Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
MAL_1/MAL2
Stéphane MALLARMÉ
POÉSIES
(édition DEMAN)
1887
LE GUIGNON
Au-dessus du bétail ahuri des humains 6+6 a
Bondissaient en clarté les sauvages crinières 6+6 b
Des mendiants d'azur le pied dans nos chemins. 6+6 a
Un noir vent sur leur marche éployé pour bannières 6+6 b
5 La flagellait de froid tel jusque dans la chair, 6+6 c
Qu'il y creusait aussi d'irritables ornières. 6+6 b
Toujours avec l'espoir de rencontrer la mer, 6+6 c
Ils voyageaient sans pain, sans bâtons et sans urnes, 6+6 a
Mordant au citron d'or de l'idéal amer. 6+6 c
10 La plupart râla dans les défilés nocturnes, 6−6 a
S'enivrant du bonheur de voir couler son sang, 6+6 b
O Mort le seul baiser aux bouches taciturnes ! 6+6 a
Leur défaite, c'est par un ange très puissant 6−6 b
Debout à l'horizon dans le nu de son glaive : 6+6 c
15 Une pourpre se caille au sein reconnaissant. 6+6 b
Ils tettent la douleur comme ils tétaient le rêve 6+6 c
Et quand ils vont rythmant de pleurs voluptueux 6+6 a
Le peuple s'agenouille et leur mère se lève. 6+6 c
Ceux-là sont consolés, sûrs et majestueux ; 6+6 a
20 Mais traînent à leurs pas cent frères qu'on bafoue, 6+6 b
Dérisoires martyrs de hasards tortueux. 6+6 a
Le sel pareil des pleurs ronge leur douce joue, 6+6 b
Ils mangent de la cendre avec le même amour, 6+6 c
Mais vulgaire ou bouffon le destin qui les roue. 6+6 b
25 Ils pouvaient exciter aussi comme un tambour 6+6 c
La servile pitié des races à voix terne, 6+6 a
Égaux de Prométhée à qui manque un vautour ! 6+6 c
Non, vils et fréquentant les déserts sans citerne, 6+6 a
Ils courent sous le fouet d'un monarque rageur, 6+6 b
30 Le Guignon, dont le rire inouï les prosterne. 6+6 a
Amants, il saute en croupe à trois, le partageur ! 6+6 b
Puis le torrent franchi, vous plonge en une mare 6+6 c
Et laisse un bloc boueux du blanc couple nageur. 6+6 b
Grâce à lui, si l'un souffle à son buccin bizarre, 6+6 c
35 Des enfants nous tordront en un rire obsti 6+6 a
Qui, le poing à leur cul, singeront sa fanfare. 6+6 c
Grâce à lui, si l'une orne à point un sein fa 6+6 a
Par une rose qui nubile le rallume, 6+6 b
De la bave luira sur son bouquet damné. 6+6 a
40 Et ce squelette nain, coiffé d'un feutre à plume 6+6 b
Et botté, dont l'aisselle a pour poils vrais des vers, 6+6 c
Est pour eux l'infini de la vaste amertume. 6+6 b
Vexés ne vont-ils pas provoquer le pervers, 6+6 c
Leur rapière grinçant suit le rayon de lune 6+6 a
45 Qui neige en sa carcasse et qui passe au travers. 6+6 c
Désolés sans l'orgueil qui sacre l'infortune, 6+6 a
Et tristes de venger leurs os de coups de bec, 6+6 b
Ils convoitent la haine, au lieu de la rancune. 6+6 a
Ils sont l'amusement des racleurs de rebec, 6+6 b
50 Des marmots, des putains et de la vieille engeance 6+6 c
Des loqueteux dansant quand le broc est à sec. 6+6 b
Les poëtes bons pour l'aumône ou la vengeance, 6−6 c
Ne connaissent le mal de ces dieux effacés, 6+6 a
Les disent ennuyeux et sans intelligence. 6+6 c
55 « Ils peuvent fuir ayant de chaque exploit assez, 6+6 a
« Comme un vierge cheval écume de tempête 6+6 b
« Plutôt que de partir en galops cuirassés. 6+6 a
« Nous slerons d'encens le vainqueur de la fête : 6+6 b
« Mais eux, pourquoi n'endosser pas, ces baladins, 4+4+4 c
60 « D'écarlate haillon hurlant que l'on s'arrête ! » 6+6 b
Quand en face tous leur ont craché les dédains, 6−6 c
Nuls et la barbe à mots bas priant le tonnerre, 6+6 a
Ces héros excédés de malaises badins 6+6 c
Vont ridiculement se pendre au réverbère. 6+6 a
mètre profil métrique : 6=6
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