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LOY_2/LOY40
Charles LOYSON
ÉPÎTRES ET ÉLÉGIES
1819
ÉPITRES
ÉPITRE VI
A MLLE PAULINE ***
QUEL noir chagrin, jeune et douce Pauline, 4+6 a
Quelle langueur vous consume en secret ? 4+6 b
C'est trop long-tems m'en cacher l'origine. 4+6 a
Ne craignez rien ; consolateur discret, 4+6 b
5 Si je ne puis dissiper vos alarmes, 4+6 a
Peut-être au moins de l'aimable pitié 4+6 b
A vos douleurs je mêlerai les charmes. 4+6 a
C'est moins souffrir que souffrir de moitié ; 4+6 b
Pleurer à deux adoucit bien des larmes ! 4+6 a
10 Et je l'avoue, ô Pauline, en ce jour, 4+6 a
Lorsque je m'offre à partager vos peines, 4+6 b
Mon triste cœur éprouve aussi les siennes, 4+6 b
Et de son zèle attend quelque retour. 4+6 a
Tendre pitié ! par ta vertu suprême, 4+6 a
15 En consolant un autre malheureux, 4+6 b
Le malheureux se console lui-même. 4+6 a
Tendre pitié ! de tes soins généreux 4+6 b
Tel est le prix ; le mal qu'on plaint soulage 4+6 a
Celui qu'on souffre, et de son propre ennui 4+6 b
20 On perd bien plus, en cet heureux partage, 4+6 a
Que l'on ne prend de la douleur d'autrui. 4+6 b
Or, apprenez le tourment que j'endure. 4+6 a
Il est un mal que je n'ose nommer… 4+6 b
Mais s'il est vrai qu'enfant de la nature, 4+6 a
25 Au sentiment prompt à se conformer, 4+6 b
Le style en soit la vivante peinture, 4+6 a
Je ne saurai que trop bien l'exprimer. 4+6 b
Il est un mal cruel, inévitable, 4+6 a
Et c'est celui dont je sens les rigueurs ; 4+6 b
30 Mal obstiné, dont la force indomptable 4+6 a
Nourrit en nous d'invincibles langueurs ;. 4+6 b
Qui, dans le cour fixant sa résidence, 4+6 a
Y règne en maître, et pour s'y maintenir 4+6 b
Sait tout braver, art, soins, expérience, 4+6 a
35 Sans qu'au moyen de sa vaine science 4+6 a
Nul Esculape encor l'ait pu guérir. 4+6 b
Ce mal, hélas ! c'est vers l'âge où vous êtes 4+6 a
Que d'ordinaire une jeune beauté 4+6 b
En sent d'abord les atteintes secrètes. 4+6 a
40 Adieu, plaisirs ; adieu, douce gaîté. 4+6 b
Quel changement tout-à-coup !quel prodige ! 4+6 a
On porte un air et rêveur et distrait, 4+6 b
Tout importune, ennuie, attriste, afflige ; 4+6 a
Le bruit fatigue et le calme déplaît. 4+6 b
45 Le cœur souffrant ne sait ce qu'il désire ; 4+6 a
On s'abandonne à de vagues douleurs, 4+6 b
Cent fois le jour sans raison l'on soupire, 4+6 a
Et sans raison l'on sent couler ses pleurs. 4+6 b
Qu'on aime alors les retraites paisibles, 4+6 a
50 Et les déserts au monde inaccessibles ! 4+6 a
Les plus affreux paraissent les plus doux ; 4+6 a
Mais dans le fond du bois le plus sauvage 4+6 b
On n'est pas seul, je ne sais quelle image 4+6 b
Y suit vos pas et le remplit pour vous. 4+6 a
55 A ce tableau vous êtes étonnée, 4+6 a
Même je crois entrevoir dans vos yeux 4+6 b
Que vous plaignez ma triste destinée. 4+6 a
Tendre intérêt, et qu'il m'est précieux ! 4+6 b
D'en abuser, cependant, je dois craindre. 4+6 a
60 Rassurez-vous, si je vous semble à plaindre, 4+6 a
J'ai dans mon sort des compagnons nombreux, 4+6 a
Et même en puis citer d'assez fameux. 4+6 a
Dans l'univers, soumis à son empire, 4+6 a
Le mal que j'ai ; sur tout ce qui respire 4+6 a
65 Porte au hasard ses ravages cruels. 4+6 a
C'est peu pour lui de s'adresser à l'homme, 4+6 b
Sa rage encor s'attaque aux immortels, 4+6 a
D'où vient jadis que dans la Grèce et Rome, 4+6 b
Comme la fièvre, il obtint des autels, 4+6 a
70 Il tourmenta Titus et Bérénice, 4+6 a
La nymphe Écho l’éprouva pour Narcisse, 4+6 a
Vénus pour Mars, Phébus, Mercure, enfin 4+6 a
Pour tous les dieux, hors son époux Vulcain. 4+6 a
Minerve eut peine à le vaincre, et Diane, 4+6 a
75 Frappée aussi de la contagion, 4+6 b
Si l'on en croit maint chroniqueur profane, 4+6 a
Quitta souvent la haute région 4+6 b
Qu'elle parcourt sur son char diaphane, 4+6 a
Pour venir près du bel Endymion, 4+6 b
80 Secrètement, d'un mal à qui tout cède, 4+6 a
Au fond des bois essayer le remède. 4+6 a
Combien de fois le souverain des dieux 4+6 a
En éprouva l'atteinte involontaire, 4+6 b
Et tout-à-coup sentit au haut des cieux 4+6 a
85 Languir le bras qui lance le tonnerre ! 4+6 b
Amour ! Amour ! au ciel et sur la terre, 4+6 c
Tout doit subir tes coups victorieux ! 4+6 a
Mais où m'emporte un transport téméraire ! 4+6 c
Sans y penser j'ai prononcé ce nom. 4+6 a
90 Je l'avais dit, j'aurais voulu le taire, 4+6 b
Mais, las ! aussi j'ai bu le doux poison, 4+6 a
Pauline, et c'est son effet ordinaire 4+6 b
Que d'altérer et troubler la raison. 4+6 a
Pardonnez donc à ma muse imprudente, 4+6 b
95 Et dites-moi, sans crainte et sans façon, 4+6 a
N'est-ce point là le mal qui vous tourmente ? 4+6 b
Quand je vous vis pour la première fois, 4+6 a
Pleine de feu, folâtre et sémillante, 4+6 b
Votre air, vos yeux, vos gestes, votre voix, 4+6 a
100 Tout exprimait une gaîté brillante. 4+6 b
Dieux ! à ce point avez-vous pu changer ? 4+6 a
Triste aujourd'hui, plaintive, gémissante, 4+6 b
Nos plus doux jeux semblent vous affliger. 4+6 a
Vous n'y portez qu'une ame languissante ; 4+6 b
105 Et si parfois un sourire léger 4+6 a
Sur votre bouche a commencé d'éclore, 4+6 a
C'est pour se perdre aussitôt dans les pleurs, 4+6 b
Comme souvent un rayon de l'aurore, 4+6 a
Brille et s'éteint dans d'humides vapeurs. 4+6 b
110 Pauline, enfin, c'est trop long-tems vous taire. 4+6 a
De mes chagrins vous savez le sujet : 4+6 b
A mon aveu par un aveu sincère 4+6 a
Il faut répondre, il faut que sans mystère, 4+6 c
A votre tour, de votre ennui secret, 4+6 b
115 Vous me rendiez aussi dépositaire. 4+6 c
Oh ! que mon sort me paraîtrait heureux, 4+6 a
Si même mal nous tenait l'un et l'autre ! 4+6 b
Mais plût au Ciel, pour combler tous mes vœux, 4+6 a
Que le mien fût le remède du vôtre ! 4+6 b
mètre profil métrique : 4+6
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