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LOZ_1/LOZ9
Albert LOZEAU
Poésies complètes I
L'ÂME SOLITAIRE
1902-1907
1907
I
LES HEURES D’AMOUR
LE DESIR ― LE REGRET
I
LE DÉSIR
BONHEUR
I
Le soir nous enveloppe, indiciblement doux, 6+6 a
Comme un regard d’amour se promenant sur nous. 6+6 a
L’heure passe là-haut, penchant un peu son urne, 6+6 b
Heure de paix divine et de rêve nocturne. 6+6 b
5 La caresse de l’ombre éclatante du ciel 6+6 a
Emplit le cœur de joie et la bouche de miel. 6+6 a
La calme Nuit étend son empire tranquille. 6+6 b
Le bienfait du silence approche de la ville 6+6 b
Et nous sommes tous deux sans parole, songeant 6+6 a
10 À la sainte splendeur des points d’or et d’argent, 6+6 a
Heureux, loin du Réel jaloux qui nous réclame, 6+6 b
Comme s’il nous pleuvait des étoiles dans l’âme. 6+6 b
II
Quel soir harmonieux, chère, quel soir divin, 6+6 a
Où j’ai senti cela : hors t’aimer, tout est vain ! 6+6 a
15 Ma gloire, c’est d’avoir mon cœur dans ta pensée, 6+6 b
Comme ta main jolie en la mienne pressée, 6+6 b
Et d’écouter les mots que tu dis dans le soir, 6+6 a
Et de te regarder de si près sans te voir ! 6+6 a
Car l’ombre s’épaissit en noyant les visages, 6+6 b
20 Comme au lointain elle a fondu les paysages. 6+6 b
Demeurons en silence et regardons les cieux. 6+6 a
C’est en ne parlant pas qu’on s’adore le mieux. 6+6 a
Et vois comme là-haut, magnifique en ses voiles, 6+6 b
Rêve paisiblement la nuit aux yeux d’étoiles. 6+6 b
III
25 Jouez-moi, lui disais-je un soir, de vieux airs tristes, 6+6 a
Tristes à faire mal aux cœurs les moins artistes. 6+6 a
– Elle posa ses mains blanches sur le clavier, 6+6 b
Et nous rêvâmes… L’heure au fond du sablier 6+6 b
Jetait ses grains de sable en petites minutes. 6+6 a
30 Aux sons du piano mimant le chant des flûtes, 6+6 a
Des musettes d’amour aux profondeurs des bois, 6+6 b
Des rustiques pipeaux et des divins hautbois, 6+6 b
Si l’azur, en ce soir chantant d’extase intime, 6+6 a
Se fût ouvert, m’offrant le paradis sublime, 6+6 a
35 J’aurais dit : Non, Seigneur, s’il faut monter là-haut 6+6 b
Sans la musicienne et sans le piano ! 6+6 b
IV
Tu ne m’as jamais dit : Baise-moi sur les yeux, 6+6 a
Lentement, longuement, afin de goûter mieux 6+6 a
Tu ne m’as jamais dit cela… Tes deux mains nues, 6+6 b
40 Je les ai quand je veux, d’elles-mêmes venues. 6+6 b
Tes lèvres, je les sais prêtes à mon baiser, 6+6 a
Elles qui si longtemps ont dû se refuser, 6+6 a
Et ton front où, parfois, à ton insu, se joue 6+6 b
Une mèche d’or brun, et ton front, et ta joue. 6+6 b
45 Car ton cœur jeune et franc répète chaque jour 6+6 a
Que l’amour ne doit pas dire non à l’amour, 6+6 a
Et qu’il est, par bonheur, de légitimes fièvres 6+6 b
Qui s’expriment par la caresse de nos lèvres !… 6−6 b
Mais si l’être caché transparaît dans les yeux, 6+6 a
50 Comme à travers l’eau pure un fond mystérieux : 6+6 a
Si ce qu’on aime et cherche est là, dans les prunelles, 6+6 b
Qui se concentre, intime, et se révèle en elles, 6+6 b
Ah ! laisse-moi, malgré tes paupières de chair, 6+6 a
Dont le frêle tissu si mince est presque clair, 6+6 a
55 Laisse-moi, rougissant comme une exquise femme, 6+6 b
Poser sur tes deux yeux un baiser sur ton âme ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
forme globale type : suite de distiques
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