Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
MAL_1/MAL18
Stéphane MALLARMÉ
POÉSIES
(édition DEMAN)
1887
HÉRODIADE
SCÈNE
La Nourrice ‒ Hérodiade
N.
Tu vis ! ou vois-je icil'ombre d'une princesse ? 6+6 a
À mes lèvres tes doigtset leurs bagues et cesse 6+6 a
De marcher dans un âgeignoré
H.
Reculez. 6+6 b
Le blond torrent de mescheveux immaculés 6−6 b
5 Quand il baigne mon corpssolitaire le glace 6+6 a
D'horreur, et mes cheveuxque la lumière enlace 6+6 a
Sont immortels. O femme,un baiser me tûrait 6+6 b
Si la beauté n'étaitla mort…
Par quel attrait 6+6 b
Menée et quel matinoublié des prophètes 6+6 a
10 Verse, sur les lointainsmourants, ses tristes fêtes, 6+6 a
Le sais-je ? tu m'as vue,ô nourrice d'hiver, 6+6 b
Sous la lourde prisonde pierres et de fer 6+6 b
de mes vieux lionstrnent les siècles fauves 6+6 a
Entrer, et je marchais,fatale, les mains sauves, 6+6 a
15 dans le parfum désertde ses anciens rois : 6+6 b
Mais encore as-tu vuquels furent mes effrois ? 6+6 b
Je m'arrête rêvantaux exils, et j'effeuille, 6+6 a
Comme près d'un bassindont le jet d'eau m'accueille 6+6 a
Les pâles lys qui sonten moi, tandis qu'épris 6+6 b
20 De suivre du regardles languides débris 6+6 b
Descendre, à travers marêverie, en silence, 6−6 a
Les lions, de ma robeécartent l'indolence 6+6 a
Et regardent mes piedsqui calmeraient la mer. 6+6 b
Calme, toi, les frissonsde ta sénile chair, 6+6 b
25 Viens et ma chevelureimitant les manières 6+6 a
Trop farouches qui fontvotre peur des crinières, 6+6 a
Aide-moi, puisqu'ainsitu n'oses plus me voir, 6+6 b
A me peignernonchalammentdans un miroir. 4+4+4 b
N.
Sinon la myrrhe gaieen ses bouteilles closes, 6+6 a
30 De l'essence ravieaux vieillesses de roses, 6+6 a
Voulez-vous, mon enfant,essayer la vertu 6+6 b
Funèbre ?
H.
Laisse-làces parfums ! ne sais-tu 6+6 b
Que je les hais, nourrice,et veux-tu que je sente 6+6 a
Leur ivresse noyerma tête languissante ? 6+6 a
35 Je veux que mes cheveuxqui ne sont pas des fleurs 6+6 b
À répandre l'oublides humaines douleurs 6+6 b
Mais de l'or, à jamaisvierge des aromates, 6+6 a
Dans leurs éclairs cruelset dans leurs pâleurs mates, 6+6 a
Observent la froideurstérile du métal, 6+6 b
40 Vous ayant reflétés,joyaux du mur natal, 6+6 b
Armes, vases depuisma solitaire enfance. 6+6 a
N.
Pardon ! l'âge effaçait,reine, votre défense 6+6 a
De mon esprit pâlicomme un vieux livre ou noir… 6+6 b
H.
Assez ! Tiens devant moice miroir.
Ô miroir ! 6+6 b
45 Eau froide par l'ennuidans ton cadre gelée 6+6 a
Que de fois et pendantles heures, désolée 6+6 a
Des songes et cherchantmes souvenirs qui sont 6+6 b
Comme des feuilles sousta glace au trou profond, 6−6 b
Je m'apparus en toicomme une ombre lointaine 6+6 a
50 Mais, horreur ! des soirs, dansta sévère fontaine, 6−6 a
J'ai de mon rêve éparsconnu la nudité ! 6+6 b
Nourrice, suis-je belle ?
N.
Un astre, en vérité 6+6 b
Mais cette tresse tombe
H.
Arrête dans ton crime 6+6 a
Qui refroidit mon sangvers sa source, et réprime 6+6 a
55 Ce geste, impiétéfameuse : ah ! conte-moi 6+6 b
Quel sûr démon te jetteen le sinistre émoi, 6+6 b
Ce baiser, ces parfumsofferts et, le dirai-je ? 6+6 a
O mon cœur, cette mainencore sacrilège, 6+6 a
Car tu voulais, je crois,me toucher, sont un jour 6+6 b
60 Qui ne finira passans malheur sur la tour… 6+6 b
Ô jour qu'Hérodiadeavec effroi regarde ! 6+6 a
N.
Temps bizarre, en effet,de quoi le ciel vous garde ! 6+6 a
Vous errez, ombre seuleet nouvelle fureur, 6+6 b
Et regardant en vousprécoce avec terreur ; 6+6 b
65 Mais toujours adorableautant qu'une immortelle, 6+6 a
O mon enfant, et belleaffreusement, et telle 6+6 a
Que
H.
Mais n'allais-tu pasme toucher ?
N.
… J'aimerais 6+6 b
Être à qui le Destinréserve vos secrets. 6+6 b
H.
Oh ! tais-toi !
N.
Viendra-t-ilparfois ?
H.
Étoiles pures, 6+6 a
N'entendez pas !
N.
70 Comment,sinon parmi d'obscures 6+6 a
Épouvantes, songerplus implacable encor 6+6 b
Et comme suppliantle dieu que le trésor 6+6 b
De votre grâce attend !et pour qui, dévorée 6+6 a
D'angoisse, gardez-vousla splendeur ignorée 6+6 a
Et le mystère vainde votre être ?
H.
75 Pour moi. 6+6 b
N.
Triste fleur qui crt seuleet n'a pas d'autre émoi 6+6 b
Que son ombre dans l'eauvue avec atonie. 6+6 a
H.
Va, garde ta pitiécomme ton ironie. 6+6 a
N.
Toutefois expliquez :oh ! non, naïve enfant, 6+6 b
80 Décrtra, quelque jour,ce dédain triomphant… 6+6 b
H.
Mais qui me toucherait,des lions respectée ? 6+6 a
Du reste, je ne veuxrien d'humain et, sculptée, 6+6 a
Si tu me vois les yeuxperdus au paradis, 6+6 b
C'est quand je me souviensde ton lait bu jadis. 6+6 b
N.
85 Victime lamentableà son destin offerte ! 6+6 a
H.
Oui, c'est pour moi, pour moi,que je fleuris, déserte ! 6+6 a
Vous le savez, jardinsd'améthyste, enfouis 6+6 b
Sans fin dans vos savantsabîmes éblouis, 6+6 b
Ors ignorés, gardantvotre antique lumière 6+6 a
90 Sous le sombre sommeild'une terre première, 6+6 a
Vous, pierres mes yeuxcomme de purs bijoux 6+6 b
Empruntent leur clartémélodieuse, et vous 6+6 b
Métaux qui donnez àma jeune chevelure 6−6 a
Une splendeur fataleet sa massive allure ! 6+6 a
95 Quant à toi, femme néeen des siècles malins 6+6 b
Pour la méchancetédes antres sibyllins, 6+6 b
Qui parles d'un mortel !selon qui, des calices 6+6 a
De mes robes, arômeaux farouches délices, 6+6 a
Sortirait le frissonblanc de ma nudité, 6+6 b
100 Prophétise que sile tiède azur d'été, 6+6 b
Vers lui nativementla femme se dévoile, 6+6 a
Me voit dans ma pudeurgrelottante d'étoile, 6+6 a
Je meurs !
J'aime l'horreurd'être vierge et je veux 6+6 b
Vivre parmi l'effroique me font mes cheveux 6+6 b
105 Pour, le soir, retiréeen ma couche, reptile 6+6 a
Inviolé sentiren la chair inutile 6+6 a
Le froid scintillementde ta pâle clarté 6+6 b
Toi qui te meurs, toi quibrûles de chasteté 6+6 b
Nuit blanches de glaçonset de neige cruelle ! 6+6 a
110 Et ta sœur solitaire,ô ma sœur éternelle 6+6 a
Mon rêve monteravers toi : telle déjà, 6+6 b
Rare limpiditéd'un cœur qui le songea, 6+6 b
Je me crois seule en mamonotone patrie 6−6 a
Et tout, autour de moi,vit dans l'idolâtrie 6+6 a
115 D'un miroir qui reflèteen son calme dormant 6+6 b
Hérodiade au clairregard de diamant… 6+6 b
Ô charme dernier, oui !je le sens, je suis seule. 6+6 a
N.
Madame, allez-vous doncmourir ?
H.
Non, pauvre aïeule, 6+6 a
Sois calme et, t'éloignant,pardonne à ce cœur dur, 6+6 b
120 Mais avant, si tu veux,clos les volets, l'azur 6+6 b
Séraphique souritdans les vitres profondes, 6+6 a
Et je déteste, moi,le bel azur !
Des ondes 6+6 a
Se bercent et, là-bas,sais-tu pas un pays 6+6 b
le sinistre cielait les regards haïs 6+6 b
125 De Vénus qui, le soir,brûle dans le feuillage : 6+6 a
J'y partirais.
Allumeencore, enfantillage 6+6 a
Dis-tu, ces flambeaux la cire au feu léger 6+6 b
Pleure parmi l'or vainquelque pleur étranger 6+6 b
Et…
N.
Maintenant ?
H.
Adieu.
Vous mentez, ô fleur nue 6+6 a
De mes lèvres.
130 J'attendsune chose inconnue 6+6 a
Ou peut-être, ignorantle mystère et vos cris, 6+6 b
Jetez-vous les sanglotssuprêmes et meurtris 6+6 b
D'une enfance sentantparmi les rêveries 6+6 a
Se séparer enfinses froides pierreries. 6+6 a
mètre profil métrique : 6=6
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