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F = "e" féminin
| = césure
MAN_1/MAN4
corpus Pamela Puntel
Eugène MANUEL
LES PIGEONS DE LA RÉPUBLIQUE
édition partielle du recueil : PENDANT LA GUERRE (1872)
1870
HENRI REGNAULT
POÉSIE
Récitée à la Comédie-Française par M. COQUELIN
le 27 janvier 1871
A GEORGES CLAIRIN
PEINTRE
AMI DE HENRI REGNAULT
et son compagnon d'armes au combat de Buzenval
le 19 janvier 1871.
E. M.
Ils lui disaient : « Allons ! viens ! quittons cette place ! 6+6 a
Le clairon nous rallie en bas ! 8 b
Contre ce mur d’airain que veux-tu que l’on fasse ? 6+6 a
Ils sont trop forts : on ne peut pas ! 8 b
5 La retraite a sonné ; rentrons ! sur cette pente, 6+6 a
Assez de morts dorment ce soir. 8 b
La brume est plus épaisse, et la boue est sanglante : 6+6 a
Nous avons fait notre devoir !» 8 b
Mais lui, distrait et sombre, absorbé dans un rêve, 6+6 a
10 A peine il entend ses amis. 8 b
« Partez ! laissez-moi seul, dit-il d’une voix brève. 6+6 a
Je reviendrai : je l’ai promis… » 8 b
Il sent bondir en lui le cœur de la patrie, 6+6 a
Et dans ses veines le sang bout. 8 b
15 Résolu, sans bravade et sans forfanterie, 6+6 a
Il veut demeurer jusqu’au bout. 8 b
La rage sourde emplit son âme généreuse ; 6+6 a
Un vague éclair sort de ses yeux ; 8 b
Et, pressant son fusil d’une étreinte fiévreuse, 6+6 a
20 Il s’écarte silencieux. 8 b
Lentement il gravit la pelouse, et, farouche, 6+6 a
Sondant la profondeur des bois, 8 b
Il saisit à regret sa dernière cartouche 6+6 a
Pour tirer encore une fois. 8 b
25 Ils l’appellent en vain : leurs voix jeunes et franches 6+6 a
Se perdent le long du chemin ; 8 b
Les balles ont sifflé de nouveau dans les branches : 6+6 a
Quelqu’un manquait le lendemain ! 8 b
Quelqu’un ! — Le plomb stupide et la mitraille infâme 6+6 a
30 Pourraient faucher un siècle encor, 8 b
Avant de nous ravir deux fois une telle âme, 6+6 a
Et deux fois un pareil trésor ! 8 b
Qui que tu sois, posté derrière u tronc de chêne, 6+6 a
Ou qu’un mur crénelé masquait, 8 b
35 Vainqueur obscur, qui tins une minute à peine 6+6 a
Sa tête au bout de ton mousquet ; 8 b
Toi qui n’auras été qu’une inepte matière, 6+6 a
Un aveugle instrument de mort, 8 b
Sans quoi l’éternité, — sache-le,— tout entière 6+6 a
40 Serait trop peu pour ton remord ; 8 b
Maudit sois-tu, soldat, toi, ton peuple et la guerre, 6+6 a
Et ton vieux roi tout le premier, 8 b
Puisqu’il n’aura fallu qu’un paysan vulgaire, 6+6 a
Fils de l’étable et du fumier, 8 b
45 Quelque bouvier pétri pour les œuvres serviles, 6+6 a
Marchant sous la crosse et les coups, 8 b
Un balayeur peut-être échappé de nos villes, 6+6 a
Encor puant de nos égouts, 8 b
Pour trouver au hasard, bêtement, cette face, 6+6 a
50 Comme par un défi moqueur, 8 b
Pour trancher dans sa sève abondante et vivace 6+6 a
Tout ce génie et tout ce cœur, 8 b
Étouffer à son aube une lueur si pure, 6+6 a
Éteindre un tel rayonnement, 8 b
55 Que la France mourante en ressent la blessure 6+6 a
Jusque dans cet écoulement ! 8 b
Sais-tu ce que ton doigt, lâchant cette détente, 6+6 a
A frappé dans l’ombre ? Sais-tu 8 b
Ce que ta main détruit de poésie ardente, 6+6 a
60 D’intelligence et de vertu ? 8 b
Ah ! soyez donc de ceux que Dieu choisit lui-même, 6+6 a
Et qu’il a marqués de son sceau ; 8 b
Que l’artiste charmé vous admire et vous aime ; 6+6 a
Rendez fameux vote pinceau ; 8 b
65 Soyez plus qu’un espoir et plus qu’une promesse ; 6+6 a
Ayez la force et la beauté, 8 b
Ayez toute la grâce et toute la jeunesse, 6+6 a
Et tout l’avenir enchanté, 8 b
Pour qu’un soir il suffise à la brutale envie 6+6 a
70 D’un goujat qui sait son métier, 8 b
De faire des : du coup il supprime une vie 6+6 a
Qui va manquer au monde entier ! 8 b
Pauvre enfant, il rêvait encor la délivrance ; 6+6 a
Nos vœux brûlants étaient les siens ; 8 b
75 Et voilà pour adieu ce que te laisse, ô France, 6+6 a
Le dernier plomb de ce Prussiens ! 8 b
Oh ! qu’il fut triste et noir le jour des funérailles ! 6+6 a
Va, tu fais bien d’être endormi 8 b
C’était l’heure où la faim désarmait nos murailles, 6+6 a
80 Et nous courbait sous l’ennemi ! 8 b
Paris était venu, près de ta fiancée, 6+6 a
Au grave et sombre rendez-vous : 8 b
Chaque regard cachait une morne pensée, 6+6 a
Faite de honte et de courroux. 8 b
85 Tous, les jeunes, les vieux, dans la foi, dans le doute, 6+6 a
Nous méditions, le cœur navré ; 8 b
Et le De profundis qui montait vers la voûte 6+6 a
Jamais n’avait ainsi pleuré ; 8 b
Car, en couvant des yeux cette bière drapée, 6+6 a
90 Nous conduisions un autre deuil : 8 b
La patrie avec toi, du même coup frappée, 6+6 a
Dormait aussi dans ton cercueil ! 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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