Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LSR_1/LSR7
Daniel LESUEUR
(Jeanne LOISEAU)
POÉSIES
1986
VISIONS DIVINES
PRIÈRE A MINERVE
I
Dans l'abîme sacré, dans l'infini mystique 6+6 a
Où sont assis les dieux, ô Pallas-Athéné, 6+6 b
Daigne écouter l'accent de mon pieux cantique ! 6+6 a
Reviens, reviens, Déesse, à la colline antique, 6+6 a
5 Fais resplendir encor ton temple profané ! 6+6 b
Nous avons mutilé ton Parthénon sublime, 6+6 a
Nous, fils lourds et grossiers des Goths aux cheveux roux. 6+6 b
Ton pardon ne saurait effacer un tel crime. 6+6 a
De ses sombres erreurs notre race est victime ; 6+6 a
10 Leur poids l'écrase encor, bien plus que ton courroux. 6+6 b
Mais du moins laisse-moi, noble Reine offensée, 6+6 a
Sur ton autel détruit verser mes pleurs amers ! 6+6 b
Car il fut le sommet de l'humaine pensée. 6+6 a
Sitôt qu'il a péri, la nuit s'est abaissée 6+6 a
15 Sur ce triste Occident déchiré par les mers. 6+6 b
Mille ans elle a régné, la nuit épouvantable. 6+6 a
Tu te taisais alors et détournais les yeux, 6+6 b
O Raison, ô Beauté sereine et redoutable ! 6+6 a
Lorsque fondit sur nous l'horreur inévitable, 6+6 a
20 Muette, tu voilas ta face au fond des cieux. 6+6 b
Le jour pourtant revint. Une tremblante aurore 6+6 a
Palpita tout à coup vers l'horizon sanglant. 6+6 b
Le vague écho lointain de ton clairon sonore, 6+6 a
O Vérité, passa, puis grandit plus encore 6+6 a
25 L'Art ancien du tombeau surgit en chancelant. 6+6 b
C'est qu'une vision, pâle encore et divine, 6+6 a
Dans les cœurs torturés montait avec lenteur ; 6+6 b
C'est qu'au souffle venu de ta sainte colline, 6+6 a
O Pallas-Athéné, sur le front qui s'incline 6+6 a
30 Planait le vol puissant de l'Idéal sauveur. 6+6 b
Le Moyen Age obscur tressaillit d'allégresse ; 6+6 a
Le monde crut renaître en retrouvant tes lois. 6+6 b
Des vrais amants du Beau n'es-tu pas la maîtresse ? 6+6 a
La Grèce nous inspire et tu guidas la Grèce. 6+6 a
35 Tous les grands siècles d'art sont éclos à ta voix. 6+6 b
Mais jamais l'Idéal, dont l'âme est altérée, 6+6 a
Qu'elle poursuit toujours et qui toujours s'enfuit, 6+6 b
Ne manifesta mieux sa présence adorée 6+6 a
Que dans l'antique Hellas, dans la terre sacrée, 6+6 a
40 Dont seul l'éclat splendide a vaincu notre nuit. 6+6 b
Jamais il ne trouva de plus parfait symbole 6+6 a
Que toi-même, ô Pallas : Beauté, Force et Raison ! 6+6 b
Nul temple n'égala celui de l'Acropole. 6+6 a
Sous un clair ciel d'azur, merveilleuse coupole, 6+6 a
45 Quel peuple fier et doux remplissait ta maison ! 6+6 b
Quels nobles citoyens, devant tes Propylées, 6+6 a
S'abordaient pour parler des dieux et des destins ! 6+6 b
Leurs paroles de feu, dans l'espace envolées, 6+6 a
Enchantent aujourd'hui nos âmes consolées 6+6 a
50 Et sont le vrai flambeau de nos pas incertains. 6+6 b
Telle est ton œuvre immense, ô Reine salutaire ! 6+6 a
Mais quelle ingratitude a payé tes bienfaits ! 6+6 b
Ton culte a cessé d'être en honneur sur la terre, 6+6 a
Tu n'es plus qu'une idole, on rit de ton mystère. 6+6 a
55 Le respect des dieux pèse à nos cœurs imparfaits. 6+6 b
II
Au temps de Périclès que tu paraissais belle ! 6+6 a
Ta force le cédait alors à ta douceur. 6+6 b
De pompeux cavaliers, en file solennelle, 6+6 a
Célébraient sur ta frise une fête éternelle, 6+6 a
60 Et chaque Athénienne était ta blanche sœur. 6+6 b
O Vierge ! pour montrer ta face auguste et pure, 6+6 a
Pour mieux fixer les traits sous lesquels tu survis, 6+6 b
Tu créas Phidias… L'art passa la nature, 6+6 a
Et soudain tu parus, divine sous l'armure, 6+6 a
65 Toute d'ivoire et d'or au fond du saint parvis. 6+6 b
De ton sublime front, d'où la clarté ruisselle, 6+6 a
Sans cesse descendit dès lors la vérité. 6+6 b
De tes rayons brûlants quelque ardente parcelle 6+6 a
Chaque jour du génie alluma l'étincelle, 6+6 a
70 Et le monde ébloui vécut pour ta beauté. 6+6 b
Ton culte universel n'avait point de sceptique, 6+6 a
Tout mortel était prêtre à tes divins autels. 6+6 b
Euripide charmait les paysans d'Attique, 6+6 a
Et l'humble mendiant, assis sous ton portique, 6+6 a
75 Discutait de Platon les dogmes immortels. 6+6 b
Qu'il était donc aisé de suivre ta loi douce 6+6 a
Lorsque sur l'Acropole on pouvait t'approcher ! 6+6 b
Mais le front de ton temple a roulé sur la mousse. 6+6 a
Toujours vers l'avenir notre destin nous pousse. 6+6 a
80 Où faut-il, où faut-il à présent te chercher ? 6+6 b
Jamais nous n'atteindrons la grâce athénienne, 6+6 a
Minerve, car en nous survivent nos aïeux, 6+6 b
Durs guerriers, descendus de la Scythie ancienne, 6+6 a
Dont la fureur brisa cette ville, la tienne, 6+6 a
85 Où, fière, tu posais ton pied victorieux. 6+6 b
Que d'efforts il nous faut pour secouer une heure 6+6 a
Le lourd fardeau sanglant des siècles entassés ! 6+6 b
L'abeille de l'Hymette en vain passe et m'effleure 6+6 a
Pour moi, triste étranger, qui lutte, implore et pleure, 6+6 a
90 Ce doux frisson subtil, hélas ! n'est point assez. 6+6 b
III
A peine ai-je compris, ô Minerve d'Athène, 6+6 a
La pensée enfermée en ton front radieux. 6+6 b
Qu'es-tu ? Qu'enseignes-tu, Vierge pure et hautaine ? 6+6 a
Vois, mon âme est fervente et pourtant incertaine 6+6 a
95 Découvre à mes regards ton sens mystérieux. 6+6 b
Toi que l'Amour jamais n'a trouvée accessible, 6+6 a
Toi dont le sang jamais sous ses dards n'a coulé, 6+6 b
Es-tu la Pureté, ferme, austère, inflexible, 6+6 a
Qui sur les chastes mœurs, sur le foyer paisible, 6+6 a
100 Pose des peuples forts l'empire inébranlé ? 6+6 b
Mais n'es-tu pas, ô toi qu'invoquait Praxitèle, 6+6 a
Du génie enflammé l'étincelle de feu ? 6+6 b
Dans ses moindres débris ton Parthénon révèle 6+6 a
Un tel souci du Beau, que nul peuple fidèle 6+6 a
105 N'offrit pareil présent en hommage à son Dieu. 6+6 b
Oh ! si tu descendais de ta lointaine cime, 6+6 a
Dans le vide et la nuit las enfin de crier, 6+6 b
Nous courberions nos fronts sous ta règle sublime. 6+6 a
Vois, tous nos dieux brisés ont glissé dans l'abîme, 6+6 a
110 Pourtant nous ne pouvons désapprendre à prier. 6+6 b
Il s'éteint sans écho, le blasphème farouche 6+6 a
Par ce siècle hardi lancé contre le ciel. 6+6 b
La grâce du divin nous attire et nous touche, 6+6 a
L'infini nous reprend… Nous fermons notre bouche, 6+6 a
115 Mais notre cœur charmé chante un hymne éternel. 6+6 b
Minerve, c'est pourquoi les hommes de notre âge, 6+6 a
Las de leurs durs travaux, s'émeuvent à ton nom. 6+6 b
Dans nos songes troublés vient flotter ton image, 6+6 a
Et l'incrédule aussi, qui se croit le plus sage, 6+6 a
120 Pleure, et baise, incliné, le seuil du Parthénon. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université