1
corpus Pamela Puntel
Alexis MARTIN
TOUT LE BRONZE A LA FONTE
1870
TOUT LE BRONZE A LA FONTE
Poésie dite au théâtre de la Porte-Saint-Martin
le 21 novembre 1870 par M. Fleury-Gœury du théâtre de l'Ambigu
I
Il nous faut des canons. — Tout le bronze à la fonte ! 6+6 a
Arrachons de leurs piédestaux 8 b
Ce Louis, ce Henri qu'avaient faits grands la honte 6+6 a
De tout un peuple de vassaux ; 8 b
5 Il nous faut des canons. — Qu'on jette la fournaise 6+6 a
Et la Colonne et le César. 8 b
A l' heure où nous voici, la nation française 6+6 a
N'a pas besoin de bronzes d'art ; 8 b
Il nous faut des canons. — Cloches des basiliques, 6+6 a
10 Quittez vos tours et descendez ; 8 b
Au creuset, les lions des fontaines publiques ! 6+6 a
Chevaux du Carrousel, fondez ! 8 b
Et vous héros sortis du giron populaire, 6+6 a
Ney, Moncey, frémissez-vous pas, 8 b
15 Colosses enchaînés sur vos socles de pierre, 6+6 a
N'avez-vous point soif de combats ? — 8 b
A la fonte ! — A la fonte aussi toi prince Eugène, 6+6 a
Descends de ton granit — et sois — 8 b
Beau-fils de Bonaparte et pauvre capitaine — 6+6 a
20 Utile pour la première fois. 9 b
II
Il nous faut des canons, qu'avec tout on en fonde ! 6+6 a
Que l'airain coule à flots dans la grande cité, 6+6 b
Que le ciel nuit et jour soit rouge — et que le monde 6+6 a
Salue, en regardant le reflet qui l'inonde, 6+6 a
25 Les forges de la Liberté ! 8 b
Il nous faut des canons, du fer et de la poudre, 6+6 a
Des boulets, des obus, picrate, feux grégeois : 6+6 b
Si ce n'est point assez. — Dieu peut nous en absoudre — 6+6 a
A l'orage arrachons le secret de la foudre 6+6 a
30 Et crachons le tout à la fois ! 8 b
III
L'invasion est là. — Sur les bords de la Seine, 6+6 a
Saoûle de son triomphe, elle a déjà conquis 6+6 b
Et l'Alsace héroïque et. la sainte Lorraine. 6+6 a
— Vierge de Vaucouleurs, un Prussien se promène 6+6 a
35 Près du foyer où tu naquis ! 8 b
L'invasion déjà, sur le quart de la France, 6+6 a
A marché, violant, brûlant, pillant partout, 6+6 b
Semant à pleines mains mort, ruine, souffrance ; 6+6 a
Mais arrivée au but, contre son espérance, 6+6 a
40 Elle a trouvé Paris debout ! 8 b
Paris qu'elle croyait le Paris de l' Empire ! 6+6 a
Anéanti, courbé, — géant devenu nain ; — 6+6 b
Paris qui tout à coup se relève et respire 6+6 a
Humant à pleins poumons avec l'air qu'il aspire 6+6 a
45 Le sentiment républicain ! 8 b
Paris qui, dans un jour d'indignation sainte, 6+6 a
Ouvert, vaincu, vendu, trahi, calme pourtant, 6+6 b
Grand comme son malheur — sans pousser une plainte 6+6 a
Au pouvoir pantelant, étranglé par la crainte, 6+6 a
50 A dit un mot, un seul : « Va-t'en ! » 8 b
Paris qui, se sentant la justice et la force, 6+6 a
En une heure soudain rajeuni de vingt ans, 6+6 b
Sans briser un carreau, sans brûler une amorce, 6+6 a
Sans les toucher, — chassa l'Espagnole et le Corse 6+6 a
55 Et leur peuple de courtisans. 8 b
Puis calme et grand toujours, de la place publique, 6+6 a
Sans poudre, sans canons et presque sans fusils, 6+6 b
Il a jeté deux cris à la gent germanique : 6+6 a
— Vive la Liberté ! Vive la République ! 6+6 a
60 Et s'est mis à compter ses fils. 8 b
IV
Ses fils ont répondu : « La lutte est gigantesque, 6+6 a
« Aux armes des canons ! Sus au monstre tudesque, 6+6 a
« Feu de tous côtés à la fois ! 8 a
« Français, nous vengerons nos villes saccagées ; 6+6 b
65 « Monde, nous vengerons nos mères outragées ; 6+6 b
« Peuples, nous châtierons les rois ! 8 a
« Feu de tous les côtés ! — que pas un d'eux ne pense 6+6 a
« Rentrer chez soi conter la campagne de France ! 6+6 a
« Paris, certain de son succès, 8 a
70 « Fait le serment qu'après ses foudres dissipées 6+6 b
« Nul Germain ne vivra. — Ces grandes épopées 6+6 b
« Ne se content bien qu'en français ! » 8 a
V
Il nous faut des canons, nous en aurons ; — la France 6+6 a
Les entendra sonner l'heure de délivrance, 6+6 a
75 Le monde leur bruit frémira ; 8 a
Et quand leur œuvre sainte enfin sera complète, 6+6 b
Sur la place qu'ils auront faite 8 b
Libre et, régénéré le peuple apparaîtra. — 6+6 a
Et quand ils reviendront, le jour de la victoire, 6+6 a
80 Rentrant aux arsenaux, chauds et la bouche noire, 6+6 a
Tremblants sur l'affÛt en débris, 8 a
Nous jetterons des fleurs sur ces saintes reliques 6+6 b
Dont les grondements héroïques 8 b
Auront sauvé la France en délivrant Paris ! 6+6 a
VI
85 Grande dans ton succès comme en tes maux sublime, 6+6 a
Tu reprendras alors, ô France magnanime ! 6+6 a
Le rang qui t'appartient parmi les nations ; 6+6 a
Lors tu redeviendras foyer, centre, lumière ; 6+6 b
Libre, il te suffira d'agiter ta bannière 6+6 b
90 Pour faire au loin trembler toutes oppressions. 6+6 a
Le grand arc qui mourait n'ayant plus de modèles 6+6 a
Retrouvera bientôt et maîtres et fidèles ; 6+6 a
Dans des moules nouveaux le bronze coulera. 6+6 a
Où fut Napoléon et sa colonne sombre, 6+6 b
95 Grandiose — Strasbourg projettera son ombre. 6+6 b
Où fut Louis-Quatorze, Uhrich rayonnera. 6+6 a
Ainsi partout ! — A ces statues 8 a
Qui rappellent des oppresseurs, 8 b
Peuple vainqueur tu substitues 8 a
100 L'image de tes défenseurs ; 8 b
Les rois, les césars et les reîtres, 8 a
Faux monnayeurs, bandits et traîtres 8 a
Qui s'intitulèrent tes maîtres, 8 a
Par l'oubli sont tous emportés ; 8 a
105 Mais sur chaque place publique 8 b
Se dresse le bronze héroïque 8 b
D'un amant de la République, 8 b
D'un martyr de nos libertés. 8 a
VII
Or, pour que tout ceci ne soit pas un vain rêve, 6+6 a
110 Pour que la délivrance entreprise s'achève, 6+6 a
Pour que la liberté prenne un splendide essor, 6+6 a
Pour que la République à jamais soit fondée, 6+6 b
Pour que la force cède où rayonne l'idée, 6+6 b
Il nous faut des canons et des canons encor, 6+6 a
115 Tout le bronze à la fonte et, s’il le faut, tout l'or. 6+6 a
mètre profils métriques : 8, 6+6, (9)
logo du CRISCO logo de l'université