Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LSR_1/LSR5
Daniel LESUEUR
(Jeanne LOISEAU)
POÉSIES
1986
VISIONS DIVINES
LE PROGRÈS ET LES DIEUX
Aux temps anciens, le monde existait dans un rêve ; 6+6 a
Les cieux élargissaient le terrestre horizon ; 6+6 b
L'espoir d'un avenir plein d'extases sans trêve 6+6 a
Consolait de la vie incertaine et trop brève, 6+6 a
5 Et le désir vainqueur supplantait la raison. 6+6 b
Hélas ! il est des cœurs que le Progrès consterne, 6+6 a
Des lèvres qui toujours invoqueront les dieux. 6+6 b
La Science à l'œil froid conduit l'esprit moderne, 6+6 a
Pourtant plus d'un genou dans l'ombre se prosterne, 6+6 a
10 Plus d'un regard encor monte au ciel radieux. 6+6 b
C'est que, nous retirant l'espérance qui charme, 6+6 a
Dévastant à jamais nos lointains paradis, 6+6 b
La Science n'a pas effacé toute larme ; 6+6 a
En nos mains, au contraire, elle aiguise chaque arme, 6+6 a
15 Et nous rend sans pitié pour les combats maudits. 6+6 b
L'antique Illusion, qui nous devient néfaste, 6+6 a
Ne peut plus sans péril embellir le chemin. 6+6 b
Notre champ de bataille est si sombre et si vaste 6+6 a
Que jamais nulle haine ou de peuple ou de caste 6+6 a
20 N'en ouvrit de pareil au désespoir humain. 6+6 b
Le sang n'y coule point : la lutte pour la vie 6+6 a
N'offre point la grandeur des glorieux trépas ; 6+6 b
Les morts, nul ne les chante et nul ne les envie, 6+6 a
Et l'effrayant clairon qui tous nous y convie, 6+6 a
25 C'est le cri de la faim, qui ne pardonne pas. 6+6 b
Nos tournois acharnés ont l'univers pour lice. 6+6 a
Sous nos efforts géants tout rempart est tombé. 6+6 b
Le salaire est une arme, un mot d'ordre, un complice. 6+6 a
Ni repos, ni pitié ! Si son pied manque ou glisse, 6+6 a
30 Le lutteur le plus fort a bientôt succombé. 6+6 b
Car le travail, facile aux époques naïves, 6+6 a
Est pour nous l'incessant et terrible labeur. 6+6 b
L'esclave d'autrefois, dans nos cités actives, 6+6 a
Frémirait à l'aspect de nos races chétives, 6+6 a
35 Qu'asservissent le fer et l'or et la vapeur. 6+6 b
Il rirait de dédain quand leur foule pâlie, 6+6 a
Quittant le puits de mine ou l'obscur atelier, 6+6 b
Lui dirait : « Nous, au moins, sommes libres. » Folie ! 6+6 a
Vous, libres ?… Mais la loi qui vous dompte et vous lie 6+6 a
40 Plus qu'aucun joug humain vous contraint de plier. 6+6 b
Dans sa marche en avant le Progrès implacable, 6+6 a
Comme l'âpre Nature, écrase aveuglément 6+6 b
Le faible, l'impuissant, le rêveur, l'incapable. 6+6 a
Pour qui veut éluder son ordre redoutable, 6+6 a
45 Honte, misère et mort sont un sûr châtiment. 6+6 b
Pourtant l'homme jamais ne vivra sans chimère. 6+6 a
Nous aussi, nous avons notre espoir insensé : 6+6 b
Le rêve social, en son ardeur amère, 6+6 a
Prend des religions la puissance éphémère 6+6 a
50 Et remplace à lui seul tous les dieux du passé. 6+6 b
Nous le verrons bientôt plus qu'eux impitoyable, 6+6 a
Car il met l'idéal ici-bas, près de nous. 6+6 b
Pour toucher à ce but, qui paraît saisissable, 6+6 a
Le combat grandira, tellement effroyable 6+6 a
55 Que les maux d'aujourd'hui pourront nous sembler doux. 6+6 b
Puisque telle est la loi, courbons donc notre tête ; 6+6 a
Mais ne maudissons pas, dans notre vain orgueil, 6+6 b
En face des douleurs que demain nous apprête, 6+6 a
Les dieux, dont la raison proclame la défaite, 6+6 a
60 Mais dont nos cœurs meurtris portent encor le deuil. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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