Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LOY_2/LOY50
Charles LOYSON
ÉPÎTRES ET ÉLÉGIES
1819
ÉLÉGIES
ÉLÉGIE IX(1)
TIBULLE A CORCYRE(2)
Tu pars, cher Messala ;tes poupes vagabondes 6+6 z
Sans moi des mers d’Égéeiront fendre les ondes : 6+6 z
O mes amis, adieu !mais ne m'oubliez pas ! 6+6 a
Mourant sur ce rivageun sort cruel m'arrête, 6+6 b
5 O mort ! retiens tes coupssuspendus sur ma tête ; 6+6 b
Entends ma plainte, ô mort,et détourne ton bras ! 6+6 a
Étranger dans ces lieux,je n'ai point là ma mère 6+6 c
Pour recueillir mes ossur le bûcher fumant ; 6+6 d
Je n'ai point là ma sœur,qui, d'un soin funéraire, 6+6 c
10 Embaumerait ma cendre,et viendrait tristement 6+6 d
Pleurer en longs cheveuxau tombeau de son frère. 6+6 c
Je n'ai point ma Délie !… Hélas ! à nos adieux, 6+6 e
L'infortunée en vainconsulta tous les dieux. 6+6 e
Dans les mains d'un enfanttrois fois interrogée, 6+6 f
15 Trois fois l'urne du sort,à Délie affligée, 6+6 f
Par des signes certainsannonça mon retour, 6+6 g
Et pourtant rien ne putrassurer son amour ; 6+6 g
De ce chemin fatal,objet de tant d'alarmes, 6+6 h
Rien ne put détournerses yeux baignés de larmes. 6+6 h
20 Moi-même, pour calmerson cœur désespéré, 6+6 i
Cent fois prêt à partir,cent fois je différai. 6+6 i
J'alléguais les oiseaux,un sinistre présage, 6+6 k
Le jour du dieu Saturne,à bon droit redouté. 6+6 i
Souvent, déjà sorti,je rentre épouvanté : 6+6 i
25 D'un accident sinistreassuré témoignage, 6+6 k
En franchissant le seuilmon pied s'était heurté. 6+6 i
En dépit de l'amourn'allez point en voyage, 6+6 k
Ou redoutez un dieucontre vous irrité ! 6+6 i
Et toi, vante, ô Délie,Isis et ses mystères(3), 6+6 l
30 Et ces flots d'un bain pursur ton corps répandus, 6+6 m
Et ces sistres d’airain,et ces nuits solitaires, 6+6 l
Doux momens pour l'amoursi vainement perdus ! 6+6 m
Eh bien ! divinitépar Délie adorée, 6+6 f
Je t'implore ; ton templeest rempli de tableaux 6+6 n
35 Témoins de ta puissanceà soulager nos maux. 6+6 n
Fais que Délie assiseà ta porte sacrée, 6+6 f
T'offre de chastes nuitspour prix de tes faveurs, 6+6 o
Et de ses longs cheveuxmodestement parée, 6+6 f
Deux fois le jour se mêleà tes adorateurs. 6+6 o
40 Fais que rendu moi-mêmeà mes foyers antiques, 6+6 p
J'offre encor mon encensà mes dieux domestiques ! 6+6 p
Oh ! qu'heureux sous Saturneont vécu les humains, 6+6 q
Avant qu'on vît la terreouverte aux longs voyages, 6+6 r
Avant qu'on vît le pinaffronter les orages, 6+6 r
45 Et déployant sa voileaux autans incertains, 6+6 q
Par des chemins plus courts,sur les humides plaines, 6+6 s
Rapporter les trésorsdes régions lointaines ! 6+6 s
Alors le bœuf au jougn'était point condamné, 6+6 i
L'ardent coursier au freinn'était point façonné. 6+6 i
50 Nulle porte aux maisons ;sans bornes importunes, 6+6 t
Les champs offraient à tousleurs richesses communes. 6+6 t
Le miel coulait du chêne :au tranquille berger 6+6 i
La brebis d'elle-mêmeapportait ses mamelles ; 6+6 u
Point de guerres alors,point d'armes, de querelles, 6+6 u
55 Ni d'affreux bataillonsbrûlant de s'égorger. 6+6 i
Mais depuis Jupiter,dans ce siècle sauvage, 6+6 k
Que de maux rassemblés !la guerre, le carnage, 6+6 k
De la mer en fureurles abîmes ouverts, 6+6 v
Et cent chemins nouveauxpour descendre aux enfers ! 6+6 v
60 O puissant roi des dieux !tu le sais, nul parjure 6+6 w
Dans mon coupable seinn'a jeté le remords, 6+6 x
Le blasphême n'a pointsouillé ma bouche impure ; 6+6 w
Épargne donc mes jours,ou, si parmi les morts 6+6 x
Il faut que je descende,hélas ! du moins j’implore 6+6 y
65 Une pierre funèbre soient gravés ces mots : 6+6 z
Tibulle ici repose ;il mourut jeune encore 6+6 y
En suivant Messalasur la terre et les flots. 6+6 z
Mais Vénus, dont le filsme tient sous sa puissance, 6+6 a
M'ouvrira l'Élyséeet ses bois toujours verts. 6+6 v
70 Là règnent à jamaiset les chants et la danse. 6+6 a
Là, mille oiseaux erransfont ouir leurs concerts. 6+6 v
Là, du baume des fleursincessamment écloses, 6+6 b
Les volages zéphyrsvont parfumant les airs, 6+6 v
Et les champs sans cultureont des moissons de roses. 6+6 b
75 Là, des troupes d'amans,les bras entrelacés, 6+6 c
Foulent les verts gazonssous leurs pas cadencés, 6+6 c
Et les tapis de fleurs, leur essaim folâtre, 6+6 d
De mille doux combatssont le riant théâtre ; 6+6 d
Quiconque enfin mourutsous les lois de l'amour, 6+6 g
80 Va couronné de myrtheerrant dans ce séjour. 6+6 g
Mais il est loin de là,dans une nuit profonde, 6+6 e
Au centre de la terre,un abîme enfoncé, 6+6 i
Ou le noir Achéronroule en grondant son onde : 6+6 e
C'est là que de serpensle front tout hérissé, 6+6 i
85 Tisiphone poursuitses victimes plaintives. 6+6 f
Tout fuit quand sur le seuil,à leurs troupes craintives, 6+6 f
Cerbère en rugissantse présente soudain, 6+6 g
Sentinelle effroyableà ces portes d’airain. 6+6 g
Là, payant de ses feuxl'audacieuse injure, 6+6 w
90 L'amant de Junon tourneà sa roue attaché : 6+6 i
Sur neuf vastes arpensTitye est là couché, 6+6 i
D'un immortel vautourimmortelle pâture. 6+6 w
Là soupire Tantaleau bord d'une onde pure, 6+6 w
Qui sans cesse à ses mauxoffrant un vain secours, 6+6 h
95 Semble chercher sa soifpour la tromper toujours. 6+6 h
Là, des fils d'Egyptusles épouses perfides 6+6 i
S'efforcent de remplirleurs tonneaux toujours vides ; 6+6 i
Éternel châtimentd'un crime envers l'amour ! 6+6 g
o Délie ! en ces lieuxqu'il descende à son tour,. 6+6 g
100 Quiconque aura tentéd'ébranler ta constance, 6+6 a
Ou pour long-tems à Marsdemandé mon absence(4) 6+6 a
Mais toi, garde-toi biend'écouter mes rivaux. 6+6 n
Que ta mère attentiveà la foi qui m'est due, 6+6 j
Soit d'un dépôt si cherla gardienne assidue. 6+6 j
105 Soigneuse de tromperl'ennui de tes travaux, 6+6 n
Que, filant chaque soir,près de sa lampe assise, 6+6 k
Elle ait pour te charmerquelques récits nouveaux, 6+6 n
Tandis que doucementpar le sommeil surprise 6+6 k
Ta jeune esclave laisseéchapper ses fuseaux. 6+6 n
110 Dieux ! qu'en ce doux momentle destin me ramène ! 6+6 l
Dieux ! puissé-je au milieude cette aimable scène 6+6 l
Entrer, et tout-à-coup,témoin inattendu, 6+6 m
Par miracle du cielte sembler descendu ! 6+6 m
Alors par ton désordreà mes yeux embellie, 6+6 n
115 Les cheveux détachés,les pieds nus, ô Délie ! 6+6 n
Vole et viens embrasserl'amant qui t'est rendu. 6+6 m
Et toi, hâte tes pas,aurore fortunée, 6+6 f
Qui dois ouvrir pour moicette heureuse journée ! 6+6 f
(1)  Cette élégie et la suivante sont extraites d'une traduction complète de Tibulle, que l'auteur se propose de donner bientôt au public. La conformité de sujet entre ces pièces et celles qu'on vient de lire a fait penser qu'elles ne seraient pas déplacées ici.
(2) Aujourd'hui Corfou.
(3)  Ce vers et les suivans font allusion aux superstitions égyptiennes qui étaient alors fort répandues à Rome.
(4)  Tibulle avait suivi l'expédition de Messala, comme on le voit par les premiers vers de cette élégie.
mètre profil métrique : 6+6
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