Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LOY_1/LOY2
Charles LOYSON
LE BONHEUR DE L'ÉTUDE :
discours en vers et autres poésies
1817
L'AIR NATAL
ÉLÉGIE
TE voilà, doux pays, | témoin de ma naissance 6+6 a
Voila tes champs, tes prés, | tes ombrages épais, 6+6 b
Et ton fleuve si pur, | et tes vallons si frais : 6+6 b
Mais, hélas ! qu’as-tu fait | des jeux de mon enfance ? 6+6 a
5 M'as-tu gardé, dis-moi, | mes plaisirs, ma gaîté, 6+6 a
Un cœur exempt de soins, | ma joie et ma santé ? 6+6 a
Beaux lieux où je suis né, | me rendrez-vous la vie ? 6+6 a
Est-il vrai qu'en effet | ce ciel de la patrie, 6+6 a
Qui dans leur fleur naissante | a vu nos jeunes ans, 6+6 a
10 Cet air, ces eaux, ces fruits, | nos premiers alimens, 6+6 a
Cette nature enfin, | étrange sympathie ! 6+6 a
Par des liens cachés | à la nôtre assortie, 6+6 a
Lorsque d'un mal cruel | nous sentons la langueur, 6+6 a
Puissent ressusciter | notre antique vigueur, 6+6 a
15 Réveiller ces esprits | qui se meuvent à peine, 6+6 a
Faire d'un sang plus pur | bouillonner chaque veine, 6+6 a
Et de la vie en nous | ranimant les ressorts, 6+6 a
Rendre à l'esprit sa flamme | et ses forces au corps ? 6+6 a
Essayez d'exiler | du sol qui les vit naître 6+6 a
20 Ou cette tendre fleur, | ou ce jeune arbrisseau ; 6+6 b
Ils languissent soudain, | et vont mourir, peut-être, 6+6 a
Si vous ne les rendez | au lieu de leur berceau. 6+6 b
Ce soleil inconnu, | cette nouvelle terre, 6+6 a
Hélas ! daigneront-ils | à la tige étrangère 6+6 a
25 Accorder leur tendresse, | accommoder leurs soins ? 6+6 b
Connaissent-ils ses goûts, | ses mœurs et ses besoins, 6+6 b
La chaleur qu'il lui faut, | les sucs qu'elle préfère ? 6+6 a
Ce ruisseau coule-t-il | à sa soif mesuré ? 6+6 a
Cet air fut-il exprès | pour elle tempéré ? 6+6 a
30 Ces champs sont-ils les champs | où la douce nature 6+6 a
A d'un soin maternel | placé sa nourriture ? 6+6 a
Non, pour elle en ces lieux | rien ne fut préparé. 6+6 a
Eh bien ! cette magique | et secrète influence 6+6 b
Sans doute aussi sur l'homme | exerce sa puissance. 6+6 b
35 Oui, l'homme à vivre aux lieux | où jadis il est né ; 6+6 a
Comme l'arbre et la fleur | est aussi destiné. 6+6 a
Si vous voyez loin d'eux | sa santé qui chancelle, 6+6 a
Hâtez-vous, rendez-lui | la terre paternelle, 6+6 a
Cet astre dont l'éclat | sur son enfance a lui, 6+6 a
40 Ces champs accoutumés, | ce climat fait pour lui, 6+6 a
Surtout ces souvenirs | remplis de tant de charmes, 6+6 a
Ces heureux souvenirs | de ses premiers beaux jours, 6+6 b
De ses premiers succès, | de ses premiers amours, 6+6 b
De ses jeux innocens, | et même de ses larmes ; 6+6 a
45 Rendez-lui l'heureux toit | qu'il habita long-tems, 6+6 a
Ses anciens compagnons, | ses amis, ses parens, 6+6 a
Les doux soins d'une sœur, | les doux soins d'une mère, 6+6 a
Et les cheveux blanchis, | ou la tombe d'un père. 6+6 a
Parmi tous ces objets | dans son cœur ranimé 6+6 a
50 De ses jours presque éteints | le feu s'est rallumé : 6+6 a
De la sage nature | heureuse providence ! 6+6 a
Vous donc, vous insensés, | qui trompant sa prudence, 6+6 a
De climats en climats | portez vos pas errans, 6+6 b
A l'amour du pays | mortels indifférens, 6+6 b
55 De la nature enfin | redoutez la vengeance. 6+6 a
Un jour, peut-être, un jour, | sans secours, sans pitié, 6+6 a
Sur un lit douloureux | et chèrement payé, 6+6 a
Expirant à prix d'or | chez un hôte insensible, 6+6 a
Vous mourrez délaissés. | Le lieu simple et paisible, 6+6 a
60 Où l'amour maternel | sourit à vos berceaux, 6+6 a
Ne verra point vos fils | pleurer sur vos tombeaux, 6+6 a
Et vos os, inhumés | aux terres étrangères, 6+6 a
Dormiront inconnus | loin des os de vos pères. 6+6 a
Dieu ! sur des bords lointains | ne placez point ma mort ! 6+6 a
65 Et vous, ô de mes jours | puissance tutélaire, 6+6 b
Si de mon lieu natal | la mémoire m'est chère ; 6+6 b
Si je ne l'ai jamais, | exilé par le sort, 6+6 a
Ni quitté sans douleur, | ni revu sans transport, 6+6 a
Lorsque les fiers destins | auront marqué mon heure, 6+6 a
70 (Et peut-être avant peu | je dois sentir leurs coups) 6+6 b
Je ne vous prîrai point | de fléchir leur courroux ; 6+6 b
Mais né dans ces beaux lieux, | que dans ces lieux je meure, 6+6 a
Dans ce temple sacré | qui touche ma demeure, 6+6 a
Que de l’airain plaintif | les tristes tintemens 6+6 a
75 Annoncent de mon cour | les derniers battemens. 6+6 a
A ces sons entendus | dans tout le voisinage, 6+6 a
Plus d'une bonne vieille, | oubliant son ouvrage, 6+6 a
Et laissant un moment | reposer son fuseau, 6+6 a
Viendra sur mon linceul | pencher le saint flambeau. 6+6 a
80 Mais lorsque sur la porte | on aura mis ma bière, 6+6 a
Chaque passant près d'elle | un moment arrêté, 6+6 b
Secouant un rameau | dans l'eau sainte humecté, 6+6 b
Prononcera tout bas | une courte prière ; 6+6 a
Même les étrangers, | en voyant un long deuil 6+6 a
85 Jusqu'au dernier asile | escorter mon cercueil, 6+6 a
Pleureront ma jeunesse | en sa fleur moissonnée : 6+6 a
Une mère plaindra | ma mère infortunée, 6+6 a
Et quelques vers peut-être | iront dans l'avenir, 6+6 a
Gravés sur mon tombeau, | porter mon souvenir 6+6 a
90 Mais pourquoi m'attrister | par ces pensers funèbres ? 6+6 a
L'espérance en mon sein | peut encor se placer, 6+6 b
Un doux rayon encor | peut chasser les ténèbres 6+6 a
Où mes jours palissans | sont près de s'éclipser. 6+6 b
Dieu ! que mon sort un jour | serait digne d'envie, 6+6 a
95 Si dans l'heureux déclin | d'une honorable vie, 6+6 a
Je venais, à l'abri | de ces vieux marronniers, 6+6 a
Reposer un front blanc | ceint de quelques lauriers ! 6+6 a
Fortune ! entends ces vœux, | et d'une main prodigue 6+6 a
Porte ailleurs, j'y consens, | les trésors, les emplois, 6+6 b
100 Et ces larges cordons, | et ces brillantes croix, 6+6 b
Que mérite l'honneur, | et que ravit l'intrigue. 6+6 a
Mais, quel que soit le sort | qui m'attende en ces lieux 6+6 a
Pour vivre et pour mourir | également propices, 6+6 b
Mes désirs sont contens, | et je rends grâce aux cieux, 6+6 a
105 Beaux lieux, hâtez-vous donc : | de toutes vos délices 6+6 b
Hâtez-vous de combler | et mon cœur et mes yeux. 6+6 a
Soit qu'au mal qui m'accable | à la fin je succombe, 6+6 a
Soit que le ciel me garde | encor de longs momens, 6+6 b
Ou j'obtiendrai par vous | la fin de mes tourmens, 6+6 b
110 Ou vous m'embellirez | le chemin de la tombe. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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